Me Maurice Buttin, président du CVPR PO
+Le projet sioniste est plus que jamais menacé... au profit des Palestiniens !
Editorial de Me Maurice Buttin (revue de presse : Courrier du CVPR – Janvier/Mars 2019)*
Au lendemain des « Accords d’Oslo », naïvement persuadé de l’honnêteté des dirigeants israéliens, j’avais écrit dans le Forum du journal La Croix deux articles favorables à ces accords. Reprenant la citation de Winston Churchill, le 10 novembre 1942, au lendemain de la victoire d’El Alamein : « Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais c’est peut-être la fin du commencement », j’avais retenu les deux premières assertions comme titre pour ces articles, le premier le 9 octobre 1993, le deuxième en mai 1994, après les « Accords de Taba ». J’espérais écrire la troisième assertion en faveur des Palestiniens, qui devaient trouver une « autorité intérimaire de l’autonomie (...) pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans (...) menant à un arrangement permanent basé sur les résolutions 242 et 338 du CDS de l’ONU »
J’évoquais la déclaration de Shimon Pérès, ministre israélien des Affaires Etrangères, après la signature, le 13 septembre 1993, de la « Déclaration de principe sur des arrangements intérimaires d’autonomie » : « Ce que nous faisons aujourd’hui est plus qu’urne signature, c’est une révolution. Les peuples israéliens et palestiniens, qui ont combattu pendant près d’un siècle, se sont accordés à s’engager, de façon décisive sur le chemin du dialogue, de la compréhension et de la coopération ». Oubli de la réalité de l’idéologie sioniste, ou, plus simplement, affirmation hypocrite de Shimon Pérès pour tromper l’adversaire ?
Quoiqu’il en soit, je n’ai jamais pu écrire la troisième assertion de W. Churchill...
En effet, occupation ; colonisation ; humiliation ; répression ; arrestations ; discrimination ; démolition de maisons ; assassinats ciblés ; arrachage de milliers d’oliviers ; mur de l’apartheid ; routes de contournement pour les colons ; annexion de Jérusalem proclamée « capitale éternelle et indivisible d’Israël » ; Gaza, devenu depuis 2007 une « prison à ciel ouvert », meurtrie par trois guerres successives ; victime depuis un an de meurtres de manifestants non violents, par des snipers « jouant » au tir au pigeon ; politique d’apartheid, de facto, aussi bien en Palestine occupée que dans l’Etat israélien lui-même, aujourd’hui de jure, après la Loi fondamentale du 19 juillet 2018 définissant Israël comme « Etat-nation du peuple juif », telle a été la politique des dirigeants israéliens depuis l’assassinat de l’un des leurs, le 5 novembre 1995, par leur haine du « traitre des Accords », le Premier ministre Y. Rabin – encore que ce dernier, quant à la reconnaissance de l’Etat palestinien proclamé le 15 novembre 1988, n’avait pas hésité à écrire : « Yasser Arafat peut toujours rêver ». Sans commentaire.
Et bien, j’emprunterai aujourd’hui la troisième assertion de W. Churchill pour évoquer la présente situation de l’Etat israélien, ce d’autant plus qu’en marge du Forum Économique Mondial de Davos, en janvier 2018, le président Donald Trump, s’exprimant à côté du Premier ministre israélien a modifié, pour ne pas dire a rayé de la carte, les règles d’un éventuel processus de paix israélo- palestinien en déclarant « nous avons retiré Jérusalem de la table des négociations, donc nous n’avons plus à en discuter » !
Alors, désormais, quid du devenir d’Israël ?
Ses dirigeants, Benyamin Netanyahou en tête, mènent actuellement une politique nationale sioniste qui est suicidaire pour le pays : ils s’opposent ouvertement à l’indépendance de l’Etat palestinien et envisagent, bien au contraire, de l’annexer purement et simplement. Il n’y a plus que les dirigeants occidentaux qui croient encore à deux Etats ! (C f. page 26 la réponse de l’Elysée).
Un seul Etat demain ? Ce sera un jour, plus ou moins proche, le triomphe de l’option binationale envisagée par le Livre blanc britannique en 1939.
Mais quid alors du sionisme ? Avraham Burg, ancien président de la Knesset, a répondu à la question d’une manière prémonitoire, dans Le Monde du 11 septembre 2003 : « La révolution sioniste reposait sur deux piliers : la soif de justice et une équipe dirigeante soumise à la morale civique. L’une et l’autre ont disparu. La nation israélienne n’est plus aujourd’hui qu’un amas informe de corruption, d’oppression et d’injustice. La fin de l’aventure sioniste est à notre porte... ».
N’est-ce pas criant lorsque l’on voit Benyamin Netanyahou, visé par une triple procédure d’inculpation, décidé coûte que coûte à rester au pouvoir, aller jusqu’à faire alliance pour les élections du 9 avril prochain, avec un parti raciste, Force juive, héritier du rabbin Meir Kahane, le père du parti Kach, classé comme organisation terroriste aux Etats-Unis ! Lorsqu’on le voit, aussi, courtiser en Europe des gouvernements nationalistes de droite, racistes et antisémites !
Dans son orgueil démesuré, son appétit du pouvoir, le Premier ministre et ses thuriféraires « mènent le pays à un Etat d’apartheid » écrivait feu Uri Avnery (1) : « Il n’y a aucune autre possibilité. L’Etat Nation juif de la mer Méditerranée au désert, avec une majorité arabe, qui augmentera inexorablement, jusqu’à ce que l’équilibre du pouvoir au sein de l’Etat bascule, que la situation internationale change, et que la volonté du « peuple élu » faiblisse. C’est arrivé dans l’histoire à maintes reprises et cela nous arrivera. L’Etat juif se transformera en Etat binational, avec une minorité juive, qui se réduira du fait que les Juifs ne voudront pas vivre dans un tel pays »
Oui, un Etat, deux Etats, nous sommes bien à la veille du « commencement de la fin du sionisme » !
(1)Sur le site de Gush Shalom le 26 mai 2018
*Me Maurice Buttin est président du CVPR PO (Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient)
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Après les élections israéliennes
Le projet sioniste est plus que jamais menacé...
... au profit des Palestiniens !
Les Israéliens ont voté ce 9 avril. Si la liste de centre droit Bleu Blanc de l’ex général Benny Gantz a quasi fait jeu égal - au nombre de sièges, 35 - avec le Likoud - 36,- de Benyamin Netanyahou, c’est bien celui-ci qui est, à nouveau, sorti vainqueur des législatives, avec ses alliés de toujours, d’extrême droite et de droite, en particulier les deux principaux partis ultra orthodoxe, Shas et Judaïsme unifié de la Thora. Le Parti travailliste, créateur de l’Etat d’Israël avec David Ben Gourion, est laminé - 6 sièges -. Les partis arabes palestiniens, hélas, divisés cette fois, n’ont plus que 10 sièges : 6 au Hadash-Taal (Alliance arabe laïc) 4 au Raam Balad (Alliance arabe islamiste).
Une fois de plus une campagne électorale axée sur la sécurité a fait florès. De fait, la majorité des citoyens israéliens sont éduqués et vivent dans la peur : une propagande habile leur ressert en permanence « Les Arabes veulent nous jeter à la mer !». Et pourtant qui ne sait que ce pays, a sur pied l’une des armées les plus équipées et les plus fortes au monde, possède la bombe atomique, vient d’expédier la sonde Beresheet sur la lune, même si celle-ci s’y est écrasée et ne remplira pas sa mission ? Non, aux seuls mots de hamas, hezbollah (mouvements qui sont considérés comme des « chevaux de Trois de l’Iran ») prononcés par Benyamin Netanyahou, les peurs ancestrales ont refait surface !
Désormais, la route est libre, Netanyahou, Premier ministre pour la 5 ème fois, va pouvoir réaliser ses promesses électorales et poursuivre la conquête d’Eretz Israël, comme le confiait Sharon, en novembre 2001, au journal Haaretz « La guerre d’indépendance n’est pas terminée. Non, 1948 n’était qu’un chapitre »... Cela signifiera, le « commencement de la fin du projet sioniste ».
« Dans l’un des discours de Netanyahou, une phrase se cachait que, semble-t-il, personne n’a remarquée, sauf moi. Il a dit que la «sécurité» dans le pays - ce qui veut dire le droit de recourir à la force armée de la Méditerranée au Jourdain - serait de façon exclusive entre les mains d’Israël. Cela, en termes simples, signifie une occupation éternelle, réduisant l’entité palestinienne à une sorte de Bantoustan » écrivait le regretté Uri Avnery sur le site du Gush Shalom, le 27 mai 2017.
Certes, aujourd’hui, Israël pourrait être rejoint par une partie des Etats arabes sunnites, le président Trump nous sortir prochainement son « Plan de paix du siècle », et les Palestiniens devoir vivre pendant 10, 15 ou 20 ans, sous un régime d’apartheid... mais, demain, des manifestations de colère populaires - comme présentement en Algérie - dans tout le Proche-Orient ; l’arrivée au pouvoir de nouveaux leaders arabes en Palestine ou/et dans un pays proche ; des dirigeants de la Communauté internationale enfin courageux ; aux Etats-Unis, aujourd’hui même, des dissensions apparaissent au sein de l’AIPAC et des voix nouvelles au parti démocrate, des étudiants sur les campus manifestent leur opposition à Netanyahou et soutiennent BDS ; cette campagne se généralisant dans le monde, et la donne changera totalement. L’espoir est là pour le peuple palestinien !
Trump dans sa distribution de terres qui ne lui appartiennent pas pas, Natanyahou dans son orgueilleuse optique politique « après moi le déluge ! », ont-t-ils conscience de la situation d’Israël à plus ou moins long terme ?
La population palestinienne, dans son ensemble (Israël et Palestine occupée, dont Jérusalem- Est et Gaza) devenue égale en nombre - 6 500 000 habitants - voire supérieure, à la population juive, Israël redeviendra un jour plus proche que d’aucuns le croient ... la Palestine !
Maurice Buttin, président du CVPR PO