Michael Pompeo à Bagdad: une déclaration de guerre anti-chiite
Par Gilles Munier/
En visite à Bagdad, le secrétaire d’Etat étasunien Michael Pompeo a demandé à Adel Abdel Mahdi, nouveau Premier ministre, de dissoudre les Hachd al-Chaabi (Forces de mobilisation populaire, intégrées dans l'armée) et l’a prévenu que les Etats-Unis n’interviendront pas si les Israéliens bombardent leurs bases. Il l’a également averti que si l’Ambassade des Etats-Unis à Bagdad était attaquée, les forces US attaqueraient le siège des Hachd à Bagdad. On imagine la suite…
Escalade US en Irak
Les désaccords entre Donald Trump et le général James Mattis - secrétaire à la Défense démissionnaire - ne portaient pas seulement sur le retrait des troupes US de Syrie et d’Afghanistan, mais aussi sur le projet du président américain d’agresser l’Iran, promesse tenue au magnat ultra-sioniste Sheldon Adelson, un des principaux contributeurs de sa campagne présidentielle et prêt à le soutenir en 2020, si….
En juin dernier, en bombardant une base du Hezbollah irakien près d’Abou Kamal (frontière irako-syrienne), les Israéliens ont voulu tester la réaction des Hachd al-Chaabi. Bilan de l’opération, non revendiquée : 22 morts. Le Hezbollah a réagi intelligemment à la provocation en s’en prenant à un camp de l’Etat islamique. Mais en cas de raids israéliens en territoire irakien, il en irait cette fois tout autrement. Ils provoqueraient inévitablement une réplique des Hachd sur les troupes étatsuniennes.
L'annonce faite par Pompeo à Bagdad s'apparente à une déclaration de guerre anti-chiite. On ne peut que s'étonner de la tiédeur de la réaction d'Adel Abdel Mahdi. Selon Al Manar, lui a simplement répondu que « cela pourrait avoir des conséquences graves dans la région ». C'est le moins qu'on puisse dire...
Des bases dites secrètes
Mais comment Abdel Mahdi a-t-il pu également déclarer en décembre dernier - et sans rire - qu’il n’y a pas de « vraies » bases américaines en Irak ? S'il ne s'oppose pas plus ardemment aux empiètements US sur la souveraineté de l'Irak, il va bientôt passer pour un agent américain.
La réactivation d’anciennes bases US en Irak, ou la construction de nouvelles, est un secret de polichinelle. L’agence de presse turque Anadolu en a signalé deux récemment dans la région d’Al Anbar, et Presstv deux autres : sur l’aéroport militaire Qayyarah à 40 km au sud de Mossoul, et près de l’ex barrage Saddam, au nord de la ville.
Si la plupart des bases n’est pas répertoriée, c’est uniquement pour ne pas envenimer les débats au Parlement irakien et dans les médias bagdadis sur le maintien de troupes étrangères dans le pays, ou pour ne pas exacerber les tensions diplomatiques internationales. En tout cas, les Hachd al-Chaabi savent très bien où elles sont situées. Elles ne reculeront pas devant la menace.
Nul doute que les semaines à venir sont attendues avec appréhension par les Irakiens. Ils craignent, avec raison, que la confrontation Etats-Unis/Iran annoncée sur leur sol - avec la participation d'Israël... et qui sait de la France - tourne à la guerre civile.