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France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

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Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l'Atlantique. Traduction d'articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.


Algérie : Pourquoi le gaz de schiste est une mauvaise solution

Publié par Gilles Munier sur 17 Mars 2015, 21:24pm

Catégories : #Algérie

Algérie : Pourquoi le gaz de schiste est une mauvaise solution

Par Haider Bendrihem (revue de presse : El Watan – Algérie – 17/3/15)*

Voici quelques questions-réponses tirées de rapports scientifiques et parlementaires sur le danger que représente l’exploitation de ce type de gaz. Qu’est-ce que le gaz de schiste ?

C’est du gaz naturel emprisonné depuis des dizaines de millions d’années dans la roche dite de schiste. Il est qualifié de «non conventionnel» parce qu’au contraire du gaz naturel, mieux connu, qu’on trouve dans de vastes réservoirs, celui-ci est coincé dans les interstices de la roche, à des centaines de mètres de profondeur, et éparpillé dans des millions de petites bulles. Donc très difficile à atteindre.

Pourquoi en parle-t-on soudain autant ?

C’est en effet étrange quand on sait que le gaz de schiste est connu depuis plus de 150 ans. Des progrès technologiques au tournant des années 2000 ont changé la donne, mais il représente toujours un danger pour les nappes d’eau et l’environnement.

Aux Etats-Unis, on s’est alors mis à prospecter un peu partout avec un résultat entre 2007 et 2009. En Algérie, après la chute des prix du pétrole, le pouvoir, qui ne s’est jamais préparé à l’après-pétrole et qui s’est habitué à une distribution abusive de cette rente, pris de panique, sans réflexion et sans concertation, est prêt à tous les dérapages, pollution de la nappe, création d’un nouveau foyer de tension et aller jusqu’à mettre en danger l’unité nationale.

Il ne s’agit pas de remettre en question le principe d’exploiter du gaz de schiste en Algérie. La question qui se pose est «pourquoi maintenant». Ce gaz appartient aux générations futures qui l’exploiteront de la manière la plus consciencieuse et prudente, selon les procédés qui seront mis au point par des scientifiques.

Ainsi, la science aura suffisamment avancé, avec le temps, pour créer de nouveaux procédés et équipements technologiques en mesure de garantir une exploitation énergétique respectueuse de l’environnement algérien.

Le défi énergétique ne se gagnera pas par la surproduction et le bradage de notre sous-sol mais par une politique efficace d’économie d’énergie et de diversification des sources d’énergie. Le défi énergétique se gagne en menant un combat durable contre la surconsommation, le gaspillage et les déperditions.

De nombreux investissements dans le domaine du bâtiment et de l’industrie sont nécessaires pour réussir le défi d’une telle mutation qui sera un moteur de relance pour l’économie algérienne.

Quand un pays ne possède pas de stratégie énergétique, comme c’est le cas de l’Algérie, sa sécurité financière et nationale est menacée. Un tel pays devient forcément un pion au service de la sécurité énergétique des autres nations qui ont des comptes à rendre à leur peuple périodiquement.

La preuve, la dernière loi sur les hydrocarbures, une loi soigneusement cachée à l’opinion nationale, a été votée en catimini. La manière dont elle a été validée donne l’impression qu’elle répondait à un agenda imposée par des puissances occidentales. Cette loi fut en complète contradiction avec nos besoins et nos intérêts, et ne servant que les intérêts des multinationales occidentales.

Les procédés d’extraction sont-ils au point ?

L’Algérie n’a pas besoin d’une loi sur les hydrocarbures pour permettre aux multinationales de gagner plus et exploiter plus, mais, notre pays a besoin d’un modèle de référence qui mette en pratique une stratégie nationale en matière énergétique, financière et sécuritaire sous forme de loi d’orientation sur la politique énergétique consacrant la diversification, la rationalisation et l’efficacité énergétiques.

Difficile à dire, parce que l’engouement est récent et la plupart des données proviennent de l’industrie pétrolière américaine. Mais depuis quelques années, des laboratoires scientifiques en Europe et aux Etats-Unis ont pris conscience des risques de ces techniques et ont tiré la sonnette d’alarme sur le danger de ces procédés et surtout les conséquences néfastes des produits chimiques injectés.

A la base, le principe semble simple : injecter, à très haute pression, des tonnes d’eau dans la couche de schiste, accompagnées de sable et de produits chimiques, afin de fracturer la roche (en anglais, fracking) et ainsi en libérer le gaz. C’est cela que les progrès techniques permettent de réaliser à moindre coût.

Mais les inquiétudes viennent de la possibilité que, en fracturant la roche, une partie du gaz et des produits chimiques ne s’échappent pas juste par le puits du prospecteur, mais par une fuite dans le sous-sol, atteignant ainsi la nappe phréatique. C’est ce qui s’est produit en Pennsylvanie, au Wyoming et dans plusieurs autres sites entre 2008 et 2012 : puits contaminés, et une eau devenue impropre à la consommation. Plusieurs puits ont même explosé, répandant du gaz et de l’eau contaminée. Parmi les produits chimiques en question : du carburant diesel, du benzène et des solvants industriels.

La contamination de l’eau est certaine Même le rapport optimiste de l’IHS le reconnaît dans un langage prudent : «L’eau a émergé comme étant le problème environnemental le plus visible du gaz de schiste.»

Les chercheurs de la Duke University ont analysé l’eau de 68 puits privés -qui fournissent de l’eau potable à leurs propriétaires- dans le nord-est de la Pennsylvanie et dans l’Etat de New York. Les puits situés à un kilomètre d’un puits de forage de gaz de schiste contenaient 19 à 64 milligrammes de méthane par litre, contre 1,1 mg/l pour les puits situés au-delà de ce périmètre d’un kilomètre, et cette augmentation de méthane dans l’eau serait bien liée à l’exploitation dans la roche profonde, d’après des travaux publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences.

La ville de New York a réclamé un moratoire sur l’extraction de gaz dans la région où elle puise l’eau pour ses 5 millions d’habitants.

En réponse, le Sénat de l’Etat de New York a voté le 3 août un moratoire sur tout nouveau permis de forage. L’exploitation du gaz de schiste est une catastrophe en ce qui concerne l’utilisation excessive d’eau et surtout sa contamination est devenue certaine.

Les dérapages s’accumulent mais la prise de conscience citoyenne est proportionnelle à ces dérapages. Après la Pennsylvanie, le Colorado et la Virginie occidentale, c’est au tour du Wyoming d’avoir son cas d’eau contaminée à cause des forages, tandis que la ville de New York fait grand cas de ce qu’elle considère être des risques pour son eau potable.

Cet élan de prise de conscience du danger que représente l’exploitation du gaz de schiste se propage en Europe. Beaucoup de projets ont été abandonnés et le cas le plus emblématique est sans doute celui de la Pologne, où la multinationale Chevron vient d’annoncer l’arrêt de ses programmes d’exploitation de ce type de gaz en Pologne et en Roumanie. L’euphorie de milliards de mètres cubes estimés par le département américain de l’énergie est revue à la baisse de moitié.

Les oppositions des citoyens à l’exploitation de ce type de gaz, ainsi que les contraintes réglementaires imposées aux opérateurs en Europe ont apporté leurs fruits. Après la France, qui a interdit l’exploitation du gaz de schiste, c’est au tour de l’Allemagne et du Danemark, qui ont aussi imposé un moratoire. Même l’Angleterre temporise et privilégie le wait and see et les administrations locales ont recommandé de refuser les permis en mettant en avant les nuisances occasionnées par les camions transportant les matériaux. Les députés anglais ont carrément interdit les forages dans toutes les zones protégées.

Les grandes compagnies de pétrole ont décidé de réduire drastiquement leur budget d’exploitation et de ne conserver que les permis les plus rentables et là où la réglementation n’est pas contraignante, à ce sujet le directeur général de Total explique : «Les investissements dans le gaz de schiste sont très flexibles et peuvent facilement être stoppés.

Mieux vaut laisser le gaz sous terre, quand les prix ne sont pas élevés.» José Bové désigne Total comme une entreprise criminelle du fait de songer à exploiter le gaz de schiste en Algérie et dans une région contenant le plus grande réserve d’eau en Algérie, un pays en stress hydrique et il poursuit : «Total pensait pouvoir s’épanouir dans un pays du Maghreb sous la protection d’un système politique corrompu et répressif.» No comment.

Le mythe de la fracturation propre

Les compagnies gardent secrètes certaines formulations en plaidant le secret industriel et refusent de communiquer l’intégralité de la composition de certains produits de fracturation, car des ingrédients dans ces formulations étaient, selon elles, la propriété de firmes leur ayant fourni la substance et en tant que telles protégées par le secret industriel.

A ce sujet L’EPA, agence pour la protection de l’environnement des Etats-Unis a publié un rapport préparatoire à une étude, engagée depuis mars 2010, pour évaluer les conséquences potentielles de la fracturation hydraulique sur les ressources en eaux potables.

Ce rapport a conclu clairement que «dans ces cas il apparaît que les compagnies injectent des fluides qui contiennent des substances chimiques inconnues au sujet desquelles elles ne peuvent avoir qu’une compréhension limitée des risques potentiels qu’elles posent pour la santé humaine et l’environnement !» «Ce rapport américain officiel montre clairement que la fracturation hydraulique utilisée dans l’extraction des gaz et pétrole de schiste utilise de nombreux produits chimiques dangereux.

C’est la réalité de cette technique et de cette industrie : il n’existe pas de fracturation hydraulique propre, un mythe !», déclare François Veillerette, porte-parole de générations futures, association agréée impliquée dans les questions de santé environnementale. «Le gouvernement français, à la lumière de ce rapport, doit officiellement et définitivement abroger les projets prévus sur le territoire national et renoncer au recours à ces sources dans le futur», ajoute-t-il.

Pour toutes ces raisons, nous lançons un appel urgent à l’ensemble des citoyens, aux universitaires et à la société civile ainsi qu’aux acteurs politiques pour faire pression sur les responsables de cette catastrophe nationale, à travers des pétitions et marches, dans l’objectif d’arrêter toute exploitation ou expérimentation de ce type de gaz.

Il est urgent d’ouvrir un débat sérieux pas seulement sur la problématique du gaz de schiste, mais sur la transition énergétique en vue de préparer dans la concertation le nouveau modèle économique créateur de croissance et de richesse et surtout mettre ces nappes d’eau au service de notre sécurité alimentaire.

Les 70 milliards de dollars destinés à l’achat de produits chimiques et autres équipements pour l’exploitation de gaz de schiste seront réorientés vers une économie verte basée sur l’industrialisation des énergies renouvelables, la planification de la formation, la préparation des PMI/PME… Le défi algérien est lancé pour mettre avec certitude notre pays sur la bonne voie de développement, sinon on se dirige droit vers le désastre.

Haider Bendrihem est un ancien parlementaire algérien et un consultant en énergie renouvelable

Photo : Manifestation anti gaz de schiste à Ouargla

*http://www.elwatan.com//contributions/pourquoi-le-gaz-de-schiste-est-une-mauvaise-solution-17-03-2015-289962_120.php

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