Par M. Abdelkrim (revue de presse : El Watan-dz – 10 janvier 2024)*
Il y a eu 34 individus arrêtés le 2 janvier et 44 à la mi-décembre 2023. C’est le bilan de deux opérations anti-espions menées en Turquie en moins d’un mois, et coordonnées par le service turc de renseignement, le Milli Istihbarat Teskilati (MIT).
Ces interpellations interviennent dans un contexte d’extrême tension au Proche-Orient induit par l’agression israélienne contre la Bande de Ghaza. Une agression désormais doublée d’assassinats ciblés dans les pays de la région, le dernier en date étant celui de Salah Al Dardouri, numéro deux du Hamas, à Beyrouth.
Si en décembre les individus arrêtés pour espionnage en Turquie se faisaient passer pour des consultants privés, la cellule démantelée en ce début d’année 2024 comptait dans ses rangs des recrues parfaitement entraînées aux tactiques de hacking et formées en cybersécurité.
Ces recrues ont été interpellées lors de raids à Istanbul et dans sept autres provinces turques (Ankara, Kocaeli, Hatay, Mersin, Izmir, Van et Diyarbakir) pour avoir planifié des activités de «reconnaissance» dans le but de «poursuivre, agresser et kidnapper» des ressortissants étrangers vivant en Turquie, des Palestiniens en tête, selon le ministre de l’Intérieur, Ali Yerlikaya, cité par l’agence gouvernementale Anadolu. Mais pas seulement.
Des activistes israéliens opposés au gouvernement Netanyahu étaient aussi dans le viseur du Mossad. Le modus operandi du Mossad en Turquie a été détaillé dimanche par plusieurs médias, dont France Info.
Celui-ci, citant des agences officielles turques, a révélé que le Mossad postait des offres d’emploi sur les réseaux sociaux ou dans des salles de chat ; les échanges avec les agents étaient conduits sur des applications de messagerie cryptée et les paiements effectués en crypto-monnaie.
«L’argent était parfois versé par des intermédiaires, qui pensaient blanchir de l’argent de paris illégaux», a souligné le média français. Des contrats courts, d’autres longs étaient ainsi confiés aux agents recrutés.
Pour les premiers, il s’agissait d’accomplir des tâches tactiques : surveillance, repérage, filature, agression… Les agents ayant des contrats longs, eux, étaient rencontrés à l’étranger avant de se voir confier des tâches plus importantes : kidnapping, assassinats…
Tactiques de hacking
Les recrues étaient aussi entraînées aux différentes tactiques de hacking, notamment des caméras de sécurité ou des téléphones de leurs cibles, de pose de GPS espions sur leurs véhicules, voire la mise sur pied de sociétés d’ambulances pour mener discrètement différentes opérations.
En somme, ils avaient à leur disposition d’importants moyens pour traduire sur le terrain la menace proférée, début décembre 2023, par le chef de l’agence israélienne de sécurité intérieure (Shin Beth), Ronen Bar. Il avait en effet déclaré que son organisation était prête à détruire le Hamas «partout», y compris «au Liban, au Qatar et en Turquie».
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait jugé le propos d’«inadmissible» et a mis en garde Israël contre de «graves conséquences» si Tel-Aviv mettait à exécution sa menace d’attaquer des responsables du Hamas sur son sol, selon le quotidien Le Monde. En juillet 2023, les Turcs étaient déjà parvenus à démanteler une autre cellule du Mossad et à appréhender un nombre important d’espions.
L’agence MIT a, d’après la chaîne israélienne i24 News, affirmé qu’elle avait alors démantelé un réseau de 56 agents. Selon le journal turc Sabah, ces agents étaient affiliés à neuf différentes structures du Mossad.
Le réseau comprenait des ressortissants de plusieurs pays du Moyen-Orient et utilisait de faux sites en plusieurs langues – en particulier l’arabe – pour obtenir des emplacements et des adresses IP de cibles à atteindre.
Le renseignement turc a également découvert que le Mossad a envoyé des agents d’origine arabe depuis Istanbul vers le Liban et la Syrie pour recueillir des informations et identifier des cibles pour des attaques de drones. L’ancien chef du renseignement militaire turc, Ismail Hakki Pekin, a déclaré hier sur Al Jazeera Mubasher que la présence de réseaux travaillant pour le Mossad en Turquie vise à surveiller des personnalités iraniennes et palestiniennes.
Il a en outre fait savoir que les services de renseignement turc et israélien ont coopéré, au cours des dernières décennies, en raison de la normalisation des relations entre les deux pays.
«Le Mossad recueillait des informations pour localiser les Iraniens sur le territoire turc, mais ne cessait également d’exiger d’Ankara d’expulser des dirigeants du Hamas», a-t-il souligné. Il a aussi expliqué que les agents du Mossad s’attelaient surtout à authentifier les renseignements recueillis afin de les soumettre aux services de renseignement turcs pour appuyer leurs demandes d’expulsion.
Ismail Hakki a, à ce propos, indiqué que la Turquie a refusé de donner suite à ces demandes. «En conséquence, des problèmes sont apparus entre Israël et la Turquie. Les renseignements turcs accordent une attention particulière à cette question (…)», a-t-il soutenu.
Ces deux dernières années, des dizaines d’interpellations ont eu lieu dans les milieux du Mossad en Turquie. L’opération «Nekpet» en avril 2023 s’était soldée par 17 arrestations, l’opération «Neoplaz» en décembre 2022 par 68 personnes interpellées. Et en 2021, c’était l’opération «Muteni» avec 29 suspects interpellés.
Ceux-là étaient notamment chargés d’enlever un hacker du Hamas. Tous les suspects ont été placés en détention dans l’attente de la tenue de leurs procès. En Iran, le sort des agents du Mossad est sans grand espoir. L’agence de presse Mizan a rapporté vendredi dernier que les autorités avaient exécuté quatre personnes «liées aux services de renseignement israéliens».
«(…) Quatre membres d’un groupe de sabotage lié à l’entité sioniste ont été exécutés. Ils ont commis des actes à grande échelle contre la sécurité du pays sous la direction du Mossad», a précisé la même source, reprise par Anadolu.
*Source : El Watan-dz