Israël étend son offensive du « mur de fer » en Cisjordanie en approuvant des plans visant à séparer le nord de la Cisjordanie du sud. Ce plan est un prélude accéléré à la possible annexion de la Cisjordanie par Israël.
Par Qassam Muaddi (revue de presse : Agence Média Palestine – 15 avril 2025)*
Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive la semaine dernière en Cisjordanie occupée, dans les villes et les camps de réfugiés palestiniens, tuant trois Palestiniens. Cette escalade intervient simultanément à la relance des projets israéliens visant à accélérer l’annexion et à consolider l’expansion de nouveaux projets de colonies clés dans le centre de la Cisjordanie, notamment la connexion de l’une des plus grandes colonies israéliennes, Maale Adumim, à Jérusalem.
Lundi dernier, le 7 avril, les forces israéliennes ont ouvert le feu sur trois enfants dans la ville de Turmusayya, au nord-est de Ramallah, tuant Omar Saadeh, un citoyen palestino-américain de 14 ans. Mardi 8 avril, les forces israéliennes ont abattu une Palestinienne, Aminah Yaaqoub, 30 ans, à un poste de contrôle israélien près de Salfit, dans le nord de la Cisjordanie.
Ces meurtres ont porté à plus de 800 le nombre de Palestiniens tués par les forces israéliennes ou les colons depuis octobre 2023, alors que l’armée israélienne a accru son recours à la force meurtrière dans le cadre d’une répression militaire continue dans les villes et les camps de réfugiés de Cisjordanie.
Au début du mois, les forces israéliennes ont abattu un Palestinien, Hamza Khamash, 33 ans, et arrêté son frère lors d’un raid dans la ville de Naplouse. Le même jour, les forces israéliennes ont effectué un raid dans le camp de réfugiés de Dheisheh, au sud de Bethléem, blessant deux garçons palestiniens de 15 ans et deux hommes palestiniens âgés de 50 et 46 ans. Le raid sur Dheisheh a duré plus de sept heures, avec des perquisitions de maisons et de multiples arrestations. Les forces israéliennes ont également lancé des tracts à Dheisheh menaçant les résidents des camps de réfugiés « du même sort que Tulkarem et Jenin » s’ils hébergeaient des militants dans le camp. Les tracts montraient une photo d’une rue détruite dans l’un des camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, où les forces israéliennes ont chassé des dizaines de milliers de Palestiniens de leurs maisons.
Les forces israéliennes ont également intensifié leur attaque sur Jénine en lançant des frappes aériennes sur le camp de réfugiés déjà dépeuplé, en arrêtant des Palestiniens dans les environs du camp et en fouillant leurs téléphones.
Cette campagne militaire a commencé après la signature de l’accord de cessez-le-feu à Gaza, qui n’a pas tenu. L’offensive militaire, baptisée « Opération Mur de Fer », a débuté à Jénine et s’est étendue à d’autres régions du nord de la Cisjordanie après le début du cessez-le-feu de courte durée entre Israël et le Hamas à la mi-janvier. Cependant, l’opération est également un prélude accéléré à l’annexion par Israël de la Cisjordanie occupée, comme l’a promis le ministre des Finances d’extrême droite d’Israël, Bezalel Smotrich.
Le plan de scission de la Cisjordanie
Le lancement de l’offensive « Mur de fer » a été décrit par les familles des prisonniers israéliens détenus à Gaza comme une compensation offerte à Smotrich en échange de son acceptation de la signature du cessez-le-feu et de son maintient dans la coalition gouvernementale de droite de Netanyahu.
En réalité, le programme de Smotrich visant à détruire les camps de réfugiés palestiniens s’inscrit dans le cadre du programme plus large du gouvernement israélien visant à annexer la Cisjordanie. L’escalade de la campagne militaire israélienne contre les villes palestiniennes fait écho aux événements survenus à Gaza, Israël ayant annoncé la semaine dernière l’extension de son invasion terrestre dans la bande de Gaza, en particulier à Rafah. Cette escalade en Cisjordanie coïncide également avec l’expansion de nouveaux projets de colonisation.
Le 30 mars, le cabinet israélien a approuvé un nouveau projet de routes de colonisation à l’est de Jérusalem. Le projet comprend une route qui contourne le centre de la Cisjordanie entre Jérusalem et la vallée du Jourdain, ce qui permettrait aux Palestiniens de se rendre directement de Bethléem à Jéricho et isolerait définitivement ces deux zones de Jérusalem. L’autoroute actuelle, l’une des rares autoroutes israéliennes sur certaines portions desquelles les Palestiniens sont autorisés à circuler, sera exclusivement réservée aux Israéliens, reliant Jérusalem aux colonies israéliennes qui s’étendent de l’est de Jérusalem à la vallée du Jourdain. Le deuxième plus grand projet d’annexion concerne la colonie israélienne de Maaale Adumim, qui abrite 40 000 Israéliens.
Relier Jérusalem aux colonies de peuplement situées à l’est séparerait le sud et le nord de la Cisjordanie et créerait une continuité géographique entre les frontières d’Israël de 1948, Jérusalem et les colonies israéliennes. Plus important encore, la Cisjordanie serait divisée en deux. C’est un plan qu’Israël a en préparation depuis des années, mais qui a maintenant obtenu l’approbation officielle.
Le village bédouin palestinien de Khan Al-Ahmar, situé au centre de la zone qui sera bientôt isolée, deviendrait inaccessible aux véhicules palestiniens et ne serait accessible qu’à pied.
Le projet coûterait 91 millions de dollars et serait financé par des fonds provenant d’un budget spécial réservé aux services aux Palestiniens, distinct du budget du gouvernement israélien. L’organisation israélienne Peace Now a déclaré dans un communiqué que le projet « ne sert en rien à améliorer les transports palestiniens. Il vise uniquement à faciliter l’annexion d’une vaste zone, représentant environ 3 % de la Cisjordanie, à Israël. »
Le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a déclaré que le projet « renforcera la sécurité en séparant la circulation israélienne et palestinienne », tandis que le maire de la colonie de Maale Adumim a qualifié l’approbation du projet de « moment historique ». Peace Now a averti que le projet « éliminerait la possibilité de mettre fin au conflit et d’une solution à deux États ».
Plus tôt ce mois-ci, alors qu’il se tenait aux côtés de Bezalel Smotrich, Katz a déclaré dans une vidéo qu’Israël « ne permettra pas à l’Autorité palestinienne et à Abu Mazen [le président de l’AP, Mahmoud Abbas] d’imposer leur contrôle sur les terres de Cisjordanie par le biais de constructions illégales qui menacent la sécurité des colonies ».
Katz a ajouté que « tout comme nous écrasons le terrorisme dans les camps de Jénine, Tulkarem et Nur Shams, nous empêcherons également l’Autorité palestinienne de contrôler les terres de Judée-Samarie » – le terme israélien pour la Cisjordanie – en empêchant les projets de « construction illégale » de l’AP qui « menacent les colonies ».
Katz a fait ces déclarations lors d’une visite de plusieurs colonies de Cisjordanie en compagnie de Smotrich. Dans la vidéo, Smotrich a déclaré qu’« il n’y a pas eu une telle révolution [dans la construction de colonies] en Judée-Samarie depuis 1967 ».
« Le gouvernement israélien travaille au développement des colonies et lutte contre la construction illégale arabe, qui est devenue un fléau pour nous ces dernières années », a ajouté le ministre des Finances.
Katz et Smotrich appartiennent tous deux à l’extrême droite israélienne, dont la base électorale provient en grande partie du mouvement des colons. Smotrich est à la tête des appels à l’annexion de la Cisjordanie depuis 2015 et a qualifié son plan de « solution définitive ». Ce plan, selon Smotrich, « mettrait fin au conflit » en imposant le contrôle israélien sur la Cisjordanie et en l’annexant aux frontières d’Israël de 1948, éliminant ainsi toute possibilité d’établir un État palestinien. Cette vision s’inscrit dans le long effort du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour saper la solution à deux États et empêcher la création d’un État palestinien.
L’extrême droite israélienne a dominé la politique israélienne ces dernières années, remportant la majorité des sièges à la Knesset lors de cinq élections consécutives en deux ans. Après le 7 octobre 2023, Smotrich a déclaré que sa « solution définitive » d’annexion de la Cisjordanie était « la réponse d’Israël au Hamas ». Depuis lors, Israël a régulièrement intensifié l’expansion des colonies et la répression violente en Cisjordanie, prolongeant ainsi les opérations menées à Gaza, avec peu ou pas d’opposition internationale.
La violence des colons en Cisjordanie a déplacé pas moins de 20 communautés bédouines en Cisjordanie depuis octobre 2023, tandis que les attaques de l’armée israélienne et des colons ont tué plus de 800 Palestiniens au cours de la même période. Selon l’UNRWA, l’offensive israélienne du « mur de fer » a jusqu’à présent déplacé plus de 40 000 Palestiniens et complètement dépeuplé les camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem, et le ministre israélien de la Défense a déclaré que leurs résidents ne seraient pas autorisés à y retourner avant au moins un an.
Qassam Muaddi est le rédacteur palestinien de Mondoweiss. Suivez-le sur Twitter/X à l’adresse @QassaMMuaddi.*Source : Agence Média Palestine
*Source : Mondoweiss
Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine