Par Gilles Munier
La Syrie n’est plus sous régime international de mandat. Ce n’est donc pas aux Américains, aux Français ou aux Russes de dicter sa conduite au président Bachar al-Assad… ou de décréter que le Front al-Nosra est une « organisation terroriste ». Des pays qui ont déclenché des guerres, qui en fomentent de nouvelles en Afrique, qui ont tués ou tuent des centaines de milliers de civils en Irak et en Afghanistan, qui continuent de le faire au Pakistan, au Yémen ou ailleurs, n’ont de leçons de démocratie ou de morale à donner à personne.
Bachar al-Assad ne veut pas partir. Il « a dit à maintes reprises qu'il n'avait l'intention d'aller nulle part, qu'il resterait à son poste jusqu'au bout (...). Il n'est pas possible de changer cette position », a déclaré Sergeï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. C’est son droit, mais c’est aussi celui de ceux qui l’ont fait roi de le démettre.
Au sein du Parti Baas syrien, transformé en parti de béni-oui-oui et d’opportunistes par Hafez al-Assad, des voix se font timidement entendre, ne serait-ce pour « regretter » que le dernier congrès du parti ne se soit pas tenu comme prévu. Le risque de voir le clan Assad mis en accusation était-il si grand pour que le secrétaire général qui « veut rester à son poste jusqu’au bout » en ait reporté la date… aux calendes grecques ?
Selon « un analyste ayant souhaité ne pas être identifié » (dixit AFP), le noyau dur du clan Assad comprend principalement son frère Maher el-Assad (chef de la 4e division du 1er corps d'armée en charge de Damas), ses oncle et cousins Mohammad Makhlouf et Rami Makhlouf (hommes d’affaires), Hafez Makhlouf (chef de la sécurité à Damas), ainsi que le général Houssam Soukkar (conseiller présidentiel pour la sécurité). Tous sont Alaouites. Seule voix discordante dans la communauté religieuse qui a phagocyté le Parti Baas : le général Ali Haïdar (Forces spéciales), écarté en 1994 pour avoir manifesté son désaccord avec la succession dynastique imposée par Hafez el-Assad.
Pour faire bonne mesure, le clan comprend deux Druzes : Mansour Azzam (ministre des Affaires présidentielles) et Louna al-Chibl (ancienne journaliste d'Al Jazeera), ainsi que deux sunnites de l’équipe d’Hafez al-Assad : le général Ali Mamlouk (directeur de la sécurité nationale), et le général Rustom Ghazalé (chef de la sécurité politique).
Le maréchal Mustapha Tlass (sunnite - ancien ministre inamovible de la Défense), planificateur en chef de l’irrésistible ascension de l’ophtalmologiste londonien Bachar al-Assad, s’est prudemment réfugié en France dans une opposition dorée et silencieuse. Son fils Manaf, général, joue les stratèges de salon à Paris, quartier Saint-Germain-des-Près.
Ceux qui osent se commettre officiellement avec le vice-Président Farouk al-Chareh - qui critique l’aveuglement du clan au pouvoir - ne sont pas nombreux, ou de peu de poids sauf peut-être Bouthaïna Chaabane, Alaouite clairvoyante, ancienne ministre de l'Immigration et ancienne conseillère du « président qui veut rester à son poste jusqu'au bout ».
Bachar al-Assad doit partir, oui, mais – Sergueï Lavrov a raison - c’est au peuple syrien de le décider, pas à la soi-disant «communauté internationale».
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