Condamné à 22 ans de prison (15+7) dans deux procès en 2009, puis condamné à mort fin octobre 2010, Tarek Aziz vient d’écoper de 10 ans de détention supplémentaire pour « atrocités envers des Kurdes ». Le message du régime de Bagdad est clair : si l’ancien vice-Premier ministre est gracié, il mourra de toute façon en prison. Et pour bien enfoncer le clou, d’autres procès, dit-on, l’attendent.
Des avocats déboussolés
Malgré le refus de Tarek Aziz de faire appel à sa condamnation à mort, ou de solliciter sa grâce, ou encore d’avoir un régime spécial parce que « chrétien chaldéen », son fils Ziad a chargé Giovanni Di Stefano, avocat italien de son père, de remettre une demande de clémence à Saywan Barzani, ambassadeur d'Irak en Italie et neveu de Massoud Barzani. Dans ce courrier adressé, semble-t-il, à Nouri al-Maliki, Ziad Aziz qui a obtenu la nationalité jordanienne, a déclaré « apprécier les efforts du gouvernement irakien pour rétablir la démocratie ».
Maître Badie Aref, de son côté, a décidé de se retirer de l’équipe de défense de Tarek Aziz. Il a déclaré au quotidien Al Qods Al-Arabi, qu’il ne s’occuperait désormais que des prisonniers « non chrétiens ». En route pour Bagdad – où il affirmait être menacé de mort, il y a encore quelques semaines -, Badie espère rencontrer son client et lui expliquer le pourquoi de sa décision.
Vendetta confessionnelle et politique
La déclaration de Jalal Talabani disant qu’il ne signerait pas l’arrêt de mort de Tarek Aziz « parce que chrétien » a donné l’impression que les Occidentaux font campagne pour la libération de l’ancien vice–Premier ministre irakien uniquement pour des motifs confessionnels. Ce n’est évidement pas le cas du Comité pour la libération des détenus politiques irakiens (CLDPI). Le nom de Tarek Aziz est mis en avant uniquement parce qu’il est connu sur la scène internationale, le sort qui lui est réservé permettant d’attirer l’attention des opinions publiques sur celui de TOUS les prisonniers politiques irakiens.
La vie des prisonniers condamnés à mort est toujours menacée car, en Irak, la justice est synonyme de vendetta anti-baasiste, anti-sunnite, anti-chiite – quand ces derniers ne sont pas pro-iraniens - et en ce qui concerne Tarek Aziz : anti-chrétienne. Pour preuve : des télégrammes diplomatiques de WikiLeaks dont fait état le quotidien Le Monde*. L’ambassadeur américain Zalmay Khalilzad y rend compte de son entretien, le 6 juin 2006, – c'est-à-dire quelques jours après l’exécution du Président Saddam Hussein – avec Monqith Al-Faroun, procureur adjoint du « Haut tribunal pénal». A la question de savoir si l’exécution était bien « légale » - Jalal Talabani ne l’ayant pas formellement autorisée - le juge lui a répondu que personne ne pouvait abroger une sentence prononcée par ce tribunal, y compris le chef de l’Etat. Dans un autre télégramme, l’ambassadeur signale que pour Tarek al-Hashemi, vice-Président sunnite de la République, l’exécution de Saddam était avant tout une vengeance d’Al-Dawa.
A noter que Khalilzad s’était bien gardé de poser la question de la « légalité » de l’exécution avant qu’elle n’ait eu lieu… et que la plateforme sur laquelle le Président irakien a été pendu a été construite par l’armée américaine.
* WikiLeaks : les conditions gênantes de l'exécution de Saddam Hussein, par Patrice Claude (Le Monde – 5/11/10).