Par Gilles Munier
Abdelaziz Bouteflika s’était engagé à ce que les élections législatives du 10 mai soient « transparentes et crédibles » et, pour le prouver aux yeux du monde, il avait invité des observateurs étrangers à y assister. Il avait présenté le scrutin comme « une date historique tout aussi importante que le 1er novembre 1954 », jour du déclenchement de la guerre de libération nationale (1).
Le 7 mai, commémorant à Sétif les massacres de 1945, Bouteflika avait appelé les Algériens à voter en masse pour sa famille politique, c'est-à-dire sans le citer : le Parti du FLN.
Seulement, comme chacun sait, la réalité est tenace et les faits têtus. L’abstention et les votes blancs ou nuls ont atteint des records, les électeurs n’ont voté que très modérément pour le Parti du FLN qui a pourtant obtenu la majorité au parlement, l’opposition a dénoncé les fraudes massives et la trituration des résultats (2).
Le coup de grâce porté au discours officiel est venu de la Cnisel (Commission nationale indépendante de surveillance des élection) qui a laissé filtrer dans les médias algériens indépendants un certain nombre d’informations sur le déroulement des législatives confirmant les accusations portées par les partis politiques et par des députés élus. Le pré-rapport de la Cnisel énumère les fraudes constatées dans tout le pays au profit du Parti du FLN et du Rassemblement National Démocratique (RND) : PV signés à blanc, électeurs inscrits dans plusieurs centres de vote, recours abusif aux procurations délivrées aux membres des corps constitués, taux de participation passant de 4% à 15% en deux heures, votes FLN considérables enregistrés dans les régions militaires… et personnes décédées comptabilisées parmi les votants.
La Cnisel - dont les représentants ont souvent été interdits d’entrer dans les bureaux de vote - a qualifié les résultats validés par le Conseil constitutionnel algérien d’«illogiques» et de «bizarres». C’est le moins qu’on puisse dire ! Bien que subissant des pressions de la part du FLN et du RND pour modifier certains passages de son rapport, elle a demandé l’ouverture d’une enquête sur le scrutin du 10 mai. Plusieurs partis politiques, députés et candidats exigent l’annulation des résultats.
Curieusement, les quelques 500 observateurs internationaux – Union européenne, National Democratic Institute (NDI), Centre Jimmy Carter, Ligue arabe, Union Africaine (UA), Organisation de la coopération islamique (OCI) - n’ont rien vu et rien entendu. Ils n’ont pas été gênés de déclarer, unanimement, que le scrutin avait été bien organisé, « libre », « démocratique », « transparent » et « crédible ». En d’autres termes, cela signifie que l’Occident, très sourcilleux à l’égard des régimes qui ne conviennent pas à ses intérêts du moment, décerne un brevet de bonne gouvernance aux généraux qui dirigent le pays en sous-main. Il n’y a là rien d’étonnant, mais on aura tout vu…
(1)L’arrestation de Mourad Dhina et les élections législatives
(2) Algérie, les législatives du 10 mai contestées