Par Gilles Munier
On en sait maintenant un peu plus sur « Daniel Galvan Fina », l’espion-pédophile dont la grâce accordée par Mohamed VI a ébranlé l’institution royale. Arrêté dans un hôtel de Murcie et mis à la disposition de l’Audiencia Nacional - un haut tribunal siégeant à Madrid réservé à certains crimes graves, et à des affaires d’importance nationale ou internationale – il a avoué au juge qui l’interrogeait qu’il était bien d’origine irakienne et qu’il se prénommait Salaheddine. Il a confirmé être né à Bassora et qu’il a fait d’abord carrière dans l’armée irakienne jusqu’à devenir officier.
Pour des raisons non encore révélées, il aurait quitté l’Irak en 1996 et se serait installé à Murcie où sa connaissance des langues – notamment de l’arabe - lui a permis de devenir professeur, à titre temporaire puis permanent, à l’université de la ville. Il s’y serait marié, obtenant de ce fait la nationalité espagnole. Divorcé, il aurait vécu en Egypte, Syrie, Jordanie et en Grande-Bretagne.
En 2002, Salahedddine, alias Daniel Galvan, serait retourné en Irak où il y aurait été arrêté et incarcéré à la prison d’Abou Ghraïb. Libéré quand les Américains ont pris Bagdad, il a quitté le pays pour, selon ses aveux au juge, « effectuer un travail dangereux et secret».
« Daniel Galvan »ayant été traité pour schizophrénie – selon le quotidien El Pais - ces informations sont à mettre au conditionnel. Son exfiltration d’Irak et son installation au Maroc sous une fausse identité, prouvent en tout cas que les Etats-Unis, ou l’Espagne, étaient satisfaits de ses services.
Le « Danielgate » - c’est ainsi qu’on appelle ce scandale au Maroc - a fait ce que l’opposition n’a jamais osé : demander des comptes à Mohamed VI. Au Maroc, ce n’est pas rien, le roi y est considérécomme infaillible car – descendant de l’iman Ali – il porte de titre de Commandeur des croyants.
Tout le monde se demande pourquoi les 48 prisonniers de droit commun ont été graciés, alors que l’Espagne avait présenté deux listes et que « Daniel Galvan » était sur celle de détenus devant finir leur peine dans une prison espagnole.
Les Marocains sont humiliés. Leur pays est devenu une destination de tourisme sexuel. Dernièrement des médias des pays du Golfe présentaient les Marocaines comme des prostituées. L’affaire « Galvan » est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase où l’indignation des Marocains était contenue, car ce n’est pas la première fois que des étrangers impliqués dans des affaires de pédophilie et de prostitution sous toutes ses formes, sont graciés par leur souverain.
Pour la journaliste marocaine Hanane Harrath, les manifestations de colère provoquées par la grâce accordée par Mohamed VI à « Daniel Galvan Fina », ont « désacralisé la fonction royale ». Jusque-là, écrit’elle, « Il était ordonné de tout accepter même l’innommable, le viol de nos enfants, au nom d’une soumission aveugle au pouvoir qui nous dirige » (1). C’est une des raisons pour lesquelles les manifestations ont été réprimées avec autant de férocité. Mardi 6 août, dernier jour du Ramadan, 2000 Marocains bravant les autorités sont quand même descendus dans les rues de Casablanca pour protester contre la décision de leur souverain.
L’opinion publique marocaine réclame maintenant la réincarcération de « Daniel Galvan » à Kenitra. C’est possible si l’Espagne accepte de faire une entorse à la Convention qu’elle a signée en 1997 avec Rabat qui prévoit que les deux pays ne peuvent extrader leurs ressortissants l’un vers l’autre.
(1) Yabiladi.com -3/8/13
http://www.yabiladi.com/articles/details/18827/danielgate-marocains-n-ont-plus-peur.html
Nota : Pour suivre le développement du « Danielgate », lire le quotidien marocain en ligne Lokome :
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