Propos recueillis par Gilles Munier (La Pensée Nationale n°20 – Janvier 1979)
Posez cette question autour de vous, et vous constaterez que peu nombreuses sont les personnes capables de le situer sur une carte. Pourtant, l’Arabistan risque de devenir dans les mois à venir un des points les plus chauds du globe en raison de ses richesses pétrolières et de sa situation stratégique.
Abdallah al-Salameh, secrétaire du Mouvement Démocratique et Révolutionnaire pour la Libération de l’Arabistan (MDRLA), n’est pas surpris lorsqu’on fait marque d’une ignorance quasi-totale du problème. Mais laissons lui la parole, dans cette interview qu’il a bien voulu nous accorder à Damas à l’occasion du Congrès du Peuple Arabe.
Q : Présentez-nous l’Arabistan ?
Les Britanniques ont intégré l’Arabistan à l’empire perse par la force il y a un peu plus de 50 ans. Notre pays couvre environ 250 000km2 et borde la rive nord du Golfe Arabe sur toute sa longueur, c'est-à-dire de l’Irak au détroit d’Ormuz. Au nord, il est séparé du reste de l’empire par une frontière naturelle montagneuse. Sa capitale est Abadan où la SAVAK a commis un de ses derniers crimes en incendiant un cinéma.
Q : Quelle est la population de l’Arabistan ?
Environ 2 millions et demi. Notre langue est l’arabe et notre religion l’islam. Sur le plan ethnique et culturel nous faisons partie de la nation arabe. Nous luttons donc pour notre libération, c'est-à-dire contre la colonisation iranienne.
Q : Comment se concrétise cette colonisation?
En Arabistan, il est interdit de parler l’arabe ou de porter l’habit national. Nous sommes obligés de nous expatrier pour trouver du travail car les emplois sont réservés aux Iraniens. La moindre critique est sévèrement réprimée par les agents de la SAVAK ou par l’un des trois régiments stationnés sur notre sol, dont les commandos de l’île Abou Moussa.
Q : Que représente l’Arabistan pour l’économie iranienne ?
C’est 86% de la production de pétrole de l’Iran… et 15% du pétrole utilisé dans le monde occidental. L’Arabistan a fourni du pétrole à Israël et à l’Afrique du Sud. Mais, les richesses de son sous-sol ne profitent pas à son peuple. Elles appartiennent à des compagnies étrangères : l’American Oil Company, la British Petroleum et la Shell.
Q : Quelles sont les causes de votre révolte contre le Chah ?
Nous luttons pour notre libération, c'est-à-dire contre les troupes du Chah et les colons iraniens. Mais, nous lutterons également contre tous ceux qui viendraient à lui succéder et qui ne nous accorderaient pas notre indépendance.
Les causes de notre révolte sont évidemment nombreuses, mais les principales sont les suivantes : premièrement, notre peuple vit dans la misère.
Deuxièmement, il veut ses droits nationaux. Vous savez certainement que l’empire perse est une création artificielle. Il ressemble à l’Ethiopie, et l’Arabistan serait l’Erythrée… L’Iran est composé de cinq nationalités : les Perses, les Arabes, les Azerbaïdjanais, les Kurdes et les Baloutches.
Troisièmement, nous luttons contre la répression.
Q : Quels sont les objectifs de votre mouvement ?
Tout d’abord, notre mouvement a été fondé en 1973, date de la tenue de notre premier congrès et de nos premières actions armées. Lors de ce congrès, nous avions décidé de lutter aux côtés des autres mouvements de libération iraniens en un seul front uni contre le Chah, et pour instaurer la démocratie de laquelle auraient découlé nos droits nationaux. Depuis, nous avons tenu un second congrès, et notre programme a évolué. Nous disons maintenant que nous luttons dans le Golfe Arabe pour la libération de notre peuple, et contre toutes les formes d’impérialisme et de colonialisme. Dans ce combat, et sur le sol de notre patrie, nous sommes physiquement seuls ; mais nous coordonnons nos actions avec les autres mouvements de libération de la région, celui d’Oman en particulier.
En résumé, nous luttons pour notre indépendance, et pour que l’Arabistan retourne au sein de la Nation Arabe. Notre combat est soutenu principalement par les pays arabes véritablement nationalistes. Nous souhaitons que la France qui a reconnu le droit des Palestiniens à avoir une patrie, n’oublie pas le peuple d’Arabistan. C’est aussi son intérêt car cette région du monde est déstabilisée pour encore longtemps. Notre lutte sera donc longue, car les successeurs du Chah pourraient, à l’image du régime d’Addis-Abeba, poursuivre la même politique d’oppression. Notre région est très convoitée, la France doit faire entendre sa voix. Nous ne l’oublierons pas.
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La « libération » de l’Arabistan, par Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/pages/La_liberation_de_lArabistan-2512744.html
Arabistan - Faire connaître notre combat au monde (archives 1981)