Par Gilles Munier
Concernant leur avenir dans une Syrie post-Assad, les Kurdes de Syrie savent à quoi s’en tenir si le CNS (Conseil national syrien), et plus particulièrement si l’actuelle direction des Frères Musulmans sa principale composante, parvient au pouvoir. Dans une interview au quotidien turc Cumhuriyet, Mohammed Riad al-Shaqfa, secrétaire général de la confrérie, a dit clairement qu’il est «opposé à l’établissement d’une entité kurde en Syrie» (1). On s’en doutait, surtout depuis le refus du CNS au Caire, le 2 juillet dernier, d’introduire un paragraphe reconnaissant le peuple kurde en tant que nation ou tout du moins lui permette d’exercer ses droits linguistiques et culturels. Les délégués du PYD (Parti de l’union démocratique) et du CNK (Congrès national kurde) avaient alors quitté la salle et la réunion s’était achevée par un pugilat !
Le lendemain, des membres de l’opposition syrienne ont enlevé un jeune kurde à Afrin (au nord-ouest d’Alep) et l’ont décapité. Poursuivis, les assassins ont été rejoints et tués. Salih Mohammad Muslim, chef du PYD, a accusé l’ASL (Armée syrienne libre) d’être l’auteur du crime. En novembre 2011, il déclarait à kurdwatch.org : les Frères Musulmans « ont signé un accord avec la Turquie par lequel ils nieront l'existence des Kurdes s'ils viennent au pouvoir en Syrie », tous ceux qui siègent au CNS sont des « sbires de la Turquie » (2).
Depuis, suite à un accord secret avec le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), dont le PYD est la branche syrienne, les troupes et les services de renseignements du régime de Damas se sont quasi totalement retirés de la région kurde, pour contenir le soulèvement populaire à Alep et à Homs. La photo d’Abdullah Ocalan, chef du PKK emprisonné en Turquie depuis février 1999, trône dans tous les bureaux officiels.
La région kurde syrienne est désormais contrôlée par le PYD, sous couvert du Congrès national kurde (CNK) créé les 9 et 10 juillet dernier à Erbil sous la houlette de Massoud Barzani, président de la Région autonome du Kurdistan irakien. Des Comités de défense du peuple se sont transformés en Forces armées kurdes (YPG). Près de Dohouk, en Irak, un camp d’entraînement accueille les déserteurs kurdes et les prépare à l’après-Assad. Selon Barav Hassan, un des représentants du CNK, un millier de membres et de cadres du PKK a passé la frontière syrienne pour entraîner militairement les militants kurdes syriens (3).
A kurdwatch.org qui lui demandait, fin 2011, ce qui se passerait si Damas changeait de stratégie, Salih Mohammad Muslim, chef du PYD, a répondu : « Nous verrons ce qui arrivera ».
(1) Leader of Muslim Brotherhood Opposes Kurdish Entity in Syria, par Adib Abdulmajid (Rudaw - 22/9/12)
http://www.rudaw.net/english/news/syria/5231.html
(2) Interview de Salih Mohammad Muslim (Kurdwatch – 8/11/11)
http://www.kurdwatch.org/index?aid=2182
(3) PYD Accused of Abuse of Power in Kurdish Areas of Syria, par Hevidar Ahmed (Rudaw - 18/9/12)
http://www.rudaw.net/english/news/syria/5214.html
(4) Interview de Salih Mohammad Muslim (Kurdwatch – 8/11/11)