Par Gideon Levy (revue de presse : Investig’Action – 20 septembre 2024)*
Israël se transforme, à une vitesse alarmante, en un pays qui vit de sang. Les crimes quotidiens de l'occupation ont déjà perdu de leur pertinence. Au cours de l'année écoulée, une nouvelle réalité de massacres et de crimes d'une toute autre ampleur est apparue. Nous sommes dans une réalité génocidaire ; le sang de dizaines de milliers de personnes a coulé.
C’est le moment pour tous les Israéliens de se demander s’ils sont prêts à vivre dans un pays qui vit dans le sang. Ne dites pas qu’il n’y a pas de choix – bien sûr qu’il y en a un – mais nous devons d’abord nous demander si nous sommes prêts à vivre ainsi.
Sommes-nous prêts, nous Israéliens, à vivre dans le seul pays au monde dont l’existence est fondée sur le sang ? La seule vision répandue en Israël aujourd’hui est de vivre d’une guerre à l’autre, d’une saignée à l’autre, d’un massacre à l’autre, avec des intervalles aussi espacés que possible.
Aucune autre vision n’est sur la table. Les gens pleins d’espoir promettent de longs intervalles, tandis que la droite promet une réalité sanguinolente permanente : la guerre, les massacres, la violation systématique du droit international, un État paria, se répétant dans un cycle sans fin.
Les Palestiniens continueront à être massacrés et les Israéliens continueront à fermer les yeux ? Difficile à croire. Un jour viendra où davantage d’Israéliens ouvriront les yeux et reconnaitront que leur pays vit dans le sang. Sans effusion de sang, nous dit-on, nous n’avons pas d’existence – et nous sommes en paix avec cette horrible déclaration.
Non seulement nous croyons qu’un tel pays peut exister éternellement, mais nous sommes convaincus que sans l’offrande de sang, il n’a pas d’existence. Tous les trois ans, une saignée à Gaza, tous les quatre ans, au Liban. Entre les deux, il y a la Cisjordanie et, occasionnellement, une sortie de sang vers d’autres cibles. Il n’y a pas d’autre pays comme celui-là dans le monde.
Le sang ne peut pas être le carburant du pays. De même que personne n’imaginerait conduire une voiture alimentée par du sang, aussi bon marché soit-il, il est difficile d’imaginer que 10 millions d’habitants acceptent de vivre dans un pays qui fonctionne au sang. La guerre à Gaza marque un tournant. Est-ce ainsi que nous continuerons ?
*Source: Investig'Action
Version originale : Haaretz
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