Par Zachary Foster (revue de presse : Mounadil al Djazaïri - 19 juillet 2024)*
L’État d’Israël reconnaît huit catégories de personnes sous son contrôle. Pour chacune de ces huit catégories, Israël contrôle l’enregistrement des naissances, des mariages, des divorces, des décès et des changements d’adresse. Israël contrôle les réseaux de télécommunication, les réseaux électriques, l’approvisionnement en eau, l’espace aérien et la monnaie. Israël contrôle les mouvements des personnes entrant et sortant du pays. Toutes les catégories de personnes sont contrôlées par un seul État, avec un seul Premier ministre, un seul ministre de la Défense, un seul cabinet et une seule chaîne de commandement militaire.
Mais chaque catégorie a des droits juridiques différents. C’est pourquoi toutes les grandes organisations de défense des droits de l’homme ont qualifié Israël d’État d’apartheid. Voici un bref aperçu de son fonctionnement.
1ère catégorie: les citoyens juifs d’Israël (7.2 millions de personnes)
Les citoyens juifs d’Israël ont le droit de vote. Ils peuvent louer, acheter ou posséder des biens immobiliers dans plus de 900 localités en Israël. Ils peuvent acheter des biens immobiliers auprès du Fonds national juif, qui possède environ 13 % du territoire israélien. Il n’existe aucune restriction au regroupement familial pour les Juifs. Les Juifs peuvent détruire des biens palestiniens en Cisjordanie en toute impunité . Les Juifs qui protestent contre leur gouvernement sont rarement confrontés à des violences mortelles ou même disproportionnées de la part de la police israélienne. Le Parlement israélien est susceptible d’interdire à l’État de placer des Juifs en « détention administrative », dans laquelle une personne est emprisonnée sans procès et sans avoir commis d’infraction. En 2018, les législateurs israéliens ont adopté la loi sur l’État-nation, définissant Israël comme un État pour le peuple juif. L’État existe dans le but de servir les intérêts des Juifs. Ce n’est le cas pour aucune autre catégorie.
2ème catégorie : les citoyens palestiniens (et autres non-juifs) d’Israël (2,5 millions de personnes)
Les citoyens palestiniens d’Israël jouissent du plein droit de vote. Mais il leur est en pratique interdit d’acheter ou de posséder des terres dans plus de 900 localités d’Israël. Ils ne peuvent pas acheter de biens immobiliers au Fonds national juif, qui possède environ 13 % du territoire israélien. Les citoyens palestiniens n’ont pas le droit de faire venir vivre avec eux en Israël les membres de leur famille en Cisjordanie ou à Gaza. Les Palestiniens qui protestent contre le gouvernement israélien sont souvent confrontés à des violences ou à des représailles disproportionnées, comme lors d’une manifestation en 1997 où les forces israéliennes ont blessé des centaines de Palestiniens qui protestaient contre la confiscation de 4000 hectares de terres près d’Umm al-Fahm. Les écoles, les conseils locaux et les municipalités palestiniens reçoivent bien moins de subventions par habitant que les écoles juives. Le Parlement israélien devrait probablement adopter une loi permettant à l’État de limiter aux seuls Palestiniens l’utilisation effective de sa politique de « détention administrative ».
3ème catégorie : les citoyens palestiniens d’Israël non reconnus (85 000 personnes)
Ces citoyens d’Israël vivent dans des dizaines de communautés non reconnues par l’État d’Israël. Ils sont principalement d’origine bédouine et vivaient en Israël bien avant l’existence de l’État, en fait, avant l’existence du sionisme. Leurs communautés se voient refuser l’accès au réseau électrique israélien, aux conduites d’eau et au ramassage des ordures. Israël n’autorise pas les transports publics à les desservir. Israël ne goudronne pas les routes et n’autorise pas de nouvelles constructions dans les villages non reconnus. Des ordres de démolition de maisons sont en suspens sur des milliers de maisons et de structures dans les villes non reconnues et peuvent être exécutés à tout moment. En mai 2024, par exemple, les forces israéliennes ont démoli 47 maisons à Wadi al-Khalil, un village bédouin palestinien non reconnu dans le sud d’Israël, entraînant le déplacement forcé de plus de 300 Bédouins palestiniens.
4ème catégorie : les Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est occupée par Israël (360 000 personnes)
Les résidents palestiniens de Jérusalem-Est ne bénéficient pas de la citoyenneté israélienne à la naissance, même s’ils vivent sur un territoire annexé par Israël en 1967. Ils bénéficient en revanche d’un permis de résidence révocable. Depuis 1967, Israël a retiré leur permis de résidence à plus de 15 000 Palestiniens de Jérusalem-Est. Israël rejette également 93 % des demandes de permis de construire des Palestiniens à Jérusalem-Est, ce qui signifie que 85 % des maisons palestiniennes de Jérusalem-Est sont considérées comme illégales et peuvent être démolies à tout moment. La loi israélienne permet également aux Juifs de s’emparer des propriétés de Jérusalem-Est qui leur appartenaient avant 1948, mais elle ne permet pas aux Palestiniens de s’emparer des propriétés qu’ils possédaient avant 1948 à Jérusalem-Ouest ou ailleurs. À Jérusalem, les écoles, cliniques, hôpitaux, parcs et routes palestiniens sont tous sous-financés par rapport à leurs équivalents juifs.
5ème catégorie : les Palestiniens qui vivent dans la zone A de la Cisjordanie (1,6 million de personnes)
Les Palestiniens qui vivent dans la zone A de la Cisjordanie sont des populations apatrides qui subissent depuis 57 ans une occupation militaire israélienne. Ils n’ont pas le droit de voter pour le gouvernement qui contrôle leur vie. Ils n’ont pas de liberté de mouvement en Cisjordanie et ne peuvent pas la quitter sans autorisation. S’ils quittent la Cisjordanie pendant plus de trois ans, ils peuvent perdre leur droit d’être une personne apatride sous occupation. Ils peuvent être emprisonnés indéfiniment sans inculpation, une politique connue sous le nom de «détention administrative ». L’eau sous terre et le ciel au-dessus de leurs têtes sont contrôlés par Israël. De plus, le sous-traitant de l’armée israélienne, l’Autorité palestinienne (AP), restreint encore davantage leur liberté de réunion et leur liberté d’expression en réprimant violemment les manifestations et en emprisonnant ou en assassinant des opposants politiques, comme Nizar Banat.
6ème catégorie : les Palestiniens qui vivent dans la zone B de la Cisjordanie (1,3 million de personnes)
Les Palestiniens qui vivent dans la zone B de la Cisjordanie sont des populations apatrides qui sont soumis à une occupation militaire israélienne depuis 57 ans. Ils sont confrontés aux mêmes restrictions à leur liberté de mouvement et de parole et à leur droit de résidence et de réunion que les Palestiniens de la zone A de Cisjordanie. De plus, ils se heurtent à des points de contrôle israéliens chaque fois qu’ils se rendent dans la zone A ou C de la Cisjordanie. Ils doivent obtenir des permis pour accéder à leurs terres si elles se trouvent dans la zone A ou C. De plus, le gouvernement israélien actuel a commencé à étendre son contrôle sur la zone B tout comme il l’a fait sur la zone C (discutée plus loin), faisant de cette zone le prochain site majeur des saisies de terres et des efforts en cours d’Israël pour la dépeupler [de sa population palestinienne, NdT] Cela a impliqué la légalisation de cinq avant-postes de colonies en Cisjordanie et le lancement d’appels d’offres pour des milliers de nouveaux logements dans les colonies israéliennes de la zone B.)
7ème catégorie : les Palestiniens qui vivent dans la zone C de la Cisjordanie (100 000 personnes)
Les Palestiniens vivant dans la zone C de Cisjordanie sont des populations apatrides qui subissent depuis 57 ans une occupation militaire israélienne. Leur liberté de mouvement et de parole, ainsi que leur droit de résidence et de réunion sont encore plus restreints que ceux des zones A et B de Cisjordanie. Moins de 1 % des terres de la zone C sont actuellement disponibles pour la construction. Les Palestiniens vivant dans la zone C ont 100 fois plus de chances de se voir ordonner la démolition de leur maison que de se voir accorder un permis de construire. Parallèlement, une douzaine de villages palestiniens de la zone C ont été victimes d’ un nettoyage ethnique au cours des dernières années à Khirbet Humsa, Masafer Yatta, Ein Samiya, Ras a-Tin, Lifjim, Khirbet Zanuta, Khirbet al-Ratheem, al-Qanub, Ein al-Rashash et Wadi al-Seeq.
8ème catégorie: les Palestiniens qui vivent à Gaza (2.2 millions de personnes)
Les Palestiniens qui vivent à Gaza sont des populations apatrides qui vivent sous occupation militaire israélienne depuis 57 ans, ainsi que sous un siège de 17 ans et un génocide qui dure depuis 9 mois. Au cours des 9 derniers mois seulement, Israël a refusé à la population de Gaza le droit à un abri, aux soins médicaux, à l’eau, à la nourriture, à l’électricité et au droit à la vie elle-même : Israël a tué au moins 39 000 Palestiniens à Gaza, et 186 000 d’entre eux risquent de mourir du fait du génocide. Israël fait également mourir de faim plus d’un million de Palestiniens à Gaza et laisse les autres dans des conditions de famine et d’insécurité alimentaire catastrophiques. Israël a réduit la quantité d’eau disponible à Gaza de 94 %. Israël a endommagé ou complètement détruit tous les hôpitaux de Gaza et a complètement détruit 76 % des écoles de Gaza. Israël a également déplacé de force la quasi-totalité des 2,2 millions de Palestiniens de Gaza.
*Source : Mounadil al Djazaïri
Version originale : Palestine Nexus
Traduit de l’anglais par Djazaïri