Par Mohamed Nader Al-Omari (revue de presse: Arrêt sur info – 17 août 2024)*
L’occupation militaire illégale de la Syrie par les États-Unis demeure largement occultée. Aujourd’hui, la résistance locale et régionale se mobilise pour s’attaquer de front à l’occupation américaine.
L’emplacement stratégique des bases militaires américaines dans le nord-est de la Syrie n’est pas une coïncidence. De la frontière entre la Syrie, la Jordanie et l’Irak, au sud-ouest du pays, jusqu’aux régions situées à l’ouest de l’Euphrate, au nord-est, se trouvent 28 sites américains, dont 24 bases militaires américaines.
Ce déploiement, soigneusement planifié avec des objectifs géostratégiques spécifiques, n’est là que pour servir les intérêts locaux, régionaux et internationaux de Washington.
Selon les données américaines, le nombre de soldats d’occupation américains en Syrie a augmenté de façon spectaculaire, passant de 50 soldats en 2015 à plus de 2 000 à la fin de l’année 2017. En avril 2017, des rapports ont même suggéré que le conseiller à la sécurité nationale de l’époque, le général de brigade HR McMaster, envisageait de déployer jusqu’à 50 000 soldats en Irak et en Syrie.
L’administration Obama a justifié cet important renforcement militaire par la nécessité de faire face à l’instabilité interne en Syrie, notamment à la montée du terrorisme et à l’affaiblissement des institutions gouvernementales. La présence militaire américaine a exploité ces facteurs, exacerbés par les interventions étrangères qui ont fourni des armes, de l’argent et des renseignements aux factions militantes, de la prétendue “Armée syrienne libre” à des groupes extrémistes comme le Front Al-Nusra et, plus tard, l’État islamique.
Les États-Unis ont également soutenu les forces kurdes dans la création d’une administration autonome dans le nord-est de la Syrie, une mesure visant à équilibrer l’influence de Moscou après que Damas a demandé l’intervention de l’armée de l’air russe pour aider à contrecarrer les milices soutenues par l’étranger.
Déstabilisation et blocus économique
L’un des principaux objectifs de la présence illégale des États-Unis est le pillage des ressources pétrolières et gazières syriennes. Cela permet non seulement de financer les activités de leurs mandataires des Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes, mais aussi de renforcer le blocus économique de la Syrie, illustré par les sanctions de la loi démocrate imposées en juin 2020.
À l’époque, l’ancien envoyé américain en Syrie, James Jeffrey, avait déclaré que ces sanctions avaient contribué à l’effondrement de la livre syrienne et entravé la politique économique du gouvernement syrien, notant que Damas “est incapable de gérer une politique économique efficace et de mener des opérations de blanchiment d’argent dans les banques libanaises.”
Les États-Unis utilisent également les revenus du pétrole pour financer leur présence militaire et faire obstacle aux efforts de reconstruction de la Syrie. Par exemple, en août 2020, CNN a fait état d’un accord approuvé par l’administration Trump permettant à l’entreprise américaine Delta Crescent Energy LLC d’exploiter les champs pétroliers contrôlés par les FDS.
Contenir l’Iran et garantir les intérêts israéliens
Au niveau régional, la présence américaine vise à empêcher l’Iran d’établir des connexions terrestres avec la Méditerranée via l’Irak et la Syrie. Ce positionnement stratégique sert également de soutien à la base aérienne d’Incirlik en Turquie, dans un contexte de tensions croissantes entre Washington et Ankara.
En outre, les bases américaines situées dans le sud-est de la Syrie et près de la frontière irakienne contrôlent les tribus arabes et protègent Israël en bloquant le corridor terrestre entre la Syrie et l’Irak. Plus précisément, cette démarche visait à isoler la Syrie de ses alliés régionaux, en particulier l’Iran et le Hezbollah, perçus comme une menace directe pour Israël.
Contrer l’influence russe et chinoise
Sur le plan international, la présence américaine en Syrie aide Washington à maintenir sa domination sur l’ordre mondial, en contrecarrant l’influence des puissances eurasiennes que sont la Russie et la Chine. Le déploiement en Syrie est considéré comme un obstacle à la Belt and Road Initiative de la Chine, qui pourrait renforcer la croissance économique de Pékin d’une manière susceptible de saper le positionnement stratégique des États-Unis.
Malgré la présence significative des États-Unis, la viabilité sur le long terme des troupes américaines en terrain hostile est aléatoire.
Les tentatives de Washington de modifier le système politique syrien ont largement échoué, et les bases et installations américaines ont fait l’objet d’attaques croissantes de la part des groupes de résistance de la région. Depuis novembre 2023, les soldats et les installations américains ont fait l’objet de 102 attaques, reflétant l’opposition croissante à l’occupation américaine des terres syriennes.
Plus récemment, le succès de la diplomatie russe et les signes de réconciliation entre la Syrie et la Turquie pourraient contraindre les États-Unis à choisir entre la confrontation et le retrait.
L’avenir de l’engagement américain en Syrie
Les prochaines élections présidentielles américaines pourraient également influencer l’avenir de l’engagement américain en Syrie. Si l’administration actuelle parvient à négocier un accord de cessez-le-feu régional – et déclare vouloir sérieusement revenir à l’accord sur le nucléaire iranien – elle pourrait opter pour un retrait des troupes de Syrie afin de renforcer le soutien des Démocrates. À l’inverse, si Donald Trump revient au pouvoir, une entente potentielle avec la Russie pourrait accélérer le retrait des États-Unis de l’Ukraine et de la Syrie.
Depuis 2015, les administrations américaines successives n’ont pas réussi à fournir un chiffre clair et cohérent concernant la présence totale des troupes américaines en Syrie. Toutefois, les estimations indiquent qu’environ 3 000 soldats américains sont stationnés dans diverses bases dans les gouvernorats de Hasakah, Deir Ezzor, à l’ouest de l’Euphrate, et le long de la frontière syro-irakienne.
Ces déploiements de troupes forment un “encerclement” stratégique des principales ressources pétrolières et gazières de la région, qui constituent l’essentiel des richesses souterraines de la Syrie. La concentration des bases américaines dans ces zones révèle leur importance pour la sécurisation des ressources énergétiques et le contrôle des voies d’acheminement de ces produits.
Sécuriser l’énergie et la souveraineté de la Syrie
La base de Rmeilan, située dans le nord-est de la campagne de Hasakah, a été le premier avant-poste militaire américain en Syrie. Elle abrite environ 500 personnes dont la mission principale est de protéger les installations pétrolières de la région. La zone comprend environ 1 300 puits de pétrole, produisant entre 120 000 et 150 000 barils par jour avant 2011 et environ deux millions de mètres cubes de gaz.
La base d’Al-Shaddadi, située au sud-est de la ville du même nom, occupe une position stratégique à proximité des réserves de pétrole les plus considérables de la région. Dans son voisinage se trouve le champ d’Al-Gypsa, qui compte environ 500 puits de pétrole, soit le deuxième plus grand champ pétrolier d’Al-Hasakah. La base contrôle également l’usine de gaz d’Al-Shadadi, confirmant ainsi son rôle essentiel dans le contrôle des ressources énergétiques de la Syrie.
La base d’Al-Omari à Deir Ezzor en Syrie est la plus grande et la plus importante base américaine en Syrie. Elle est située dans le gisement pétrolier d’Al-Omari, qui produisait jusqu’à 80 000 barils par jour avant 2011. Cette base, ainsi que d’autres comme le site de Conoco, Tal Baydar, Life Stone, Qasrak, Himos et Al-Tanf, assure la domination américaine sur les terres les plus riches en ressources et les plus stratégiques de Syrie.
La présence militaire américaine dans le nord-est de la Syrie est un déploiement stratégique aux implications considérables. Alors qu’elle a permis à Washington de contrer l’influence iranienne, de protéger les intérêts israéliens, d’épuiser l’économie syrienne et de maintenir l’hégémonie américaine sur le Levant et le golfe Persique, les troupes américaines sont désormais confrontées à la menace de frappes quotidiennes.
Les tribus arabes locales et l’Axe de la résistance de la région résistent actuellement à la présence américaine, mais l’évolution rapide de la dynamique régionale et l’évolution potentielle de la politique étrangère américaine après les élections pourraient étendre l’opposition à ces forces et finalement contraindre les États-Unis à se retirer de Syrie.
Toutefois, tant que les États-Unis continueront à voir un intérêt à leur présence dans la région, il est probable qu’ils maintiendront leurs bases militaires et poursuivront leurs objectifs stratégiques en Syrie dans un avenir proche.
*Source: Arrêt sur info
Version originale : The Cradle.co, 16 août 2024