Par Gilles Munier (bloc-note - 23/ 1/13).
« J’ai violé l’embargo imposé par l’ONU au peuple irakien. J’en suis fier et si c’était à refaire : je le referai ». Voila ce que j’ai dit le 23 janvier - non par bravade - à la présidente du tribunal qui avait énoncé les charges retenues contre moi : « Trafic d’influence passif commis par un particulier » et « Corruption d’agents publics étrangers ».
Je n’ai évidemment jamais « trafiqué » ni « corrompu » personne. Je ne me suis pas - non plus - enrichi, au contraire. J’ai fait que ce que me dictaient d’abord ma conscience et les objectifs des Amitiés franco-irakiennes, association dont je suis le secrétaire général depuis 1986 : «faciliter par des moyens de toute nature une meilleure connaissance des problèmes rencontrés par chacun des deux pays et de contribuer à leur règlement » !
Concernant le paiement de « surcharges » ou de « taxes » réclamé par le gouvernement irakien aux entreprises qui enlevaient du pétrole dans le cadre du programme « Pétrole contre nourriture » - dont le trader Aredio et la société Taurus Petroleum qui soutenaient les activités des Amitiés franco-irakiennes – j’ai dit que la décision était de leur ressort mais que je l’approuvais, car l’argent reçu par l’Irak était légitime et avait allégé les souffrances du peuple. Je lui ai précisé que ces « taxes » étaient prélevées sur la marge bénéficiaire des entreprises pétrolières, non sur le montant de ce qui était théoriquement consacré à l’achat de vivres et de médicaments.
Malheur aux vaincus !
La présidente du tribunal m’a alors questionné sur une somme de 200 000 $, toujours à ma disposition dans une banque suisse. J’ai répondu qu’il s’agissait du reliquat des aides de la société d’affrètement suisse Taurus Petroleum, et que l’argent était sous séquestre depuis 2005 à la demande des Etats-Unis ou du magistrat instruisant l’affaire « Pétrole contre nourriture ». Elle le savait, bien sûr.
Cette décision m’avait empêché de poursuivre les actions que je menais depuis la chute de Bagdad pour soutenir l’opposition et la résistance irakienne, et faire campagne pour la libération des prisonniers politiques en Irak. J’ai demandé à la juge de faire débloquer ces fonds afin de pouvoir relancer mes activités ! En attendant, je n’en continuais pas moins le combat avec les moyens à ma disposition.
J’ai ajouté que j’avais – certes - violé une résolution de l’ONU… mais que George W. Bush– lui – avait violé la charte des Nations unies, massacré plus d’un million d’Irakiens, s’était emparé du pétrole irakien, et que rien ne lui arriverait.
J’ai conclu en rappelant que j’étais alors en guerre contre une administration américaine qui martyrisait le peuple irakien et qui s’apprêtait à envahir le pays. La bataille ayant été perdue, je me retrouvais donc sur le banc des accusés: « Malheur aux vaincus !
Condamné d’avance ?
En ce début de la troisième semaine du procès - 10 ans après le renversement du Président Saddam Hussein et 8 ans avoir été mis en examen par le juge Philippe Courroye - j’ai la nette impression d’être condamné d’avance. Pour la présidente du tribunal, il n’est question que de « surcharges » payées au gouvernement irakien, évidemment « illégales ». L’évocation de la tragédie du peuple irakien et la nécessité de lui venir en aide, la laissent de marbre. On ne peut pas dire que la juge soit indifférente à ces malheurs, mais les évoquer lors de ce procès semble une perte de temps, « hors sujet ».