Par Dimitris Georgopoulos (revue de presse: The Delphi initiative – 6 juillet 2024)*
Qu’ont en commun l’ancien leader du parti travailliste britannique Jeremy Corbyn, le premier ministre slovaque Robert Fico et le leader de la “France Insoumise” Jean-Luc Mélenchon ?
Le premier point commun est qu’ils sont de gauche, même si leurs convictions individuelles diffèrent sur certains points. On peut être d’ accord ou non avec eux, mais ils appartiennent à la race de plus en plus rare des hommes de gauche authentiques, de plus en plus rares dans cette foule d’imposteurs et de “planteurs” de la soi-disant gauche et du “centre-gauche” qui ridiculisent et déshonorent toute notion de la gauche.
La deuxième est qu’ils ne sont pas contrôlés par les centres de l’OTAN. Tous les trois sont des critiques féroces de la politique de l’Alliance Atlantique (c’est aussi le cas de Mélenchon, même s’il a d’abord traite d’inacceptable l’intervention militaire russe en Ukraine, ne prenant pas en compte les provocations des Occidentaux contre la Russie pendant 30 ans. En outre, il a prononcé récemment deux discours en faveur du droit des habitants des différentes régions d’Ukraine à décider eux-mêmes, par référendum, dans quel État ils veulent vivre, une position très avancée par rapport à l’ensemble de la politique européenne de promotion de la guerre).
Le lobby et la démocratie
La troisième point est qu’ils sont tous les trois de farouches critiques de la politique génocidaire d’Israël, ce qui les a mis en porte-à-faux avec les différents lobbies sionistes, au centre du pouvoir de “l’Occident collectif”. Nous disowns au centre du pouvoir parce que s’ils n’étaient pas au centre, il n’aurait pas été possible que le génocide en Palestine se poursuive sous les yeux de l’humanité entière pendant si longtemps et que les Etats-Unis et les Etats de l’UE continuent à soutenir Israël dans les faits, au mépris de leurs propres intérêts politiques internationaux pourtant vitaux. Et parce que, n’étant pas les conspirations, mais les intérêts matériels profonds qui déterminent finalement l’histoire, tout cela ne pourrait certainement pas se produire si ces lobbies n’avaient pas un fort ancrage dans le capital financier mondial, le véritable pouvoir de notre monde.
Nous le voyons aux États-Unis, où les présidents et les candidats à la présidence vénèrent l’AIPAC et ne font rien pour la dénigrer, et où cette organisation achète littéralement des sièges à la Chambre des représentants et au Sénat https://www.defenddemocracy.press/the-lobby-byes-us-democracy/ . Nous le voyons en Grande-Bretagne, où un tiers des députés conservateurs ont été financés par le lobby https://www.declassifieduk.org/israel-lobby-funded-a-third-of-conservative-mps/ . Mais peu de gens au niveau international parlent de tout cela et il est courant que d’éminents journalistes occidentaux soient sauvagement traqués pour avoir écrit sur le lobby, comme le dit le grand universitaire juif Ilan Pape dans son dernier livre https://www.middleeasteye.net/opinion/ilan-pappe-new-book-israel-lobby-must-read-why sur ce même sujet.
Et bien sûr, le quatrième point qui relie ces trois hommes politiques réellement antisystème ou du moins incontrôlés, c’est qu’ils ont été très sauvagement pourchassés par les lobbies sionistes et “bandero-OTAN”. Car il ne devrait y avoir aucune trace d’hommes politiques indépendants, pas plus que de journalistes ou d’intellectuels, nulle part, dans aucun pays de l’Occident collectif.
La campagne d’élimination de Jeremy Corbyn
Corbyn a fait l’objet d’une persécution très sauvage et totalement injustifiée, accusé d’être antisémite par la quasi-totalité de la presse britannique, ce qui (avec aussi sa manière défaitiste et défensive de se défendre) a certainement joué un rôle majeur dans sa défaite électorale, même si ce n’est pas sa cause dominante. Auparavant, il a affirmé qu’on lui avait demandé de s’engager à soutenir toute action militaire de la part d’Israël https://www.defenddemocracy.press/jeremy-corbyn-i-was-asked-to-automatically-support-israel-action/ . Pour en savoir plus sur l’affaire Corbyn, on peut lire, à titre d’illustration, les articles suivants ici https://electronicintifada.net/blogs/asa-winstanley/jewish-labour-movement-says-it-brought-down-corbyn et ici https://morningstaronline.co.uk/article/c/required-reading.
Résultat ? Après la défaite électorale et la démission de Corbyn, le parti travailliste a élu à sa tête Kir Starmer , qui est, selon la description du Times of Israël, et non la nôtre, “un sioniste marié à une juive” https://www.timesofisrael.com/keir-starmer-elected-uk-labour-chief-apologizes-to-jews-for-party-anti-semitism/?utm_source=The+Daily+Edition&utm_campaign=daily-edition-2020-04-04&utm_medium=email et qui, une fois élu, s’est excusé auprès d’Israël pour l'”antisémitisme” de son parti (!!!), a suspendu Jeremy Corbyn et a expulsé le plus grand cinéaste britannique vivant, Ken Loach, un condensé expressif dans ses films de la conscience sociale de notre époque. Des milliers de membres du parti travailliste ont quitté le parti par désillusion et, comme l’a dit un responsable, “le sionisme a pris le contrôle du parti travailliste et est en train de le détruire”.
Résultat ? Alors que les Britanniques avaient le choix entre deux partis proposant des politiques alternatives, ils n’en ont plus qu’un seul, qui est un outil de l’OTAN, d’Israël et de la City. C’est essentiellement la fin de la démocratie. Il semble même que les conservateurs aient envisagé de confier le gouvernement aux travaillistes à l’occasion d’élections anticipées, peut-être pour que ces derniers soient en charge de l’escalade de la guerre qui pourrait avoir lieu au Moyen-Orient, en Ukraine ou même en Chine ! Ils sont plus doués pour les trahisons, comme l’a prouvé le Premier ministre travailliste britannique “criminel” Tony Blair en Irak.
Terminer Mélenchon
Maintenant, c’est au tour de Mélenchon. En ce moment, il est impossible de lire un article en France ou d’écouter une émission de radio sans que Mélenchon et la “France Insoumise”, de loin la plus forte des composantes du “Nouveau Front Populaire”, ne soient mentionnés, accusés d’antisémitisme. Leur péché ? La critique d’Israël et la protestation contre le massacre des Palestiniens.
Le plus étonnant. Le “Conseil représentatif des organisations juives de France” (CRIF), l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), le Fonds social juif consolidé (FSJU), le collectif “Nous vivrons” et la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) ont décidé que leur ennemi n’est plus, comme c’était le cas jusqu’à hier, l’extrême droite antisémite, héritière politique du régime de Vichy, celle qui a envoyé les Juifs de France dans les camps de concentration et à la mort, mais bien le nouveau “Front populaire” de la gauche et en particulier “France Insoumise” et Mélenchon, qu’ils accusent désormais d’antisémitisme !
Ce renversement a provoqué un grand choc dans la communauté juive de France, la plus importante d’Europe. Dans un appel dramatique à leurs concitoyens juifs, des centaines d’intellectuels juifs de France dénoncent cette décision des organisations juives officielles, estimant qu’elle compromet le nécessaire combat contre le “Rassemblement national” d’extrême droite et qu’elle alimente l’antisémitisme. Et cet appel dramatique de conclure :
“Citoyens, juifs et juives, nous considérons qu’il est de notre devoir historique, tant au nom de notre mémoire individuelle et collective qu’au nom de l’histoire et de l’avenir, de barrer la route à la montée de la Coalition nationale. C’est là l’urgence, c’est là que mène le vrai combat contre l’antisémitisme et tout racisme” https://www.defenddemocracy.press/instrumentaliser-lantisemitisme-au-lieu-de-combattre-lextreme-droite/.
Sur le nouveau Front populaire
Ouvrons ici une parenthèse pour dire quelques mots du Nouveau Front Populaire, qui recueille aujourd’hui l’hostilité des fascistes, des médias et de Macron.
Au soir du 9 juin, Macron a calculé, fort logiquement, qu’en dissolvant l’Assemblée nationale, il trouverait une gauche démantelée et embastillée. Mais pour la troisième fois en vingt ans (d’abord le référendum de 2005, ensuite les Gilets jaunes), le peuple français a connu l’une des explosions qui n’est pas rare dans son histoire. Une grande partie de la population, réagissant à la possibilité tangible de voir les “fascistes” au gouvernement, s’est mobilisée en masse, est descendue dans les rues et sur les places par centaines de milliers et a spontanément formé des milliers de comités de base dans les quartiers et sur les lieux de travail. La pression exercée par leur propre masse de partisans était si énorme que tout politicien, bureaucrate ou syndicaliste qui leur résistait se suiciderait politiquement. Cette pression a obligé presque tous les partis politiques de gauche, les écologistes, les syndicats du pays et des centaines de mouvements sociaux, tous ceux qui n’étaient pas mobilisés avant le 9 juin, à former, en 48 heures, un front uni, appelé le Nouveau Front Populaire, dont la force principale est la gauche radicale (ou social-démocrate pour certains) de la “France Insoumise” de Mélenchon.
Bien entendu, le NFP n’est pas homogène et ne doit pas être considéré comme stable. Bien qu’il soit impossible de faire une prédiction sérieuse sur la France, qui semble être en plein chaos, si l’extrême droite est élue, nous risquons d’entrer dans des conflits sociaux très graves, étant donné les groupes très violents qui existent à la périphérie du RN et la haine entre les pauvres, en particulier d’origine arabo-musulmane, et Le Pen, conflits qui pourraient, dans le cas le plus extrême, conduire à l’utilisation de l’armée. Dans le cas où on n’ aura pas de majorité parlementaire absolue d’extrême droite, le système cherchera et réussira probablement à provoquer une scission du Nouveau Front populaire et une alliance d’une partie de celui-ci avec Macron. Dans le troisième scénario, une dictature personnelle de Macron pourrait être poursuivie sur la base de l’article 16 de la Constitution française.
Ce que veut l’État profond
Deux choses, cependant, semblent être les aspirations centrales d’ une grande partie au moins du capital financier et de l’État profond français à l’heure actuelle :
- Mettre en œuvre “l’expérience Le Pen”, dans le contexte d’un basculement général de l’Occident vers l’autoritarisme et la guerre, mais aussi “intégrer” dans le système la partie des électeurs de Le Pen qui votent pour elle parce qu’ils remettent en cause le régime.
- Éliminer Jean-Luc Mélenchon, le dernier homme politique de premier plan dans un grand pays européen qui n’est pas directement contrôlé par le grand capital, l’OTAN, les agences américaines et Israël.
Cette dernière stratégie est suivie depuis des décennies depuis la chute du “communisme” de l’Est. Elle vise à contrôler tout le personnel politique, de la communication, intellectuel, étatique, économique de nos sociétés, de sorte que même si les peuples veulent se révolter, ils ne puissent pas trouver de représentants et de dirigeants.
*Source: The Delphi initiative (Defend Democracy Press)