Par Hadj Chikh Bouchane (revue de presse : El Watan – 24/5/14)*
Sont-ils 280 ? Sont-ils 500, ces djihadistes français qui seraient dans les rangs de factions en Syrie ? Les spécialistes y vont de leurs chiffres et de leurs estimations.
Le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, réagit — sur instruction — et propose des mesures. Dix, pour casser le mouvement en aval. En aval, donc, ces jeunes auront affaire à la police d’Etat à leur retour. Ils ne seront pas déchus de la nationalité, promet-on. Mais on se prépare à les accueillir, comme il se doit, selon les règles de la République. L’arsenal juridique est là. Prêt. Que répondent ces jeunes ? Endoctrinés par qui ? Par les tenants de la violence de part et d’autre de l’échiquier. Ils disent qu’ils ne font que ce que le gouvernement français se préparait à faire en faisant le forcing pour intervenir dans le conflit aux côtés des Américains. On leur répond qu’ils obéissent à la propagande d’extrémistes à travers les sites prétendument religieux, appelant au pseudo-djihad. Il y a du vrai là-dedans. Sauf que lorsqu’un Etat commet un crime en bombardant les populations civiles d’Afghanistan, d’Irak, du Yémen et de Syrie, on nomme cela une guerre. Et on la justifie par le mensonge. Lui aussi d’Etat.
Qui s’est demandé pour quelles raisons ces Français de la deuxième génération, voire de la troisième, s’identifient à un combat, qu’il soit afghan ou syrien ? Qui a parlé ou parle de l’intégration ratée dans la société si toutefois elle fut réellement voulue ? Des fonctionnaires. Des «experts» qui ont élaboré des «plans», dont plus personne ne parle. L’Etat, aujourd’hui, c’est la répression d’abord. Sous tous les cieux. On frappe, puis on discute avec les cadavres. Les harraga français, parce qu’il s’agit bien de voyages dits illégaux vers cette zone de guerre, sont victimes une fois encore de la double peine. Ils ne trouvent pas leur place dans le système français et on ne leur reconnaît pas le droit de s’en trouver une dans un ailleurs, sans doute contestable, mais cependant considéré comme un refuge ultime, parce qu’au bout, il y a le risque de perdre la vie.
Dans ce même pays, un avocat, membre du Conseil d’Etat français, peut toujours se prévaloir du titre d’officier de réserve d’une armée d’un territoire conquis au prix du sang des Palestiniens. Il n’est pas le seul sans doute. Sans avoir à craindre la censure de son engagement ou de ses actes, il est membre du Conseil d’Etat payé 7000 euros par mois, sans y mettre les pieds. Mais il ne faut rien dire sous peine d’être traité d’antisémitisme. Il ne faut pas dire qu’il participe à l’occupation illégale d’un territoire, à la répression, à la mort d’enfants armés seulement de pierres, directement ou indirectement, sous peine, encore, de le voir brandir les vieux démons et le pare-feu du crime commis par le régime honni de l’Allemagne nazie, quand la Palestine était encore sous tutelle britannique avec des vues d’appropriation, de hold-up par le congrès sioniste de Bâle.
Les victimes identifiaient déjà les leurs. Ainsi donc, les parents des enfants égarés vont-ils être responsables d’actes commis par leur progéniture. Des parents aux bras trop courts pour retenir ou rattraper leurs enfants. Des parents qui ont fait le choix, à un moment de leur vie, de l’exil pour offrir un royaume à leur descendance, et qui s’interrogent aujourd’hui. Parce qu’ils ont eu tout faux. Parce que leurs enfants ont tout faux. Fausse, manipulée est l’information d’Etat sur les raisons de cette guerre. Fausse, manipulée est la raison de leur engagement meurtrier. Vrais, cependant, sont leur générosité, leur désir de justice pour les hommes. Celle qui ne leur est pas reconnue. Ainsi va la vie dans les banlieues, entre drogue, chômage et djihadisme. Et la politique de la ville vite enterrée. Qui ne font pas recette. Qui sont donc les responsables de ce ghetto politico-social ? Qui sont les responsables des actes de tous les harraga ?
Photo : Bilal, 23 ans, djihadiste grenoblois mort en Syrie dans la région de Homs en février dernier.