Par Michel Grimard*
Qu'il me soit permis de réagir sur ce site, à la mort de Tarek Aziz, qui fut Vice-Premier Ministre en Irak, même si l'association que je préside aujourd'hui, n'a pas pour objet le Moyen-Orient. Je le fais comme ami de l'Irak progressiste et de Tarek Aziz, que j'ai bien connu et apprécié.
On disait qu'il était la face présentable du régime. Certainement plus présentable que celle incarnée par, Messieurs, George H.W. Bush, Dick Cheney et Donald Rumsfeld, représentants d'un pays qui a menti et s'est parjuré devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, pour tenter de justifier une guerre particulièrement meurtrière, dans laquelle périrent, sous les bombes et les munitions à uranium appauvri, des milliers d'innocents.
Seule la politique étrangère incombait à Tarek Aziz, aucune responsabilité de politique intérieure ne peut lui être imputée. Dans sa charge, il a toujours recherché l'apaisement. La guerre du Koweït n'emportait pas son enthousiasme, mais n'ayant pu obtenir gain de cause il dut se ranger à la position arrêtée par le chef de l'Etat, soutenu par les deux Vice-Présidents, de la République et du CCR. Mais le problème résidait dans la passivité des occidentaux, qui ne consentirent aucun effort pour renforcer sa position et rendre crédible sa politique, aux yeux de Saddam Hussein. Ils refusèrent de le comprendre afin de ne pas froisser les Etats-Unis. La France, quasiment isolée, s'abstient de participer à l'armada mise en place par les américains, qui souhaitaient par ce subterfuge, justifier une guerre totalement illégale.
A cette infamie, la communauté internationale avait précédemment ajouté la cruauté d'un embargo total de l'Irak. Devenu absolument injustifiable à partir de 1993, car ayant perdu les raisons de sa mise en place, il n'en continua pas moins d'exister, martyrisant et décimant le peuple irakien, faisant des dizaines de milliers de morts parmi la population la plus fragile, enfants, femmes vieillards. Il priva les irakiens de nourriture, mais surtout des moyens de se soigner. Mais peu importe le sort de ce peuple, qu'auparavant nous avons armé sans état d'âme, pour qu'il nous serve de rempart contre la déferlante islamique, venue d'Iran.
L'Amour de son pays, et la conscience qu'il avait de sa responsabilité à l'égard de l'Irak primaient sur tout autre considération et dictaient sa conduite. Le pouvoir était pour lui le moyen de mettre en œuvre, ce à quoi il croyait. Jamais il ne l'a utilisé à son profit personnel.
Nul enrichissement. Il figure parmi les très rares qui n'étaient pas corrompus. Il agissait dans l'intérêt de son pays, sans contrepartie. Comme tout être humain, il n'était pas exempt d'erreurs, mais il ne méritait pas le sort abject que les américains lui ont réservé, avec l'assentiment tacite et lâche des européens. Ils l'ont assassiné à petit feu. Tarek Aziz était un homme de grande culture, à l'inverse de ceux qui l'ont mis à mort. Un patriote fier de son pays, berceau de l'Humanité.
L'effondrement de la monarchie, en Irak, à laquelle Tarek Aziz oeuvra, fut le premier pas vers la liberté et l'ouverture sur le monde. Car l'Irak, malgré ses imperfections, émancipé son peuple en intégrant la femme dans la société, en développant l'instruction pour tous, en combattant l'obscurantisme, tout en respectant les différentes religions. Les chrétiens étaient protégés et c'est très librement que je me suis fréquemment entretenu, à Bagdad, avec le Patriarche des Chaldéens Raphaël Bidawid. Aujourd'hui ils sont massacrés et nous avons réussi l'exploit d'introduire, à travers Daech, le terrorisme qui n'existait pas à ce moment-là.
Tarek Aziz était chrétien, comme moi, ce qui nous rapprochait, même s'il ne pratiquait pas, alors que j'affirmais ouvertement ma foi, à Bagdad, auprès des chrétiens d'Orient. Aussi je souhaite, que dans sa grande miséricorde, Dieu l'accueille dans son havre de plénitude.
*Michel Grimard est président du R.O.U.E (Rassemblent pour l’Organisation de l’Unité Européenne)
Source : http://roue-europe.org/tarek-aziz-le-patriote/
Photo: Tarek Aziz
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