Par Alissar Boulos (revue de presse : Ici Beyrouth – 21 juin 2023)*
Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial pour le Liban du président français Emmanuel Macron, est arrivé mercredi à 18h30 à Aïn el Tiné, accompagné de l’ambassadrice de France, Anne Grillo, pour une entrevue avec le président de la Chambre, Nabih Berry.
Celle-ci s’inscrit dans le cadre de la mission que le président Macron lui avait confiée, lorsqu’il l’avait chargé, le 7 juin, d’œuvrer pour tenter de dégager une solution à la vacance présidentielle libanaise qui dure depuis plus de huit mois.
À l’issue de l’entretien qui a duré une heure, aucune des deux parties n’a fait de déclaration. M. Berry s’est contenté de préciser que la réunion était "franche et constructive".
M. Le Drian était arrivé plus tôt dans la journée à Beyrouth pour la première étape de sa mission de bons offices. Cette visite semble opérer officiellement en zone grise dû au silence médiatique de l’ambassade de France ainsi qu’au refus des milieux proches de Aïn el-Tiné, de donner la moindre information sur la teneur des discussions.
Un manque de communication qui se justifierait par une volonté de donner à la première étape de la visite française, toutes les chances de succès.
Il est vrai que M. Le Drian effectue une visite de reconnaissance, dans le but de recueillir les points de vue des différents groupes, pour pouvoir constituer un dossier sur base duquel il pourrait bâtir une initiative de règlement de la crise politique libanaise, mais l’homme qui s’est distingué par un discours coup-de-poing à l’égard de la classe politique libanaise, ne manquerait pas de rappeler, de nouveau, aux hommes politiques libanais, leurs obligations premières: celles d’être à l’écoute des besoins des Libanais.
Car le tandem Amal-Hezbollah ne semble pas encore prêt à renoncer à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, ni à être ouvert à une proposition qui inclurait un troisième nom (l’ancien ministre Jihad Azour étant le candidat de l’opposition), selon des sources au courant des orientations des deux formations.
C’est à se demander comment l’ancien ministre français des Affaires étrangères a pu aborder le sujet mercredi soir. A-t-il un nom consensuel à proposer ou bien il est au Liban uniquement pour écouter et assimiler les différents points de vue?
Les entretiens
L’envoyé français devrait rencontrer le Premier ministre sortant, Najib Mikati, jeudi matin, les chefs des Forces libanaises, Samir Geagea, et du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, ainsi que le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï.
Selon un planning non officiel, M. Le Drian doit réunir autour d’un déjeuner vendredi à la Résidence des Pins certains députés de l’opposition et du changement. Il aurait aussi convié, le même jour, mais à une autre rencontre, les ambassadeurs des cinq pays ayant participé à la réunion sur le Liban qui a eu lieu à Paris le 6 février dernier. Il s’agit des États-Unis, de l’Arabie saoudite, du Qatar et de l’Égypte.
M. Le Drian devrait pendant sa visite exploratoire prendre en considération les résultats de la dernière session électorale qui a abouti à un résultat de 51 voix pour Sleiman Frangié et 59 votes pour Jihad Azour, résultat qui démontre que le candidat Frangié qui était pressenti comme favori de la France ne jouit pas de la "couverture chrétienne" nécessaire à son élection. D’un autre côté, le nombre de voix recueillies par M. Frangié, candidat du tandem Amal-Hezbollah, ne permettent pas de l’éliminer de la "sélection française".
La carte saoudienne
Au cours de la réunion du 16 juin à Paris entre le président français et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salman, le Liban a été évoqué dans le communiqué final. Les deux dirigeants ont appelé à mettre un terme rapidement à la vacance politique au pays du Cèdre.
Officiellement, l’Arabie saoudite adopte une position de neutralité par rapport au dossier libanais, mais concrètement, c’est son opposition à l’option Frangié qui a court-circuité l’initiative française. Celle-ci, rappelle-t-on, portait sur l’élection de M. Frangié à la présidence de la République et la nomination de l’ambassadeur Nawaf Salam, proche du 14 Mars, à la présidence du Conseil.
Selon des sources diplomatiques, l’ambassadeur saoudien au Liban, Walid Boukhari, prévoit d’accueillir jeudi autour d’un dîner les ambassadeurs de pays arabes et européens, mais aussi l’ambassadeur d’Iran au Liban, Mojtaba Amani. M. Le Drian y aurait été convié. Cette rencontre constituera-t-elle les prémices d’une nouvelle donne sur le plan de la présidentielle libanaise?
*Source : Ici Beyrouth