Le colonel Sayad Khodaei, 50 ans, a été assassiné dimanche devant son domicile dans une rue résidentielle de Téhéran lorsque deux hommes armés à moto se sont approchés de sa voiture et ont tiré cinq balles dans sa direction. L'Iran a pointé du doigt le régime sioniste de Tel-Aviv pour ce meurtre, qui porte la marque d'autres assassinats ciblés d'Iraniens par Israël dans une guerre de l'ombre menée par l’entité sioniste avec des actes de sabotage, du terrorisme et des meurtres ciblés, qui se déroule depuis des années - Photo : IRNA
Par Adnan Abu Amer (revue de presse: Chronique de Palestine – 1/6/22)*
Bien que l’agence d’espionnage israélienne du Mossad n’ait pas reconnu sa responsabilité dans l’assassinat de Hassan Sayyad Khodaei, un colonel du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien, le meurtre a été largement couvert par les médias israéliens.
Cela a donné la nette impression qu’il s’agissait bien d’une opération israélienne, mais sans qu’Israël en assume la responsabilité directe. Une telle approche est courante avec les services de sécurité israéliens, et sur de nombreux fronts.
Si les rapports de l’Iran sont exacts, il est clair que le Mossad opère non seulement contre le CGRI et sa force Al-Qods en Syrie, mais aussi en plein jour au cœur de l’Iran.
L’assassinat de Khodaei est survenu quelques mois après la destruction d’une base de fabrication de drones dans la province de Kermanshah, dans l’est de l’Iran. Il semble qu’Israël ait réglé ses comptes avec Khodaei, qui a apparemment planifié une série d’attaques contre des cibles israéliennes, y compris un consulat israélien en Turquie.
La liste des accusations du Mossad contre Khodaei est longue. Ses prétendues attaques planifiées contre des cibles israéliennes et juives auraient été déjouées à la dernière minute à Chypre, en Colombie, au Kenya et en Turquie, tout comme les tentatives de piéger des hauts responsables israéliens dans des situations compromettantes.
L’assassinat de Khodaei fait suite à l’assassinat du commandant de la Force Quds, le général Qasem Soleimani, à l’aéroport de Bagdad, et du scientifique nucléaire Mohsen Fakhrizadeh, qui a été tué au cœur de la capitale iranienne alors qu’il était dans sa voiture.
Bien que l’administration du président américain Joe Biden ait clairement fait savoir à Israël qu’elle n’accepterait pas de tels meurtres tant que des pourparlers avec l’Iran sont en cours sur un nouvel accord nucléaire, il est clair qu’Israël poursuit malgré tout ses objectifs.
S’il s’avère qu’Israël est effectivement responsable du meurtre de Khodaei, cela signifierait qu’il change sa stratégie envers l’Iran. Ainsi, Israël ciblerait des individus clés plutôt que les mandataires régionaux de l’Iran, ce qui augmente l’intensité de la guerre de l’ombre entre Tel-Aviv et Téhéran.
La nature des assassinats de ce type nécessite qu’une grande attention soit portée aux détails pour s’assurer que ceux qui les commettent sont en sécurité et pour réduire la possibilité qu’ils permettent de remonter à la partie qui les a chargés des opérations.
Vidéo montrant les missiles iraniens percutant les hangars de maintenance des avions et d’autres installations de la base américaine al-Asad en Irak, dégageant des volutes de fumée noire dans le ciel. Les images ont été prises par un drone américain qui survolait la base aérienne lors de son bombardement.
Ce dernier meurtre a nécessité des renseignements précis en Iran. Le dossier de Khodaei aurait inclus des détails personnels, ses habitudes, ses lieux de résidence et de travail, et l’étendue de sa participation à des actions hostiles.
Les assassinats nécessitent l’autorisation du Mossad et du système de sécurité israélien, jusqu’au sommet de la direction politique. Le moment choisi est très important et tient compte des circonstances politiques qui prévalent.
Khodaei n’était pas lié au programme nucléaire iranien. Il faisait partie de la Force Quds, qui est responsable de l’activité militaire de l’Iran dans la région. Il est probable qu’il ait participé à la fourniture d’armes au Hezbollah libanais et aux milices iraniennes en Syrie, et à des tentatives d’établir une présence iranienne à la frontière syrienne avec Israël.
Son assassinat pourrait être un coup dur aux effets immédiats pour la Force Qods et exercer une pression directe sur les dirigeants du CGRI.
Même si le Mossad n’a pas avoué sa responsabilité dans le meurtre de Khodaei, les ainsi-nommées Forces de défense israéliennes se sont mises en état d’alerte maximale en prévision de la possibilité d’une réplique iranienne sur un front encore inconnu.
Un certain nombre de points chauds autour d’Israël pourraient exploser à tout moment.
L’Iran doit se demander s’il doit répondre ou non à l’assassinat, peut-être par une frappe préventive pour contrecarrer toute agression israélienne possible.
Les Israéliens pensent que l’assassinat de Khodaei réduira les capacités opérationnelles de l’Iran, mais savent qu’il existe encore une possibilité de vengeance contre l’État d’occupation qui pourrait révéler les faiblesses du renseignement et de l’armée d’Israël.
Néanmoins, l’Iran pourrait avoir du mal à remplacer les vastes connaissances, l’expérience et les relations de Khodaei.
C’est bien sûr la raison pour laquelle Israël mène de telles opérations. Il veut reléguer l’Iran face à un fossé en matière de sécurité et de renseignement difficile à combler. Cet écart se creuse avec les attentats au cœur même de Téhéran.
Cela ne signifie pas que l’Iran cessera d’agir contre Israël, mais il doit se demander combien d’efforts seront nécessaires pour riposter et s’il peut prendre plus de risques. Il sera important pour Israël de contrecarrer les efforts de l’Iran tout en identifiant ses propres faiblesses en matière de sécurité.
Les milieux militaires et sécuritaires israéliens pensent que l’Iran répondra aux assassinats de Khodaei et Fakhrizadeh par des attaques à l’extérieur de l’État d’occupation.
L’Iran l’a fait dans le passé, mais en a payé le prix fort, car aucun pays n’est prêt à permettre que de telles attaques se produisent sur son propre territoire.
Téhéran ripostera probablement par une attaque qui ne sera pas lancée directement depuis l’Iran, et en attendant, des mesures de sécurité très strictes seront mises en place autour des cibles potentielles, notamment les officiers de rang inférieur, car ils ne se sentent pas plus en sécurité en Iran qu’en Syrie.
Cela obligera l’Iran à consacrer à la sécurité intérieure du temps et des ressources qui pourraient être mieux exploitées ailleurs.
En étant menacé à l’intérieur de ses propres frontières, Téhéran est place dans une situation délicate devant ses propres citoyens. Et en définitive, l’assassinat de Khodaei rend plus probable une guerre israélo-iranienne.
Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël. Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe.
Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
Source et Traduction : Chronique de Palestine
Version originale : 30 mai 2022 – Middle East Monitor