Drôle de guerre Iran-Irak
sur fond de campagne électorale
A Bagdad, la crise provoquée par l’occupation, en décembre 2009, par des soldats iraniens, du champ pétrolier irakien de Fakka, au sud-est du pays - dont les réserves sont estimées à 2,5 millions de barils - se poursuit sur fond de campagne pour les élections législatives. Manouchehr Mottaki, ministre iranien des Affaires étrangères, a annoncé le 7 janvier dernier que les forces iraniennes ont « amené le drapeau iranien et se sont retirées à une certaine distance », ce qui ne veut pas dire totalement ou qu’elles ne reviendront pas.
Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, qui n’avait réagi que 10 jours après la prise des puits – et pas du tout lors de précédentes incursions – avait fait de la surenchère en déclarant que les Iraniens n’auraient « pas une goutte de pétrole irakien », et « pas un mètre de terre irakienne ». Mais, il n’a guère convaincu au-delà de son propre camp.
Salah al-Mutlaq, secrétaire général du Front de dialogue national, avait déclaré « qu’il était temps de dire aux Iraniens de ne plus intervenir en Irak » et le Vice-président de la République, Tariq al-Hachemi, renchéri en disant : « Ce qui s'est passé est un acte d'hostilité inacceptable. Agresser la souveraineté irakienne est une ligne rouge. Nous attendions de notre voisin qu’il réponde aux exigences du ministère des Affaires étrangères et retire ses forces du quatrième puits de ce champ pétrolier, mais cela ne s’est pas fait. Ainsi, les hostilités sont toujours en cours. Le puits est totalement la propriété de l'Irak et a été foré après les accords d'Alger. C'est ce qu'on appelle exporter ses crises nationales à l'étranger ».
Selon le Washington Post (8/1/10), Aawadh al-Abbidan, qui se présente aux élections législatives, a annoncé qu’un groupe armé, Les Lions de la Brigade de Dieu, composé de membres de 126 tribus du sud se propose de défendre les puits de pétrole irakiens. « Un million d’Irakiens de la province d’al-Anbar jusqu’à Bassora » sont prêts à lutter », dit-il, «contre l’occupation iranienne, quel qu’en soit le prix… ». Pour Kadom al-Rubat, un chef de tribu, l’incursion iranienne est « une insulte faite aux martyrs qui ont donné leur vie dans la guerre contre l’Iran ».
BREVES
Mascarade électorale en préparation - La Commission justice et responsabilité, nouveau nom du Comité pour la débaasification créé par Ahmed Chalabi au lendemain de l’occupation, a décidé d’interdire à Salah al-Mutlaq, secrétaire général du Front de dialogue national, de se présenter aux élections législatives sous prétexte de liens avec des dirigeants baasistes en exil. Quatorze autres partis sont dans le même cas. Cette décision fait suite à une déclaration de Chalabi à Al Sharq al-Awsat, en octobre 2009, affirmant qu’il y aurait 40 baasistes dans la future Assemblée nationale, une crainte partagée par Ali al-Adeeb, dirigeant d’Al-Dawa, le parti du Premier ministre Nouri al-Maliki.
Salah al-Mutlaq a réagi en déclarant : « Si défendre l'Irak et se prononcer contre l'occupation est considéré comme répandre des idées baasistes, ils ont raison ». Pour Haïdar al-Mula, porte-parole de son parti, la décision a été prise pour satisfaire l’Iran qui craint aussi le retour de baasistes dans les allées du pouvoir. Si la Commission électoral ratifie l’interdiction, Salah al-Mutlaq fera appel devant un tribunal. Un de ses alliés, l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui, connu pour ses relations avec la CIA, envisage de boycotter le scrutin si le jugement est défavorable.
Ingérence iranienne - Struan Stevenson, président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec l'Irak, a appelé « le gouvernement américain et l'ONU » à empêcher l'exclusion de Salah al- Mutlaq et d’autres personnalités politiques des élections législatives irakiennes. « La véritable raison de son exclusion », a-t-il déclaré, « c'est sa position intransigeante contre l'ingérence du régime iranien en Irak ». (Communiqué diffusé le 8/1/10)
Soufis - Nehru Abdul Karim al-Kaznazani, fils du Cheikh de la confrérie soufie Kaznazaniya, n’a pas été autorisé, non plus, à se présenter aux élections législatives. Bien qu’ayant joué la carte américaine après avril 2003, on lui reproche d’avoir un frère – Ghandi – lié à Izzat Ibrahim al-Douri, chef du parti Baas clandestin.
Liberté de l’information - Le 12 décembre 2009, la Chambre des Représentants des Etats-Unis a adopté - par 395 voix contre trois - une loi destinée à surveiller et à punir les chaînes satellitaires arabes coupables «d’incitations à la violence anti-américaine au Moyen-Orient ». Visés, les satellites NileSat et ArabSat, et les chaînes Al-Aqsa (Hamas), Al-Manar (Hezbollah) et celles de la résistance irakienne : Al-Zawra TV, propriété de Mishan al-Jouburi (député en exil) et Al-Rafidain, proche de l’Association des oulémas musulmans irakiens. Les propriétaires des satellites qui les diffusent seront considérés comme des dirigeants d’organisations terroristes ! Pour Abdallah Kassir, directeur d’Al-Manar, il s’agit d’une décision «imposée par le lobby sioniste aux Etats-Unis». A noter qu’ArabSat appartient à la Ligue des Etats arabes …
http://journalstars.com/actualites/arabsat-et-nilesat-dans-le-collimateur-des-americains-4606.html
Guerre des hymnes nationaux –C’est maintenant officiel, Mawtini (Ma Patrie), poème du Palestinien Ibrahim Touqan (1905-1941) mis en musique de Mohamed Fleyfel, est le « nouvel » hymne national irakien. Ce chant patriotique avait déjà été choisi par le général Kassem après le renversement de la monarchie. Sous Saddam Hussein, il était chanté dans les écoles, en second, après Ardulfurataini Watan (Le Pays des deux fleuves), l’hymne national adopté en 1979 (poème de Shafiq al- Kamali, musique de Walid Georges Gholmieh). Le remplacement de ce dernier a été imposé par les Etats-Unis.
Ardulfurataini Watan: http://www.youtube.com/watch?v=0w18l8IbvJ0&feature=related
Mawtini (nouvelle version) : http://www.youtube.com/watch?v=YFXK0apQXig&feature=related
Mawtini (version originale) : http://zahalqa.com/maw.html
Coup d’Etat -Selon John Jenkins, ambassadeur de Grande-Bretagne en Irak, un coup d’Etat militaire à Bagdad est « réellement » une « possibilité ». Il pourrait, dit-il, être l’œuvre d’officiers de l’armée de l’époque de Saddam Hussein, dont le régime actuel ne peut se passer.
http://www.heraldscotland.com/news/politics/military-coup-in-baghdad-remains-possible-1.997213
Crime de Guerre - Les accusations portées contre les mercenaires de Blackwater qui ont tué 17 civils irakiens non armés et blessé une vingtaine de personnes à Bagdad, le 16 septembre 2007, « pour leur faire payer les attentats du 11 Septembre » (selon un de leurs proches), ont été rejetées par un juge fédéral étasunien.
Ambassade US trop petite - Robert Ford, n°2 de l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad, espère que le Congrès accordera le budget nécessaire au doublement de la taille du bâtiment actuel. Avec ses 21 bâtiments, la représentation diplomatique américaine est considérée comme la plus grande du monde.
http://www.huffingtonpost.com/2010/01/07/us-embassy-in-baghdad-pla_n_415234.html
Famille royale irakienne - Le docteur Humam Al-Balawi, agent double des Talibans pakistanais, qui s’est fait exploser dans la base opérationnelle américaine de Chapman, en Afghanistan, a causé la mort de 7 agents de la CIA et du capitaine des services de renseignements jordaniens qui l’avait recruté. Ce dernier, Sharif Ali bin Zaid al-Aoun, est un membre de la famille royale irakienne qui a fui le pays en 1958, après le renversement de la monarchie.
A suivre...