Revue de presse : As-Safir (Médiarama- 14/6/13)
L’ancien Premier ministre Saad Hariri a lancé une grosse pierre sur la scène politique libanaise à travers une lettre adressée aux Libanais contre le Hezbollah et, par conséquent, contre une faction importante de la population.
Le leader du Courant du futur a peut-être voulu anticiper le discours du secrétaire général du Hezbollah prévu aujourd'hui afin de le mettre sur la défensive et d'empêcher le parti d'exploiter à l'interne les résultats de la bataille de Qoussair. Saad Hariri a brisé tous les ponts avec le Hezbollah et a brûlé tous les navires. Sa lettre est un véritable acte d'accusation contre la Résistance, lui faisant assumer la responsabilité de tous les maux qui frappent le Liban et l'accusant de constituer une menace existentielle pour le pays, de contrôler ses dirigeants et ses institutions, sous une couverture iranienne.
Cette lettre, écrite par une main professionnelle, rejoint la violente campagne lancée contre le Hezbollah par le Conseil de coopération du Golfe, les Etats-Unis, l'Europe, des pays arabes, couronnée par des fatwas religieuses émises dans plusieurs capitales arabes.
Quelle est la fonction de cette lettre? Illustre-t-elle la colère des pays du Golfe à l'égard du rôle du Hezbollah dans la modification des rapports de force sur le terrain en Syrie? Ou bien est-ce un coup de colère après l'échec d'un pari politique et militaire en Syrie à partir de la porte de Qoussair? Ou bien encore reflète-t-elle une inquiétude des pays du Golfe du déclin américain dans la région au profit de l'Iran et de la Russie. Aussi, l'Arabie saoudite a-t-elle voulu tapoter sur la table pour rappeler qu'elle est présente, pour ne pas être exclue du compromis qui pointe à l'horizon en Syrie?
Pourquoi Saad Hariri a-t-il tranché le débat sur la nature de la confrontation en cours en Syrie et l'a mise dans le cadre d'un affrontement entre sunnites et chiites dans l'ensemble de la région, approfondissant ainsi les dissensions internes au Liban?
Pourquoi vouloir présenter le danger du Hezbollah contre le Liban et le monde arabe, et avec lui l'Iran et le régime syrien, comme étant plus pernicieux que le danger israélien en cette période?
Admettons que le Hezbollah ait impliqué le Liban dans la crise syrienne. La lettre de Saad Hariri n'entraîne-t-elle pas le Liban dans la grande confrontation à l'échelle de la région? N'invite-t-elle pas au Liban les crises syrienne et irakienne, le conflit entre le Golfe et l'Iran et le projet de discorde?
Saad Hariri dispose-t-il de données sur lesquelles il a bâti des convictions sur les changements des rapports de forces, pour oser défier le Hezbollah?
Hariri se lance-t-il dans une aventure calculée cette fois-ci? ou bien a-t-il été poussé par quelqu'un dans cette aventure pour être exploité dans une vaste confrontation allant du Golfe au Liban en passant par l'Irak et la Syrie?
L'ancien Premier ministre parie-t-il encore une fois sur la mouvance salafiste -qu'il avait désavoué par le passé, abandonnant le sang de sa jeunesse-pour qu'elle livre pour son compte une guerre ouverte contre les chiites? Laisse-t-il entendre qu'il pourrait accorder une couverture aux courants fondamentalistes qui commencent à avoir une grande influence sur la scène sunnite?
Enfin, les propos de Hariri risquent-ils de saper la sécurité à Tripoli, Saïda, et peut-être à Beyrouth et dans la Békaa-Ouest?
Source :
http://gallery.mailchimp.com/fdeacba4fa4c5ec4d8ce5787c/files/Mediarama_358.pdf