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France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l'Atlantique. Traduction d'articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.


Antisémitisme et sionisme

Publié par Gilles Munier sur 12 Janvier 2025, 09:48am

Catégories : #sionisme, #Israêl

Revue de presse : Mounadil al Djazaïri (5 janvier 2025)*

Le sionisme et l’antisémitisme sont indissolublement liés puisque c’est l’antisémitisme européen qui a amené Theodor Herzl à proposer la création d’un État juif. Aujourd’hui encore; un des arguments des sionistes est la valeur de refuge pour les Juifs de l’entité qu’ils ont créée en Palestine.

Pour résumer: pas d’antisémitisme, pas de sionisme politique.

L’historien américain Zachary Foster nous propose un résumé de la relation entre sionisme et antisémitisme avec ses développements actuels.

Pourquoi les antisémites aiment Israël, une brève histoire

par Zachary Foster, Palestine Nexus (USA) 3 janvier 2025 traduit de l’anglais par Djazaïri

La relation est idéologique, stratégique et religieuse.

En mai 2019, alors que les partisans de l’extrême droite allemande se rassemblaient à Dresde en scandant des slogans sur la vertu allemande, un des leaders du rassemblement portait un bleuet bleu comme autrefois les sympathisants nazis tandis que d’autres agitaient de grands drapeaux israéliens. C’était un signe des temps, la renaissance du sionisme antisémite.

Au XXIe siècle, l’alliance entre l’État juif et les ennemis des juifs est entrée dans son âge d’or. Aujourd’hui, les mouvements et les partis politiques les plus antisémites ou les plus proches du nazisme dans le monde entier tombent amoureux d’Israël.

Cette relation est idéologique, stratégique et religieuse. Elle est idéologique parce que le sionisme signale un soutien à la pureté ethnique et une hostilité envers les musulmans. Elle est stratégique parce que le sionisme offre un (faux) vernis de distance par rapport au nazisme, élargissant l'attractivité des partis d'extrême droite. Et elle est religieuse parce que le sionisme puise dans le zèle biblique et les fantasmes eschatologiques de nombreux Chrétiens. C'est une brève histoire de la haine des Juifs parmi les amoureux d'Israël.

Cette alliance a une longue histoire. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux antisémites notoires se sont également faits sionistes. Parmi eux figuraient le porte-parole du mouvement antisémite hongrois, Győző Istóczy, le Premier ministre britannique Arthur Balfour et le journaliste allemand Wilhelm Marr, connu comme le « patriarche de l’antisémitisme ».

Ils étaient convaincus que les Juifs avaient un pouvoir démesuré et exerçaient une influence parasitaire sur la société; qu’ils étaient physiquement inaptes, malades et faible ; qu’ils étaient trompeurs et peu fiables dans les affaires ; qu’ils étaient liés aux menaces bolcheviques ou communistes; et qu’ils étaient des compatriotes déloyaux. Le sionisme a résolu ces problèmes en débarrassant l’Europe de son «problème juif», comme on l’appelait à l’époque, c’est-à-dire du problème de la présence de Juifs en Europe.

Cette façon de voir s’est prolongée dans les années 1910, 1920 et 1930. En 1919, le leader nazi Alfred Rosenberg déclarait : «Le sionisme doit être vigoureusement soutenu… pour encourager… les Juifs allemands à partir vers la Palestine ou d’autres destinations.» C’est pourquoi les SS nazis et la police bavaroise favorisèrent les organisations juives sionistes tout en limitant sévèrement les activités des organisations [juives, NdT] non sionistes. Dans les années 1920 et 1930, le gouvernement fasciste italien a également soutenu la Fédération Sioniste Italienne et dans les années 1930, le gouvernement polonais a également soutenu le mouvement sioniste car il offrait une justification acceptable pour expulser les Juifs polonais hors de Pologne. L’antisémitisme et le sionisme étaient faits l’un pour l’autre.

En fait, le soutien n’était pas seulement verbal, il était aussi matériel. En 1933, après que les juifs du monde entier eurent boycotté spontanément l’Allemagne nazie, la communauté sioniste de Palestine signa un accord secret avec les nazis connu sous le nom de Haavara. Les juifs allemands pouvaient s’installer en Palestine et même y transférer une partie de leur argent à condition de le dépenser en produits allemands. Entre 1933 et 1939, environ 140 millions de Reich Marks de biens allemands nazis furent exportés vers la Palestine à la suite de cet accord, ce qui représentait 60 % du total des investissements étrangers en Palestine juive. Le programme s’effondra lorsque l’Allemagne envahit la Pologne en 1939.

Puis les nazis assassinèrent six millions de Juifs. Cette action brisa le semblant d’acceptabilité de l’antisémitisme. Les sympathisants nazis entrèrent dans la clandestinité. L’alliance entre les sionistes et les antisémites s’était effondrée.

Certains antisémites européens ont continué à soutenir le sionisme pour la même raison qu’avant la guerre: pour « libérer l’Europe du malaise de la judéité », comme l’avait déclaré John Bean, fondateur du Parti National Britannique (BNP) néonazi en 1961.

Mais ces partis restés marginaux ont cherché à élargir leur audience, en faisant du sionisme un atout stratégique. Le nationaliste blanc américain Richard Spencer, qui a salué le travail des néonazis, s’est décrit en 2017 comme un « sioniste blanc », affirmant qu’il voulait une patrie sûre pour « son peuple » comme celle qu’ont les Juifs en Israël. Un État ethnique blanc serait un « Altneuland », ou « un vieux et nouveau pays », un terme que Spencer a emprunté à un roman de Theodor Herzl. Après tout, si les Juifs méritent d’être en sécurité dans leur patrie, pourquoi les Blancs ne mériteraient-ils pas la même chose?

Comme le souligne la politologue Emma Rosenberg, les mouvements suprématistes blancs connaissent un renouveau depuis quelques décennies. L’extrême droite européenne se définit désormais en termes civilisationnels, culturels et religieux, défendant la nation contre des éléments étrangers «menaçants » et encourageant la ségrégation ethno-raciale. Il n’est pas surprenant que tant d’entre eux soient si attachés à Israël, qui se définit en termes civilisationnels, culturels et religieux et dont la raison d’être est de défendre la nation contre des éléments « menaçants » et « étrangers » (lire : autochtones) et de promouvoir la ségrégation ethno-religieuse.

Au Royaume-Uni, l’homme politique Tommy Robinson est presque une caricature de la thèse de Rosenberg. Il s’est vanté d’avoir participé à une marche en Pologne où les manifestants ont scandé « un pays sans juifs » et exigé « les juifs hors de Pologne », tout en défendant les tirades antisémites de Kanye West. Il n’est pas surprenant qu’il se décrive également comme un sioniste et un allié du « peuple juif » dans sa prétendue lutte contre l’islam.

Cette alliance peut aller jusqu’au sommet de la hiérarchie politique de certains pays, comme la Hongrie, où le Premier ministre Viktor Orban est un proche allié d’Israël. Pour Orban, Netanyahou est un partenaire naturel dans le crime, étant donné leur aversion mutuelle pour une presse libre, une société civile et un système judiciaire indépendant . Les deux dirigeants adhèrent également à une forme de nationalisme ethnique qui se nourrit de la diabolisation de l’autre.

Les antécédents d’Orban en matière d’antisémitisme sont également impressionnants, malgré ses tentatives de paraître ferme face à l’antisémitisme. Il a baptisé un lieu public en l’honneur du nazi hongrois Miklos Horthy, qui a déporté 400 000 Juifs à Auschwitz. Il a vénéré Jozsef Nyiro, dont le parti des Croix fléchées a assassiné 10 000 Juifs à Budapest en 1944. Il a prononcé un discours en 2018 qui se lit « comme une liste d’affirmations tirées des Protocoles des Sages de Sion », selon un analyste, tandis que l’aile médiatique de son parti est notoirement antisémite et que ses proches associés Zolt Bayer et Maria Schmidt colportent le révisionnisme de l’Holocauste.

Le candidat à la présidentielle roumaine Calin Georgescu a déclaré qu'il ne respecterait pas le mandat d'arrêt émis par la CPI contre Netanyahou et a promis de transférer l'ambassade de son pays à Jérusalem. Son soutien à Netanyahou ne vient probablement pas non plus de son amour pour les Juifs, puisqu'il a fait l'éloge de l'ancien dictateur roumain Ion Antonescu, qui a collaboré avec l'Allemagne nazie dans le meurtre de centaines de milliers de Juifs.

La source la plus importante et la plus puissante du sionisme antisémite ne vient pas des nationalistes blancs ou des militants anti-islam, mais des chrétiens religieux. Leur antisémitisme, selon Daniel Hummel, historien des évangéliques et des juifs, vient de leur perception des juifs comme libéraux [de gauche dans le vocabulaire américain], cosmopolites et internationaux, comme des élites qui contrôlent trop de choses et qui représentent une menace pour l’identité chrétienne américaine. « Bizarrement, on retrouve ces opinions à côté d’expressions de soutien à Israël », observe Hummel. « Les  personnes de ce genre seraient vaguement ou même fortement antisémites mais aussi pro-israéliennes. »

Mais il ne s'agit pas seulement d'antisémitisme culturel, il s'agit d'antisémitisme théologique. Le télévangéliste américain John Hagee a affirmé dans son livre Jerusalem Countdown: A Warning to the World  qu'Adolf Hitler était un «demi-Juif» envoyé par Dieu comme «chasseur» pour persécuter les Juifs d'Europe et les pousser vers « la seule patrie que Dieu ait jamais voulue pour les Juifs, Israël ». Hagee a également un long passé d'agitateur de l’antisémitisme.

Il est d'ailleurs le fondateur de la plus grande organisation sioniste des Etats-Unis, Christians United For Israel, qui revendique quelque dix millions de membres. Ils soutiennent Israël parce qu'ils croient que la Bible enseigne que les Juifs doivent posséder leur propre Etat en Israël avant que Jésus puisse revenir. Environ un tiers des 40 à 50 millions de chrétiens évangéliques américains estiment qu'Israël jouera un rôle central dans la seconde venue du Christ.

Cette communauté a également été profondément influencée par les enseignements du défunt télévangéliste Pat Robertson. Il avait également fait du trafic de stéréotypes antijuifs son fonds de commerce. Après que l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon eut été victime d’un accident vasculaire cérébral, Robertson avait suggéré qu’il s’agissait d’une punition divine pour avoir «divisé la terre de Dieu». Il n’est pas surprenant qu’il ait été un sioniste de droite pur et dur qui croyait en la suprématie juive du fleuve à la mer. Après tout, Dieu aime les Juifs et Dieu a promis Israël à la descendance d’Abraham, les Juifs d’aujourd’hui. C’est ce que l’on trouve dans la Genèse, chapitre 15!

Pour des théologiens populaires comme Hagee et Robertson, la théologie chrétienne a un plan directeur pour les Juifs. Les Juifs ne sont pas des individus, ils sont un collectif, et ont un but à servir à la fin des temps en tant que collectif . Il n'est pas surprenant que tant d'adeptes de ce type de protestantisme véhiculent également de nombreux clichés antisémites à l'encontre des Juifs, c'est en quelque sorte intégré dans la théologie.

Au cours des dernières décennies, les ennemis des Juifs sont tombés amoureux d’Israël. Cette relation repose sur la perception d’un ennemi commun, les Musulmans, « ces nouveaux Juifs » d’Europe , comme l’a dit un spécialiste. Elle repose également sur une croyance commune en la pureté ethnique et la ségrégation, en plus de servir d’arme stratégique pour obtenir une acceptabilité plus large. Le sionisme est devenu si courant en Occident, selon certains, que le nationalisme blanc devrait l’être aussi ! Enfin, l’alliance repose également sur le conservatisme, le fanatisme religieux et le littéralisme biblique. Chacune de ces tendances s’est renforcée au cours des dernières décennies et continuera probablement de le faire dans les décennies à venir.

*Source : Mounadil al Djazaïri

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