1. Mon indignation - Par Tardi (Auteur et dessinateur de bande dessinée – L’Humanité - 12/8/15)
C’est mon indignation totale qui a motivé ce dessin. Un an après les massacres à Gaza, il faudrait que l’on fasse la fête sur les berges de la Seine. C’est de la provocation. C’est presque une insulte. C’est complètement obscène et irresponsable de la part de la Mairie de Paris. Il y a eu plus de 2 000 morts, et on fait comme si de rien n’était, comme si on voulait effacer les crimes de guerre. Cette commémoration festive des tueries est monstrueuse. On parle de culture, mais ce qu’il y a de culturel à Paris Plages, c’est surtout des recettes de cuisine et des raquettes… Tel-Aviv, ville de la tolérance ? Oui, au sens où elle tolère bien l’apartheid et l’occupation de la Palestine, même si je sais qu’il y a des Israéliens contre la colonisation. Quant au procès en antisémitisme, ça ne marche plus : on a le droit de s’exprimer sur la politique d’un état qui viole chaque jour le droit international. Ces accusations m’indiffèrent. Ce n’est pas le sujet.
Source : Jacques Tardi Mon indignation
2. « A Tel Aviv Sur Seine, c'est une milice privée qui décide de qui entre » (NnoMan, photographe)
Par Nadir Dendoune (Le Courrier de l’Atlas – 13/8/15)
Été 2014, Gaza est sous les bombes. Une agression israélienne qui coûtera la vie à plus de 2200 Palestiniens, dont 500 enfants.
Nous nous rendons devant l'ambassade israélienne à Paris pour couvrir une manifestation organisée par le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Un rassemblement honteux pour soutenir l'armée israélienne. Beaucoup de policiers sont présents mais très vite on remarque qu'ils sont juste ici en renfort.
C'est la SPCJ, le service de protection de la communauté juive de France, une sorte de milice qui décide de qui est autorisée à entrer au cœur de la manifestation. Ce jour-là, elle nous refusera l'accès (voir notre papier), sous les yeux de la police qui laissera faire.
Il semblerait que ce jeudi 13 août vers midi, NnoMan, photographe indépendant, connu pour son combat antiraciste, en a également fait les frais. Des "check-points" à l'israélienne sont installés un peu partout où les policiers filtrent les entrées.
Alors que NnoMan s'apprête à pénétrer à "Tel Aviv Sur Seine", "un jeune homme assez baraqué, habillé d'un bombers et qui porte des gants de motos, ordonne aux CRS de me refuser l'accès", raconte le photographe.
Toujours d'après NnoMan, des menaces de mort auraient été proférées. "J'espère que tu sais nager sale bâtard, je vais te tuer", aurait crié alors le milicien, sans doute membre du SPCJ. NnoMan prend alors à témoin un CRS.
"Au lieu de prendre ma défense, le policier m'a conseillé de porter plainte et aussi d'arrêter de prendre les gens en photo, si je ne voulais pas avoir des ennuis", raconte incrédule NnoMan. "A Tel Aviv Sur Seine, c'est une milice privée qui décide de qui entre", raille t-il. Fin de l'aventure pour ce photographe, interdit donc d'accès à Tel Aviv Sur Seine et condamné à rester de l'autre côté.
De l'autre côté justement, plusieurs centaines de militants de la cause palestinienne protestent pacifiquement contre cet événement inique. Ce côté-ci des Berges rebaptisé par leurs soins, "Gaza Sur Seine".
Nicolas, également photographe indépendant et qui s'est déjà rendu en Palestine en 2014 témoigne. "Pour accéder à Tel Aviv Sur Seine, on se fait fouiller de la tête au pied et si on a sur soi un keffieh ou un drapeau palestinien, on est certain de se faire refouler. Rien de tout ça pour venir à "Gaza sur Seine" où tout le monde peut y accéder librement". Résultat : certains militants pro-israéliens en profitent pour venir provoquer. "Une dame a commencé à crier qu'Israël ne mourra jamais", raconte Nicolas.
Hind a même entendu un homme scander plusieurs fois que la "Palestine n'existait pas". Toujours, sous le regard impassible des CRS. "Je n'ose pas imaginer ce que les policiers nous auraient fait si nous avions tenus de tels propos une fois arrivés à Tel-Aviv-Sur-Seine", conclut la jeune femme.
Source : "A Tel Aviv Sur Seine, c'est une milice privée qui décide de qui entre »
3. Une grille d’analyse périmée
Par Benjamin Barthe (correspondant du Monde à Beyrouth - 12/8/15)
Un an après la controverse suscitée par l’interdiction de certaines manifestations de solidarité avec la bande de Gaza, la société française se crispe une nouvelle fois sur la question israélo-palestinienne. L’objet de la polémique est la journée Tel Aviv sur Seine organisée Jeudi 13 Août 2015 par la mairie de Paris, qui consiste à récréer sur les berges de la capitale l’ambiance hédoniste de la cité balnéaire israélienne.
Les défenseurs de cette opération vantent une simple fête, permettant de bâtir des ponts avec une ville progressiste opposée à la politique du gouvernement de Benyamin Netanyahou. Ses opposants dénoncent une manœuvre de communication susceptible de redorer l’image de l’état juif et de l’aider à perpétuer l’occupation des territoires palestiniens.
Au cœur de cet affrontement, il y a ce que l’on pourrait appeler la culture d’Oslo. Les initiateurs de Tel Aviv sur Seine, n’en déplaise à certains pro-palestiniens extrémistes, ne sont pas des sous-marins de la droite israélienne.
Les membres du Parti Socialiste raisonnent simplement, comme la plupart de leurs collègues de droite et de gauche, avec la grille d’analyse du processus d’Oslo, ce mécanisme de règlement du conflit forgé au début des années 1990 par Yasser Arafat, Itzhak Rabin et l’administration américaine de Bill Clinton.
Un paradigme qui présuppose que les torts sont également partagés, que les deux parties sont animées de bonne volonté et qu’en les réunissant donc autour d’une même table la paix finira par émerger sous la forme de deux états pour deux peuples. A ce titre, tout projet visant à créer du lien, notamment par la culture, est bon à prendre. Toute main tendue est bonne à promouvoir, voire à survaloriser. Un travers auquel cède Anne Hidalgo, la maire de Paris, lorsqu’elle vante dans sa tribune publiée Mardi 11 Août 2015 dans le Monde « les manifestations de solidarité impressionnantes » avec la famille du petit palestinien brûlé vif par des extrémistes juifs qui se seraient déroulées à Tel-Aviv. Ceux qui y étaient, comme l’écrivain israélien Etgar Keret, ont été effarés de voir la place Ithzak Rabin « à moitié vide ».
Rupture générationnelle
En face, les pourfendeurs de Tel Aviv sur Seine, n’en déplaise à certains pro-israéliens aveugles, ne sont pas des antisémites masqués. Si la mouvance pro-palestinienne rejette de plus en plus le discours des élites politiques et médiatiques sur ce dossier, c’est parce que, contrairement à celles-ci, elle n’est plus imprégnée de la culture d’Oslo, de son langage et de ses tics. Manifestants d’un jour ou militants de longue date, les pro-palestiniens des années 2010 ne voient plus dans les violences qui ensanglantent la région l’affrontement de deux nationalismes qu’il faut réconcilier, mais un système de discriminations et d’apartheid, qu’il faut mettre à bas. Le maître mot dans les années 1990 était « négociation ». Son homologue aujourd’hui est BDS, l’acronyme du mouvement Boycott Désinvestissement Sanction, qui réclame des sanctions contre Israël. Son ambition est de rompre le sentiment de normalité, dont Tel Aviv est le symbole, qui permet aux israéliens de garder la tête dans le sable.
La première cause de cette rupture est générationnelle. Pour les jeunes qui ont protesté contre l’offensive israélienne dans la bande de Gaza en été 2014, la poignée de main entre Yasser Arafat et Itzhak Rabin, en 1993, sur le perron de la Maison Blanche, est une date dans un livre d’histoire. Et les attentats suicides du Hamas sont une note en bas de page. Les événements fondateurs de leur engagement sont l’attaque de la flottille de Gaza, la construction du « mur de l’apartheid », le bouclage de la bande de Gaza ou l’offensive « plomb durci » contre ce même territoire. Une litanie de crimes de guerre et de violations du droit international, où ils peinent à trouver une trace de bonne volonté israélienne.
La deuxième raison est politique. En vingt ans, l’opinion israélienne a dérapé à droite. A force de participer aux gouvernements dirigés par le Likoud, sous la tutelle d’Ariel Sharon ou de Benyamin Nétanyahou, la gauche travailliste a scié la branche sur laquelle elle était assise.
Quand en novembre 2009, Bernard Kouchner, alors chef de la diplomatie française, déplore « la disparition du camp de la paix israélien », il énonce une évidence que seuls ceux qui ne viennent jamais dans la région peuvent contester.
Les militants pro-palestiniens, s’ils ont des défauts, n’ont pas celui-là. Depuis le début de la deuxième intifada en 2000, des milliers d’entre eux se sont rendus en Cisjordanie et en Israël dans le cadre de missions de solidarité.
La troisième raison, enfin, est culturelle. La nébuleuse « pro-palestinienne » s’est enrichie ces dernières années de nombreux citoyens de culture arabo-musulmane dont le rapport à la Palestine est beaucoup plus sentimental que celui de leurs devanciers des années 1990.
On sait ce qu’il est advenu d’Oslo. Tué à petit feu par le terrorisme, la colonisation et le refus des dirigeants israéliens de laisser se créer, en Cisjordanie et à Gaza, un état digne de ce nom.
Le courant pro-palestinien français a tiré de cet échec ses propres leçons. Judicieuses ou trop radicales, avant de se prononcer, la classe politique, le Parti Socialiste en tête, devrait commencer son autocritique. La grille d’analyse qu’elle applique au conflit israélo-palestinien est définitivement périmée.
Source : Une grille d’analyse périmée
4. Gaza Plage : un énorme succès ! (CAPJO – EuroPalestine – 14/8/15)
Madame Hidalgo n’a pas voulu annuler Tel Aviv sur Seine ? Elle doit s’en mordre les doigts ! Des milliers de personnes sont venues manifester hier à Gaza plage leur indigantion, tout en célébrant la culture et la résistance palestiniennes. Un premier aperçu donné par ces deux minutes de film de Belkacem.
Source : EuroPalestine
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