Libre propos paru dans l’hebdomadaire 7 Jours (3/4/10)
suite à une conférence de Laurent Maillard , chef du bureau de l’AFP à Téhéran,
organisée à Rennes, le 18 mars, par le « Trinôme Académique » *
Non, l’Iran n’est pas
un pays pacifique
par Gilles Munier
Que les Perses soient un grand peuple et l’Iran une grande nation, personne n’en doute. Mais, dire, comme Laurent Maillard, que ce pays « a montré depuis 400 ans son pacifisme à l’égard de ses voisins », c’est chercher à nous faire prendre des vessies pour des lanternes… Je ne pense pas que le chef du Bureau de l’AFP à Téhéran soit victime du syndrome de Stockholm, c'est-à-dire contaminé par la propagande du régime des mollahs ; je crois plutôt qu’en bon connaisseur des chiites persans, il pratique la « taqiya », une forme de mensonge autorisée par le Coran (1), mais trop souvent détournée à des fins qui n’ont rien à voir avec l’islam.
Depuis 400 ans - pas plus qu’avant cette date - les Perses n’ont fait preuve de pacifisme. Il y a 388 ans, en 1622, sous le Chah Abbas 1er, ils ont pris Dyarbakir au sud de la Turquie, puis envahi la Mésopotamie, l’Irak d’aujourd’hui. Le siège de Bagdad dura trois mois, les habitants étaient affamés au point, dit-on, de se livrer à des actes de cannibalisme. Tombée entre leurs mains en 1623, la ville fut saccagée, ses grandes mosquées sunnites détruites. Les Perses régnèrent d’une main de fer sur l’Irak pendant 16 ans, jusqu’à ce que le sultan ottoman Mourad IV les en chassent, à la demande des Irakiens.
La dynastie safavide qui régna sur la Perse de 1501 à 1736 a instrumentalisé l’islam chiite au service de ses ambitions hégémoniques, ce qui a permis à Reza, dernier chah d’Iran, à l’ayatollah Khomeiny et à ses successeurs, d’intervenir dans les affaires de leurs voisins, notamment en Irak, au Liban, en Arabie Saoudite, au Bahreïn, et dernièrement au Yémen. Et, pas de façon pacifique… En Irak, depuis 2003, les milices chiites pro-iraniennes et les Gardiens de la révolution iranienne, commettent des attentats sauvages et se livrent à des assassinats ciblés et à des opérations de nettoyage ethnico-religieux. Les victimes se comptent par centaines de milliers.
La France se souvient-elle de ce que lui a coûté son soutien à l’Irak quand l’ayatollah Khomeiny s’est mis en tête de renverser Saddam Hussein et le régime baasiste ? Entre autre : un attentat contre l’immeuble Drakkar à Beyrouth en 1983, base du corps français de la Force multinationale d'interposition (58 morts), suivi d’un autre contre l’ambassade de France à Koweït (des blessés). Celui commis en 1986, rue de Rennes à Paris, fit 7 morts et 52 blessés. Aujourd’hui, ceux qui sont au pouvoir à Téhéran et à Bagdad étaient parmi les instigateurs de ces massacres.
Je suis d’accord avec Laurent Maillard au moins sur un point : bombarder l’Iran pour l’empêcher d’accéder à la bombe A serait contre productif. On assisterait à une montée du nationalisme qui renforcerait le régime pour une dizaine d’années. Mais, négocier ne sert à rien, car les mollahs mentent - « taqiya » oblige ! - comme des arracheurs de dents. La paix au Proche-Orient passerait plutôt par une décision internationale de dénucléarisation de la région, y compris bien sûr d’Israël. Quand on entend le professeur Martin Van-Crevel, écouté dans les académies militaires israéliennes, dire que si l’Union européenne s’oppose un jour à la déportation des Palestiniens, Israël n’aura pas d’autre solution que de menacer les capitales hostiles du feu atomique, il y a vraiment urgence.
* La loi de 1997 a chargé le ministère de l'Éducation nationale de former la jeunesse aux questions de Défense nationale (de la classe de 3ème à la Terminale). Des « Trinôme académique » ont été créé à cette fin dans les régions. Ils regroupent le Rectorat d’Académie (ministère de l'Education nationale), l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), et le représentant du ministère de la Défense (en l’occurrence le commandant de l’Etat-major militaire Terre Nord Ouest).
(1) Le mensonge étant strictement interdit par l’islam, la « taqiya » – expression jamais utilisée par le Prophète Muhammad - signifie plutôt « dissimulation », « ruse » ou « stratagème ». Cette pratique n’est autorisée qu’à titre exceptionnel, ce qui n’est pas le cas chez les chiites safavides.