Un rapport du CCIE détaille une hausse significative des actes islamophobes en France, dans un contexte européen tendu.
Par Ümit Dönmez (revue de presse : Anadolu – 1er mars 2O24)*
Le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe (CCIE) a mis en évidence une hausse préoccupante des actes islamophobes en France en 2023.
Selon le rapport du CCIE, 2023 a vu un total de 828 signalements de faits islamophobes, contre 527 en 2022, représentant une augmentation de 57 % d'une année à l'autre. Cette statistique alarmante met en lumière une tendance inquiétante à la hausse de l'islamophobie en France, soulignant l'importance d'une attention accrue et d'actions concrètes pour lutter contre ce phénomène, selon l'organisation européenne.
Parmi ces 828 signalements pour l’année 2023, 779 concernent actes de discrimination, suivi des actes de harcèlement moral (237), de provocation et d’incitation à la haine (188), de diffamation (97), des actes liés à la lutte contre la radicalisation et le séparatisme (72), d’injures (64), d’agressions physiques (23) puis de dégradation ou de profanation (11).
- École et abaya
Le CCIE indique que l'islamophobie en France est notamment observable dans le système éducatif. La loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires à l'école est critiquée pour avoir ouvert la voie à des discriminations envers les élèves musulmans. En 2023, 305 incidents islamophobes ont été signalés dans le milieu éducatif, représentant 41 % de tous les signalements en France. Cette hausse des signalements, notamment dans le milieu scolaire, est de 801 % par rapport à 2022.
Le CCIE rappelle qu'en août, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, désormais premier ministre, avait annoncé l’interdiction du port des robes amples dans les écoles, "prétendant ainsi répondre aux besoins des directeurs d’établissement de disposer de lignes directrices claires et justifiant cette mesure d’interdiction par l’idée que le port des abayas constituerait des « coups de butoir, des attaques, des déstabilisations » contre la laïcité et l’institution scolaire".
Sans surprises, cette mesure d’interdiction a causé un pic de sollicitations du CCIE en septembre : 182 sollicitations ont en effet été faites lors de ce mois de rentrée, alors que la moyenne de sollicitations mensuelle est de 96.
Depuis l’année 2023, le CCIE a reçu 234 plaintes liées à l’interdiction des vêtements longs et amples à l’école, l’immense majorité concernant des jeunes femmes, étudiant en lycées (159) et en collèges (33). Cependant, les lycées et collèges ne sont pas les seuls à être concernés et des femmes ont également été discriminées pour le port de vêtements amples en centres de formations, à l’université, dans le cadre de services civiques, et sur leur lieu de travail.
"Alors qu’il ne s’agissait que de robes, de jupes longues, de tuniques amples et de pantalons larges (et non de foulards), ces élèves ont été prises à partie, interrogées et humiliées par le personnel. Cette focalisation sur la tenue vestimentaire de ces jeunes femmes constitue à la fois une discrimination et une atteinte à leur vie privée, à leur dignité et au principe d’égal accès à l’éducation", lit-on dans le rapport du CCIE.
- Discrimination et harcèlement moral contre les femmes
Selon ce rapport, une augmentation significative des cas de discrimination (+77%) est observée, avec 779 cas, notamment de harcèlement moral, et d'attaques contre les musulmans, en particulier les femmes et les institutions musulmanes : deux faits déjà observés les années précédentes, mais qui se sont amplifiés.
Le rapport du CCIE souligne la prépondérance des cas de harcèlement moral envers les femmes musulmanes. Sur 828 signalements, 675 concernaient des femmes, soit 81,5 %. Cette tendance persistante depuis les années précédentes révèle une triple discrimination basée sur le genre, la religion et l'origine ethnique. Des exemples incluent des restrictions vestimentaires abusives et des attaques verbales et physiques dans les établissements scolaires.
Au niveau européen, la montée de l'extrême droite a entraîné une augmentation des discours et pratiques déshumanisantes envers les minorités, en particulier les musulmans, selon le CCIE. Des incidents violents, comme la découverte d'une boucle Telegram d'extrême droite en France nommée "FrDeter", illustrent un climat de violence ciblant spécifiquement les communautés musulmanes, selon ce rapport.
Ces chiffres, établis par le service juridique du CCIE, concernent exclusivement des cas avérés d'islamophobie. Ils offrent une perspective claire sur la réalité de l'islamophobie en France, un pays qui, au fil des ans, a été confronté à la montée des idéologies extrémistes. La hausse significative des signalements reflète non seulement les incidents survenus, mais aussi une prise de conscience et une volonté accrue des victimes et des témoins de signaler ces actes.
Cette tendance croissante en France s'inscrit dans un contexte européen plus large où l'extrémisme de droite et les discours islamophobes gagnent en visibilité et en influence. Elle interpelle sur la nécessité de renforcer les mesures de prévention et d'éducation pour combattre efficacement l'islamophobie et promouvoir le respect mutuel entre les différentes communautés, selon le CCIE. Ces statistiques sont un rappel poignant que la lutte contre l'islamophobie doit rester une priorité pour les autorités et la société civile en France.
*Source : Anadolu