Le Liban a convoqué vendredi 18 octobre le chargé d'affaires iranien après que le Premier ministre a vu une « ingérence flagrante » de Téhéran dans les propos d'un responsable iranien affirmant être prêt à négocier un cessez-le-feu au Liban.
Par RFI (19 octobre 3024)*
C'est la première fois que le Premier ministre Najib Mikati, qui entretient de bonnes relations avec le puissant Hezbollah pro-iranien représenté au sein de son cabinet, adopte une telle position. Après un an d'échanges de tirs frontaliers, Israël et le Hezbollah sont désormais en guerre ouverte au Liban où l'armée israélienne a lancé le 30 septembre une offensive au sol dans le sud.
Le président du Parlement iranien, Mohammad Bagher Ghalibaf, qui s'est rendu la semaine dernière à Beyrouth, a affirmé dans un article publié jeudi soir par Le Figaro que Téhéran serait prêt à négocier avec Paris un cessez-le-feu au Liban. « Pour atteindre cet objectif du cessez-le-feu, le président du Parlement nous déclare que l'Iran serait prêt à négocier concrètement les mesures d'application de la résolution 1701 avec la France, qui agirait en pays médiateur entre le Hezbollah et Israël », affirme l'article du célèbre quotidien français.
La résolution 1701, qui a acté la fin de la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, stipule que seuls les Casques bleus et l'armée libanaise doivent être déployés dans le sud du Liban frontalier d'Israël. « Nous sommes surpris par cette position, qui constitue une ingérence flagrante dans les affaires libanaises, et une tentative d'établir une tutelle que nous rejetons sur le Liban », a affirmé Najib Mikati dans un communiqué.
Convocation du chargé d'affaires iranien
Il a indiqué avoir demandé au ministre des Affaires étrangères de « convoquer le chargé d'affaires iranien » pour lui demander « des explications ». En soirée, le ministère des Affaires étrangères a annoncé avoir reçu le chargé d'affaires Meysam Ghahrmani pour « insister sur le fait que le Liban mène les efforts diplomatiques nécessaires pour faire cesser l'agression israélienne en appliquant la résolution 1701 ».
Hasni Abidi est politologue, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM), s’il évoque la possibilité que la citation du responsable iranien ait été déformée ou sortie de son contexte, il estime que la réaction du Premier ministre libanais est légitime. « Cette déclaration venant d'un personnage important iranien -le chef du Parlement -, est une atteinte pour le gouvernement libanais à la souveraineté libanaise et elle fournit un alibi, finalement gratuitement, aux Israéliens pour dire : “Mais vous voyez, finalement, Liban ne contrôle pas sa sécurité. Le Liban n'est pas souverain” », explique le politologue au micro de RFI.
Le directeur du CERMAM estime que la« tutelle présentée par le chef du Parlement iranien est dérangeant ». « Elle dérange le chef du gouvernement, elle montre ses limites. Elle saisit l'occasion de l'absence d'un président de la République depuis deux ans et place l’Iran comme l'État, qui gère le Liban, et c'est lui qui va prendre l'initiative diplomatique », poursuit-il.
Le ministère libanais des Affaires étrangères dit encore avoir insisté sur « la protection de la souveraineté et de la sécurité du territoire libanais ». L'ambassadeur d'Iran au Liban, Mojtaba Amani, avait été blessé la mi-septembre dans l'explosion d'un bipeur, comme des centaines de membres du Hezbollah, une opération attribuée à Israël.
*Source : RFI