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France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l'Atlantique. Traduction d'articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.


Au Liban, la pression s'accentue sur le Hezbollah pour qu'il remette ses armes

Publié par Gilles Munier sur 2 Juillet 2025, 11:13am

Catégories : #Hezbollah, #Liban, #Iran

Ces derniers jours, des personnalités et des forces politiques, à la position jusque-là mesurée sur la question des armes du parti chiite, ont ouvertement appelé à son désarmement.

Par Paul Khalifeh (revue de presse : RFI – 30 juin 2025)*

De notre correspondant à Beyrouth - Jamais le Hezbollah n’a été autant isolé sur la question de ses armes depuis la création de sa branche armée, en 1982, dans le sillage de l’invasion israélienne qui s’est soldée par l’occupation de Beyrouth et du quart du territoire libanais.

Le Hezbollah est le seul parti à avoir été exclu du processus de désarmement des milices au lendemain de la guerre civile, en 1990. Son action dirigée contre l’armée d’occupation israélienne était couverte par le document d’entente nationale de Taëf, qui a mis fin à la guerre civile, et par les Déclarations ministérielles des gouvernements successifs, au nom du droit à résister à une occupation étrangère, garantie par la Charte des Nations unies et les diverses conventions internationales.

Cette légitimité accordée à un groupe armé extra-étatique n’a jamais fait l’objet d’une unanimité parfaite au Liban. Une partie de la population et de la classe politique a de tout temps exprimé sa méfiance vis-à-vis du Hezbollah, soupçonné de conserver ses armes plus pour servir l’agenda régional de l’Iran que pour libérer le pays de l’occupation israélienne.

Dans la décennie des années 90, les autorités officielles étaient pratiquement en symbiose avec le mouvement chiite. Une bonne partie de la population soutenait la « résistance », surtout après qu’elle a fait ses preuves sur le terrain en contraignant l’armée israélienne à se retirer du Sud-Liban, en l’an 2000, sans aucune contrepartie politique.

À cette époque, le Hezbollah était un parti respecté et ses armes étaient sacralisées par une grande partie des Libanais. 

Les détracteurs du Hezbollah haussent le ton après 2005

Le clivage à propos des armes du parti chiite pro-iranien a commencé à s’approfondir après le retrait de l’armée syrienne, dans le sillage de l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005. Une partie des Libanais s’est sentie libérée et a exprimé tout haut son refus de l’existence d’un groupe armé échappant au contrôle de l’État.

Une autre partie a continué à le soutenir pour libérer les fermes de Chebaa, un territoire d’une cinquantaine de kilomètres carrés à l’extrême sud-est du Liban, occupé par Israël et revendiqué par le Liban. Les partisans du Hezbollah ont également souligné la fonction dissuasive de la « résistance » face aux « visées expansionnistes » d’Israël.

Malgré ce clivage, les armes du Hezbollah bénéficiaient encore d’une couverture politique officielle, exprimée dans les déclarations ministérielles qui soulignaient le droit des Libanais à résister à l’occupation israélienne.

Tout a changé en janvier 2025. Les revers essuyés par le Hezbollah lors de la dernière guerre avec Israël (8 octobre 2023-27 novembre 2024) et la chute du régime de Bachar el-Assad, en décembre 2024 - qui a rompu la ligne de ravitaillement terrestre directe entre l’Iran et le Liban -, ont profondément modifié les rapports de force internes et régionaux.

Cette nouvelle donne s’est soldée, au Liban, par l’émergence d’un pouvoir moins enclin à couvrir politiquement le Hezbollah. Pour la première fois depuis 1990, le discours d’investiture d’un président de la République ne mentionnait pas le droit des Libanais à résister militairement à l’occupation. Le 9 janvier dernier, Joseph Aoun a plutôt plaidé, à la tribune du Parlement, pour « le monopole de l’État sur les armes ».

Son Premier ministre Nawaf Salam est aussi connu pour ses positions hostiles au Hezbollah, qu’il considère comme une extension de la diplomatie iranienne.

Avec l’installation du nouveau pouvoir, les appels au désarmement du Hezbollah se sont donc multipliés, mais ils ont pris une tout autre dimension après « la guerre des douze jours », entre Israël et l’Iran. Les détracteurs du Hezbollah ont estimé que la République islamique était sortie défaite de ce conflit, et, par ricochet, le Hezbollah plus faible.

Joumblatt et Bassil pour le désarmement

Des personnalités et des forces politiques qui avaient une position mesurée sur la question des armes du parti chiite ont quitté la zone grise, pour réclamer ouvertement son désarmement.

C’est le cas, notamment, de l’ancien ministre et député Walid Joumblatt, qui a estimé que l’Iran avait perdu la guerre. Lors d’une interview télévisée, jeudi 26 juin, le leader druze a défendu « le monopole de l’État sur les armes » et a appelé le Hezbollah à remettre son arsenal aux autorités officielles.

Walid Joumblatt s’est dissocié de la position du parti chiite, qui lie son désarmement au retrait israélien total du Liban. Il a estimé que « la présence des armes aux mains du Hezbollah n’aura aucun impact sur le départ des troupes israéliennes » des territoires libanais qu’elles occupent depuis la fin de la guerre, le 27 novembre dernier.

Concernant les fermes de Chebaa, le chef druze a affirmé que ces territoires appartiennent à la Syrie et non pas au Liban, privant ainsi le Hezbollah de son principal argument pour conserver sa branche armée.

Le Hezbollah a aussi été lâché par son allié de longue date, le Courant patriotique libre, fondé par l’ancien président Michel Aoun. Le chef de ce parti politique chrétien, Gébran Bassil, a emboité le pas à Walid Joumblatt, le 28 juin, en affirmant qu’ « avec le changement des circonstances, les armes du Hezbollah ne sont plus un facteur de dissuasion face à Israël ». « La défense du Liban doit désormais être du seul ressort de l’État et les armes du Hezbollah ne sont plus capables de faire face à l’intelligence artificielle », en allusion à la supériorité technologique d’Israël, a ajouté le chef maronite.

Des alliés historiques du parti chiite, comme les anciens ministres sunnites Fayçal Karamé et Hassan Mrad, font profil bas. Ils ne défendent plus le maintien des armes du Hezbollah, bien qu’ils s’abstiennent, pour l’heure, de réclamer son désarmement.

Le spectre politique libanais peut être ainsi divisé en trois catégories : ceux, de plus en plus rares, qui prônent la poursuite de la résistance armée contre Israël ; ceux qui n’excluent pas le désarmement par la force, s’il le faut, comme le chef du parti chrétien des Forces libanaises, Samir Geagea ; et enfin, ceux qui estiment que ce processus ne peut être réalisé qu’à travers un dialogue et un accord avec le Hezbollah, pour éloigner les risques d’une guerre civile.

Joseph Aoun soumis aux pressions américaines

Le président de la République, Joseph Aoun, est partisan de cette troisième voie. Pour avoir dirigé l’armée pendant neuf ans, le chef de l’État est conscient que toute tentative de désarmer le parti chiite par la force pourrait conduire à l’éclatement de l’institution militaire et des services de sécurité et replonger le Liban dans un scénario de guerre civile.

Soumis à de fortes pressions américaines, Joseph Aoun s’efforce de convaincre Washington du bien-fondé de son approche et défend une position acceptable pour le Hezbollah, qui lie le désarmement au retrait israélien des cinq collines stratégiques, occupées au Sud-Liban lors de la dernière guerre, et la fin des frappes quasi-quotidiennes qui ont fait près de 200 morts depuis l’accord de cessez-le-feu, le 27 novembre.

Cette approche ne satisfaisait pas l’ancienne émissaire de Donald Trump au Liban, Morgan Ortagus, très alignée sur les positions israéliennes, réclamant un désarmement total et inconditionnel du Hezbollah.

L’émissaire américain pour La Syrie, Thomas Barrack, chargé à titre intérimaire du dossier libanais après le départ d’Ortagus, semble être plus à l’écoute des arguments et des inquiétudes des dirigeants libanais. Il a remis la semaine dernière au président Joseph Aoun un document de travail comportant non pas des exigences, mais des questions sur la vision d’un éventuel processus de désarmement et l’avenir des relations entre le Liban et Israël. Une copie de ce document a été remis au Hezbollah qui s’est engagé à fournir des réponses au président Aoun d'ici à une quinzaine de jours.

Le parti chiite et le chef de l’État tentent de s’accorder sur un processus qui aboutirait, à terme, au désarmement intégral du Hezbollah au nord du fleuve Litani (Le Hezbollah a déjà remis 500 infrastructures militaires à l’armée libanaise au sud du Fleuve), si certaines conditions sont remplies par les Israéliens et les Américains : le retrait des cinq collines ; le règlement des contentieux portant sur 13 « empiètements » israéliens ultérieurs à la dernière guerre ; la libération de la poignée de combattants du Hezbollah capturés lors des combats ; et, surtout, l’arrêt des assassinats ciblés, des raids quotidiens et de toute forme de violations de la souveraineté libanaise.

Les autorités libanaises proposeraient aux Américains un calendrier basé sur le principe de la simultanéité des mesures entre le Liban et Israël, qui commencerait pas une annonce officielle d’un accord sur le désarmement du Hezbollah. Cependant, beaucoup s’interrogent sur la possibilité de concrétiser un éventuel accord avec le Hezbollah, surtout qu’un plan de désarmement des camps palestiniens, qui devait entrer en vigueur le 15 juin, n’a pas encore été appliqué.

*Source : RFI

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