Par Heidi-Jane Esakov* (revue de presse : Mail&Guardian - 2/8 novembre 2012)
Grâce au parrainage d’une organisation sud-africaine, branche du Jewish National Fund, les villages bédouins de Oum al-Hiran et Al-Arakib situés dans la région du Negev-Naqab israélien seront bientôt rayés de la carte pour rejoindre les 500 autres villages et villes qui ont subi le même sort en 1947.
Toute preuve de l’existence d’Al-Arakib, démoli pour la 40ème fois à la mi-octobre, sera soigneusement occultée par le Jewish National Fund pour permettre la création d’une colonie religieuse juive sur Oum al Hiran.
Le programme Blueprint Negev
Les villageois de ces villages non reconnus sont des citoyens israéliens et l’auto-proclamé démocratique Etat juif assure qu’ils possèdent les mêmes droits que les juifs israéliens. Mais, selon le plan Prawer, ils font partie des 40 000 bédouins que cet Etat veut déplacer pour les reloger dans des townships de son cru afin de « judaïser » le Negev avec l’installation de 250 000 juifs dans le cadre d’un programme du nom de Blueprint Negev.
Les militants et les organisations des droits de l’homme considèrent le déplacement forcé des Bédouins comme l’illustration des pratiques d’apartheid d’Israël. Mais un autre lien apparaît avec la branche sud-africaine du Jewish National Fund qui œuvre au projet du Blueprint Negev en conjonction avec Israël.
Le Fond national juif, souvent présenté comme une organisation de défense de l’environnement, a assuré une forte présence lors de la Conférence COP 17 sur le changement de climat l’an dernier. Cependant, son rôle est plus complexe et problématique: établi en 1901 pour acquérir des terres en Palestine pour l’installation de colonies juives, il possède 13% des terres et, de concert avec l’Administration des Terres en Israël, il en gère 93%. Certaines terres furent achetées par le fonds avant l’établissement d’Israël en 1948, mais la plus grande partie lui a été transférée après cette date, ce qui permet à l’Etat de se soustraire à sa responsabilité d’accorder les mêmes droits à tous et de déléguer son pouvoir à un Fonds viscéralement raciste.
Seuls les Juifs peuvent, soit utiliser les terres du fonds, soit les louer : « Le Jewish National Fund n’a de loyauté qu’à l’égard du peuple juif et n’a d’obligation qu’envers lui. Le Fonds, en tant que propriétaire des terres n’a pas à établir une égalité entre tous les citoyens de l’état ». Ainsi, un juif de Johannesburg, de New York ou de Santiago possède plus de droits pour obtenir une terre à Al Arakib que les Bédouins qui peuvent prouver en être les propriétaires depuis l’époque Ottomane.
Droits à la terre au détriment des Palestiniens
Le Fonds national juif prétend qu’il est « devenu un pionner mondial en matière d’environnement puisqu’il va planter 250 millions d’arbres… faire revivre le désert du Negev et instruire les étudiants de par le monde sur Israël et l’environnement ».
La vérité est toute autre. Comme il l’a fait avec tous les autres villages palestiniens détruits, que recouvrent maintenant les parcs de loisirs et les forêts, le fonds a commencé à planter une forêt d’eucalyptus, espèces totalement étrangères à la région et préjudiciables sur le plan de l’environnement. Au cours des expulsions, l’Etat a déraciné des centaines d’oliviers qui sont, eux, des espèces indigènes.
L’influence du fonds dépasse de beaucoup les frontières d’Israël. Il joue un rôle dans la socialisation et l’éducation des Juifs dans le sionisme et pour inculquer l’idée fondamentale que les Juifs ont des droits à la terre au détriment des Palestiniens. Sous prétexte « de faire fleurir le désert », les communautés juives dans le monde lui font des donations généreuses. Les boîtes à pièces des enfants développent un sentiment de loyauté envers Israël et des certificats d’achat d’arbres sont en vente.
La plupart des juifs sud-africains ignore la vraie fonction du Fonds national jiif. Des arbres plantés pour célébrer des naissances, ou les bar mitzvahs aux grosses sociétés, comme le grand magasin de jouets Reggies qui encourage les enfants à offrir leur argent de poche au fond (devant lequel une manifestation, a eu lieu à Johannesburg le 4 novembre- note AFI-Flash) les Sud-africains lui apportent une contribution de taille.
La branche sud-africaine du Jewish National Fund, a, depuis longtemps, été complice des crimes contre les droits de l’homme: la South Africa Forest (Forêt d’Afrique du sud) en Galilée où les juifs d’Afrique du sud parrainent des arbres, a été plantée pour cacher les restes du village de Lubya détruit en 1947.
Le but de la branche sud-africaine est d’envoyer 250 000 nouveaux résidents dans le Negev et des fermes seront construites sur des sites qui ne sont ni des réserves naturelles protégées, ni des terrains d’exercice de l’armée. Les sites choisis l’ont été pour leur panorama et dans, de nombreux cas, ont été construits dans des endroits auparavant troublés… troublés par les Palestiniens qui y ont vécu depuis des siècles.
* Heidi-Jane Esakov travaille au Afro-Middle East Centre à Johannesburg
Traduction : Xavière Jardez – Titre et intertitre : AFI - Flash
Titre orignial : Middle East: Forest green screens a history denied
http://mg.co.za/article/2012-11-02-00-middle-east-forest-green-screens-a-history-denied