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France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l'Atlantique. Traduction d'articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.


Pourquoi les États-Unis ne peuvent rien refuser à Netanyahu

Publié par Gilles Munier sur 8 Août 2024, 08:54am

Catégories : #Netanyahou, #Gaza, #Biden

Par Robert Inlakesh (revue de presse : ISM-France - 30 juillet 2024)*

La visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu aux États-Unis s’est avérée très embarrassante pour le gouvernement et le système politique américains. Toutefois, les raisons de l’accueil réservé au dirigeant israélien, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre, sont multiples et ne se limitent pas au lobby sioniste.

Le discours de Netanyahu au Congrès ressemblait à celui d’un chef de secte s’adressant à ses adorateurs, à l’exception évidente de la législatrice démocrate Rashida Tlaib qui a choisi d’organiser une protestation silencieuse. Le Premier ministre israélien a été plus applaudi que tout autre dirigeant étranger s’adressant au Congrès, et a battu l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill pour y avoir prononcé le plus grand nombre de discours, tout en attaquant les manifestants américains pour avoir fait usage de leurs droits au titre du Premier Amendement.

Le Premier ministre israélien a ensuite rencontré en privé Kamala Harris et Donald Trump, ainsi que le président américain Joe Biden. Son message était clair, il cherchait le soutien des États-Unis pour une occupation temporaire de la bande de Gaza, pour poursuivre indéfiniment cette guerre et pour que Washington soutienne une extension du conflit afin de combattre directement la République islamique d’Iran.

Un élément clé du discours, qui a échappé à presque tous les analystes, est le moment où Netanyahu a déclaré qu’il “choisissait ses mots avec soin” avant de parler de la façon dont les États-Unis et Israël ont travaillé ensemble pour développer certaines des armes les plus sophistiquées de la planète, une référence à l’armement nucléaire.

Truffé de mensonges grossiers, de déformations et de semi-vérités tortueuses, le dirigeant israélien a reçu éloges et soutien, les seules objections portant sur son manque de détermination à parvenir à un accord d’échange de prisonniers avec la Résistance palestinienne. En outre, près de la moitié des membres du Parti démocrate au Congrès ne se sont pas présentés à son discours, ce qui n’était en rien une manifestation de leur opposition à l’entité sioniste, mais avait davantage à voir avec la relation du Parti démocrate avec Netanyahu. À l’exception notable d’une poignée de législateurs démocrates qui ont exprimé clairement leur dégoût pour les crimes de guerre israéliens dans la bande de Gaza.

Mais pourquoi personne ne peut dire non à Netanyahu ?

Il faut répondre à cette question à plusieurs niveaux, en commençant par le plus évident. Lorsque nous voyons des membres du Congrès et des sénateurs américains se comporter comme des dévots devant le Premier ministre israélien, la raison la plus évidente en est l’omniprésence du lobby sioniste aux États-Unis.

Des centaines de milliers, voire des millions de dollars, achètent manifestement les ovations des élus. L’AIPAC, qui œuvrait autrefois dans l’ombre, se vante aujourd’hui ouvertement de sa capacité à soudoyer les élus, se targuant d’un taux de réussite de 100 % pour chaque candidat qu’il soutient. Pour un politicien de carrière modérément intelligent, la réponse est donc simple : prenez votre chèque, signez la législation pro-israélienne et applaudissez quand un dirigeant israélien s’adresse à vous. Ce point est clair et l’absence d’opposition au lobby pro-israélien provient de la crainte que si vous ne prenez pas leur argent, votre concurrent recevra plus de fonds pour vous battre, ou pire, que si vous vous prononcez contre le régime israélien, vous serez qualifié d’antisémite.

Cet aspect de l’influence considérable du lobby sioniste à Washington s’applique également aux campagnes électorales présidentielles. Nous le voyons actuellement dans le cas de la campagne électorale entre Kamala Harris et Donald Trump, qui expose également la nature psychotique du Lobby et des principaux donateurs sionistes, en ce sens qu’ils sont incapables de tolérer le moindre écart à la vénération totale de l’Entité sioniste.

Côté Parti Républicain, il est logique que Donald Trump affiche publiquement son sionisme, car des dizaines de millions de sionistes chrétiens le soutiennent, pour former une sorte de culte à son endroit. Ces Américains chrétiens sont délibérément abusés par les chrétiens unis pour Israël (CUFI) et d’autres sur les enseignements de la Bible, et on leur vend l’idée qu’ils ne doivent en aucun cas critiquer les Israéliens, et que les Juifs doivent s’installer en Palestine afin de préparer le jour du jugement dernier.

Par contre, Kamala Harris, la candidate du Parti démocrate, ne tire pas avantage à proclamer ouvertement son sionisme, mais y est contrainte, bien que cela nuise grandement à ses chances auprès de ses principaux électeurs. Selon tous les sondages récents, les électeurs du Parti Démocrate sont plus favorables au sort des Palestiniens qu’à celui des Israéliens, et c’est particulièrement le cas pour la plupart des communautés minoritaires et parmi les jeunes qui sont les groupes clés que Harris doit conquérir pour prétendre à la victoire.

Abstraction faite de l’engagement de Kamala Harris pour le sionisme, que son époux est un Juif sioniste et qu’elle a reçu des fonds considérables de groupes de pression pro-israéliens, le mieux qu’elle aurait pu faire la semaine dernière aurait été d’interpeller Benjamin Netanyahu au sujet de ses crimes de guerre. Elle aurait même pu adopter le point de vue de l’opposition israélienne, ce qui aurait peut-être été mieux perçu par ses soutiens, mais non, ses donateurs sionistes n’ont pas permis une telle option. Ce qui, soit dit en passant, témoigne d’une grande faiblesse de la part du Lobby.

Viennent ensuite des questions plus complexes, comme les objectifs de la politique étrangère américaine. Malgré le tapage politique, la stratégie de politique étrangère du gouvernement américain en Asie occidentale ne change pas fondamentalement, qu’il s’agisse des Démocrates ou des Républicains. Tandis que George W. Bush Jr. lançait sa “guerre contre le terrorisme” et renversait les Talibans et Saddam Hussein, Barack Obama a suivi ses traces en éliminant le Libyen Mouammar Kadhafi, et ce pour une raison bien précise.

Le seul problème pour le gouvernement américain était l’inefficacité de ses opérations de changement de régime à remodeler fondamentalement l’Asie occidentale. Alors qu’Obama a tenté d’exploiter la ferveur révolutionnaire issue du Printemps arabe en lançant une invasion de la Libye par l’OTAN, il a également perdu le contrôle de la situation. Même s’il a finalement adopté un régime militaire favorable en Égypte, en travaillant avec les régimes arabes du Golfe pour soutenir la montée en puissance du général Abdul Fattah Al-Sisi en 2013, et en utilisant ensuite la montée de Daesh pour justifier la prolongation de la présence militaire américaine en Irak et, plus tard, en Syrie, il n’a pas réussi à soutenir le renversement du président Bachar al-Assad en Syrie.

Au Yémen, Ansar Allah avait pris le pouvoir et renversé le régime d’Abdrabbuh Mansour Hadi après la révolution yéménite, ce à quoi l’administration Obama a riposté en poussant l’Arabie saoudite à prendre la tête d’une coalition multinationale pour rétablir le président Hadi dans ses fonctions. Le complot américain au Yémen allait également échouer.

Bien qu’Obama ait signé l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, il ne s’y est jamais pleinement engagé et a continué à s’accrocher à l’idée que les États-Unis pouvaient imposer leur volonté dans la région via une intervention militaire. Depuis le début, le gouvernement américain avait prévu d’écraser éventuellement l’Iran, mais avait atteint un stade où il n’était pas plausible de déclencher une guerre aussi directe, alors qu’il était sérieusement affaibli par toute une série de petites défaites.

Ensuite, le gouvernement Trump a décidé que l’accord nucléaire d’Obama de 2015 ne valait pas la peine d’être maintenu et qu’il valait mieux poursuivre une stratégie directe de confrontation avec l’Iran. Trump, dont le principal donateur était le milliardaire sioniste Sheldon Adelson, a été incité à abandonner complètement toute idée de compromis et à afficher insolemment les intentions du gouvernement américain dans la région. Il s’est débarrassé de la vieille idée d’une soi-disant “solution à deux États” en Palestine, et a cru pouvoir mettre de côté le peuple palestinien pour amorcer un rapprochement entre l’entité sioniste et une série d’États arabes, dont les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc, le Soudan et l’Arabie saoudite, le potentiel principal bénéficiaire.

Lorsque l’administration Biden a pris le pouvoir, elle a prêché la relance de l’accord nucléaire de 2015, mais n’a jamais poussé les négociations suffisamment loin pour obtenir un accord, préférant maintenir la politique de “sanctions maximales” de Donald Trump. Comme l’Afghanistan semblait être une cause relativement vaine et que Trump avait déjà amorcé le retrait des forces américaines, il est allé jusqu’au bout de sa démarche, et a intégralement rapatrié ses troupes.

Ensuite, plaçant la normalisation israélo-saoudienne au centre de ses ambitions politiques régionales, l’administration Biden a également continué à exclure les Palestiniens. Pour tenter d’empêcher l’Iran de réagir énergiquement à la normalisation israélo-saoudienne, l’administration Biden a conclu des accords privés avec Téhéran pour débloquer les avoirs gelés appartenant à la République islamique et a assoupli certaines sanctions. La même année, l’administration Biden a subi un coup dur lorsque le gouvernement chinois a joué le rôle de médiateur dans le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Toutefois, Washington a commencé à planifier une nouvelle route commerciale grâce à la normalisation israélo-saoudienne, que Joe Biden a qualifiée de “gros coup” en septembre 2023. Le “gros coup” consistait à faire passer le nouveau corridor économique prévu en Arabie saoudite et en Palestine occupée, pour faire contrepoids aux nouvelles routes commerciales chinoises dans le cadre de leur “Belt and Road Initiative” [Dévoilé en 2023, le projet “BRI”, outil de restructuration de la gouvernance mondiale, est un ensemble de liaisons maritimes et de voies ferroviaires entre la Chine, l’Europe et l’Afrique passant par le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la république de Djibouti et le Somaliland. Ce projet engloberait plus de 68 pays représentant 4,4 milliards d’habitants et 40 % du PIB mondial].

Le gouvernement Biden pensait avoir accompli avec succès la longue transition de l’ère de la guerre contre le terrorisme, en formant une “OTAN arabe” dont les Israéliens seraient les fers de lance, en réponse à la montée en puissance de Téhéran. Et puis, le 7 octobre 2023 a frappé. Comme tombée du ciel, l’opération al-Aqsa Flood menée par le Hamas a anéanti le scénario américain visant à réaffirmer sa domination sur l’Asie de l’Ouest. Le monde entier a été stupéfait par le succès de ce raid militaire et a laissé les Israéliens sans voix. L’ensemble du projet américain en Asie occidentale semblait s’effondrer et la réponse américaine, au lieu de se poser et de réfléchir, a choisi de renouer avec l’état d’esprit de la “guerre contre le terrorisme” dont elle était en train de se débarrasser.

La cause palestinienne renaît de ses cendres. Le peuple démuni a réussi à infliger à son ennemi une défaite militaire sans précédent dans l’histoire du conflit. Furieux, les États-Unis et le projet sioniste se sont associés pour en finir une fois pour toutes avec les Palestiniens en résistance. Ils ont décidé qu’il n’y aurait plus de règles, plus de charte de l’ONU ni de droit international, la mentalité du colonisateur renouant avec sa logique de “tuer les sauvages”, et ils ont fait pleuvoir l’enfer sur la population de Gaza.

Convaincus que leur assaut désordonné sur Gaza, ce génocide, mettrait fin une fois pour toutes à la résistance palestinienne et écraserait la volonté d’un peuple déjà martyrisé, ils essuient aujourd’hui dix mois de défaites successives. La Résistance palestinienne ne faiblit pas, ses alliés renforcent leur détermination et lancent des attaques toujours plus audacieuses sur tous les fronts tandis que l’entité sioniste subit des pertes dont elle ne se remettra jamais complètement.

En vérité, les sionistes américains et ceux de l’Entité elle-même n’entrevoient pas d’autre solution viable que la poursuite de la guerre. Ils injectent donc tous leurs fonds aux politiciens qui se plieront à leurs exigences, tandis que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, ne mettra pas fin à la guerre, car faire ceser le conflit pourrait signifier la fin de son règne. Ceci, alors que le lobby sioniste pèse de tout son poids sur le gouvernement américain comme jamais auparavant et que son unique option pour affirmer sa domination sur l’Asie de l’Ouest lui échappe désormais.

Les États-Unis manquent de stratégie, ils ne peuvent offrir ni paix ni prospérité économique, et même s’ils se remettaient en question en adoptant une approche plus favorable à la Chine dans leur politique étrangère en Asie occidentale, l’anéantissement de la région a été si terrible que réparer les dégâts s’avérerait une tâche gigantesque en soi. Les États-Unis disposent donc de deux options :

  1. Tuer, diviser, détruire et soutenir les Israéliens dans toute escalade envisagée. Et ce, alors que le lobby sioniste continue de signer des chèques en guise d’incitation.
  2. Abandonner militairement la région, forcer les Israéliens à conclure un accord avec les Palestiniens et exercer une influence par le biais d’investissements, de manœuvres diplomatiques et de la restauration des relations avec l’Iran.

Malheureusement, le gouvernement américain refuse d’admettre que sa puissance n’est plus celle de l’époque de la fin de la guerre froide. Nous vivons aujourd’hui dans un monde multipolaire, où la République islamique d’Iran constitue une véritable puissance en Asie occidentale. Les groupes de résistance régionaux qui se sont formés pour combattre l’impérialisme américain et le colonialisme israélien sont plus puissants que jamais, à tel point qu’une guerre totale entre l’entité sioniste et le Liban écraserait le régime israélien. Pourtant, le narcissisme du « leader du monde libre » autoproclamé de l’Occident, les États-Unis, ne tolère pas d’apparaître autrement qu’exceptionnel, bien qu’il ne soit plus ce qu’il prétend être. En réalité, les États-Unis ont été brièvement l’un des régimes les plus puissants de l’histoire mondiale, mais le règne de leur empire ne représente qu’une infime trace dans la chronologie de l’Histoire.

L’empire narcissique est en voie d’extinction. Un empire qui s’est construit sur des notions de suprématie raciale, de classe et de culture, qui se révèlent toutes pour ce qu’elles sont, au fur et à mesure que les masques tombent les uns après les autres. À ce stade, rejeter Benjamin Netanyahu reviendrait à se rejeter soi-même, car ce dernier incarne les idéaux sur lesquels l’impérialisme américain est fondé. Le seul moyen de parvenir à un changement est la modification fondamentale du système politique américain.

*Source : ISM-France

Article original en anglais sur Al-Mayadeen

Traduction : Spirit Of Free Speech

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