Par Xavière Jardez
Selon un document publié par le Département de la Justice américain, le 4 février 2013, l’administration américaine peut en toute légalité assassiner un citoyen américain hors des Etats-Unis si la cible est « un haut chef opérationnel » d’Al-Qaïda ou d’un groupe associé et pose une menace imminente aux Etats-Unis.
Le document définit de manière très élastique la « menace imminente » comme n’étant pas obligatoirement basée sur des renseignements obtenus sur une attaque spécifique mais « doit comprendre des considérations sur un créneau pertinent de possibilités ». C'est-à-dire pas « dans un futur immédiat ». Pour l’Union des libertés publiques américaine, le droit du président de déclarer des Américains, « une menace, et de les tuer loin d’un champ de bataille reconnu et sans intervention judiciaire avant ou après les faits », à savoir en leur déniant leurs droits constitutionnels, est « une extension étonnante du pouvoir exécutif ».
C’est ainsi qu’en septembre 2011, Anwar al-Awalaki et son fils de 16 ans, ainsi que trois autres Américains furent assassinés au Yémen par des frappes de drones.
Le récent débat suscité par la nomination au poste de directeur de la CIA de John Brennam, haut responsable sous l’administration Bush et partisan du recours à outrance des drones et suspecté d’avoir encouragé des techniques de torture comme la planche à eau (waterboarding), n’est pas simplement la réponse - un peu forcée- aux promesses de transparence faites par Obama, mais correspond un processus de légalisation rétroactif d’actions prises par son administration ainsi que des explications à fournir aux Américains eux-mêmes, aux défenseurs des libertés publiques et aux alliés des Etats-Unis.
De 54 frappes sous l’administration Bush, on est passé à 311 sous l’administration d’Obama, prix Nobel de la paix. Le nombre de civils tués au Pakistan, au Yémen, en Somalie, est difficile à connaître mais il s’établit pour le seul Yémen à 150 personnes identifiées depuis 2008. Mais pour ces derniers, la question de droits n’est même pas posée puisque les Nations unies reconnaissent implicitement le recours aux drones par le biais de la légitime défense des Etats-Unis. Etre sur la liste des cibles suffit à justifier l’assassinat en appuyant sur un bouton comme pour les jeux vidéo.