Par Maurice Buttin (revue de presse : Courrier du CVPR n°67 –décembre 2017)
Avant de contester la résolution de l’ONU du 29 novembre 1947 concernant le partage de la Palestine, il est nécessaire de situer en quelques lignes le problème dans son cadre historique.
De tous temps, la Palestine a été habitée par les Palestiniens, quel que soit leur nom. La contribution des Juifs, quelques centaines d’années avant Jésus-Christ, ou celle des musulmans sept siècles après, a, essentiellement, été un apport en religion plutôt qu’en population. Et celle-ci - Arabes, musulmans, juifs et chrétiens - est de bonne entente
Après la destruction de Jérusalem, en 70, par Titus et après la répression de la dernière révolte juive par Hadrien, en l’an 132, il reste très peu de juifs en Palestine. Ainsi, en 1918, il y en a environ 56 000 pour de 550 000 arabes, musulmans et chrétiens.
En 1897, à Bâle, lors de leur premier Congrès, les sionistes définissent leur programme - qu’ils mettront 70 ans (en juin 1967) à réaliser - : « le sionisme a pour but la création en Palestine, pour le peuple juif, d’une patrie, garantie par le droit public ».
En 1917, par la « déclaration Balfour », ils obtiennent une reconnaissance internationale, confirmée lors des accords de San Remo - partage du Proche-Orient entre les Français et les Britanniques - et lors de la proclamation des mandats, en 1922, par la SDN, le mandat sur la Palestine confié aux Britanniques, contenant la Déclaration
Le soulèvement palestinien de 1937/39, très durement réprimé par les Britanniques, ne modifie au début pas grand chose. Les occupants envisagent même un premier partage de la Palestine (Commission Peel). Ce n’est que devant les risques d’une nouvelle guerre mondiale que les Britanniques changent en 1939 de politique et décident, dans un Livre Blanc, la stricte limitation de l’immigration juive et l’éventualité de la création d’un Etat palestinien unique dans les dix ans à venir. Toute idée de partage disparaît.
Les sionistes ne l’acceptent pas et répliquent par la confirma-tion de leur charte, lors d’un Congrès à l’hôtel Biltmore à New-York, en mai 1942 (Exigence d’un Etat juif sur toute la surface du mandat et rejet définitif de la thèse de l’Etat binational) puis, par une campagne de violence et de terrorisme, à la fin de la guerre, contre les Britanniques. Début 1947, la position de ceux-ci devenant intenable, ils décident d’abandonner leur mandat et de confier le sort futur de la Palestine aux Nations Unies.
Une Commission spéciales est chargée d’étudier la question du gouvernement futur de la Palestine. Fin août 1947 elle présente deux projets, l’un majoritaire qui propose le partage de la Palestine entre deux Etats, l’un juif, l’autre arabe, avec Jérusalem sous contrôle international. L’autre, minoritaire - représentants de l’Inde, de l’Iran, et de la Yougoslavie - qui préconise l’instauration d’un Etat fédéral, comportant un Etat juif et un Etat arabe, avec Jérusalem comme capitale. Je relève un point de ce projet, prémonitoire : « De la solution qui sera donnée à la question palestinienne dépendra dans une large mesure l’avenir de la paix et de l’ordre en Palestine et dans le Proche-Orient en général. A cet égard, il importe d’éviter que le séparatisme qui caractérise actuellement les relations des Arabes et des Juifs dans le Moyen-Orient s’accentue et donne naissance à un dangereux irrédentisme ; or, telles seraient les conséquences inévitables du partage, sous quelle que forme que ce soit. »
Ni les Palestiniens - à qui rien n’est demandé ! - ni les Etats arabes (7 à l’époque à l’ONU) n’acceptent la résolution de partage.
Ils soulèvent :
- L’incompétence de l’Assemblée Générale de l’Onu, qui ne possède aucune souveraineté sur la Palestine.
- Un empiétement sur la souveraineté du peuple palestinien Aucun référendum n’est prévu. (Et pour cause les 2/3 de la population sont alors des Arabes).
- Une violation de la Charte de l’ONU: en vertu de l’article 1 de celle-ci, elle est tenue de respecter « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
- Un déni de justice : le recours à la Cour internationale de justice proposé par les Etats arabes, et une partie des membres de l’ONU, est rejetée par la majorité de la Commission.
Les sionistes font alors le maximum de pression sur les membres de l’ONU, afin d’obtenir un vote favorable au partage. Ils réussissent à s’assurer le concours des Etats-Unis. Un premier vote intervient le 25 novembre 1947. Il manque encore une voix pour que la résolution soit acceptée (2/3 des voix), dont celle de la France. Le Président étasunien, Truman, va user de tout son pouvoir, allant, semble-t-il, jusqu’à menacer la France de lui couper les vivres... Le 29 novembre, l’Assemblée Générale de l’ONU adopte le plan de partage (résolution 181) par 33 voix contre 13 avec 10 abstentions.
A noter que l’URSS, conformément au discours d’Andréï Gromyco à l’ONU, le 14 mai 1947 - appelé par certains la « déclaration Balfour soviétique » a appuyé le partage, pensant qu’Israël pourrait devenir un nouvel Etat communiste...
Pour le mouvement sioniste, ce vote est une énorme victoire, la reconnaissance de la fondation du nouvel Etat d’Israël qu’ils espéraient depuis 1897. Comme l’écrira Henry Cattan, le représentant palestinien à l’Assemblée Générale de l’ONU : « Le partage est une injustice flagrante, il donne aux immigrants juifs le gâteau (- ils occupaient 6 % de la surface du mandat, ils obtiennent 56 %) et aux Palestiniens les miettes ».
La première guerre israélo-arabe qui suivra (1948/49) permet à Israël d’élargir son territoire à 78 % du mandat britannique... Mais aussi d’expulser 700 000 Palestiniens, en application du vieux slogan : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » ! C’est la Nakba !
*Maurice Buttin est président du CVPR PO (Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient)