Par Ihsen Fekih (revue de presse : Agence Anadolu –Analyse - 13/11/21)*
L’émissaire des Nations Unies a échoué à convaincre l’Iran d’intervenir pour exercer des pressions sur le groupe houthi afin de l’amener à stopper sa progression au plan militaire dans la province de Ma’rib, centre de la richesse pétrolière du pays et ultime bastion du gouvernement légal dans le nord
L’Arabie Saoudite craint que la chute de M’arib ne génère un accroissement de l’appui iranien aux Houthis après des informations sur l’arrêt des négociations ente Riyad et Téhéran, concomitamment avec l’avancée des Houthis et l’improbabilité que ces derniers acceptent la médiation onusienne pour mettre fin aux combats
Le contrôle de Ma’rib par les Houthis pourrait aboutir à l’effondrement du gouvernement légal, internationalement reconnu, et à la soumission de l’Arabie Saoudite et de la Communauté internationale au diktat et aux conditions des Houthis avant de s’engager dans d’éventuels pourparlers de paix
Après avoir pris conscience de son incapacité à trancher militairement un conflit qui dure depuis plusieurs années, l’Arabie Saoudite a lancé, unilatéralement, plusieurs initiatives pour un cessez-le-feu, en plus des appels pour engager des pourparlers avec les Houthis
Toutefois, les Houthis qui sont appuyés par l’Iran, s’acharnent à rejeter l’ensemble de ces initiatives en engageant généralement une escalade militaire à travers le tir de missiles balistiques et de drones piégés contre des objectifs situés aussi bien sur le sol yéménite que dans le territoire saoudien.
Le 10 juin 2021, Riyad avait annoncé la suspension de ses attaques contre les positions houthies dans la capitale Sanaa (Nord) ainsi que dans les autres villes du pays, en prélude à un règlement politique, concomitamment avec l’intensification par le groupe de ses attaques contre les forces armées gouvernementales, appuyées par la Coalition arabe qui est conduite par l’Arabie Saoudite.
Le jour même où l’Arabie Saoudite avait lancé unilatéralement cette initiative, les Houthis ont tiré des missiles qui ont ciblé une mosquée et un établissement pénitentiaire pour femmes, faisant huit morts et 27 blessés, tous des civils.
Selon des Rapports des Nations Unies, le conflit au Yémen a fait plus de quatre millions de déplacés depuis 2014, de même que prés des deux-tiers de la population, soit plus de 20 millions de personnes, comptent afin d’assurer leur survie sur les aides humanitaires d’urgence, et cinq millions d’entre eux souffrent de famine.
De plus, la guerre a fait 13 mille morts et 112 mille blessés parmi les civils qui, selon des organisations des droits de l’Homme, ne sont point des protagonistes du conflit.
Les Nations Unies ont tenté, via leur ancien émissaire pour le Yémen, Martin Griffith, et en coordination avec l’envoyé américain, Tim Lenderking, de négocier avec les Houthis afin de parvenir à un accord de paix global.
Les Houthis avaient, de leur côté, conditionnée l’acceptation de dialoguer avec le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, la réouverture de l’aéroport de San’aa et du port d’al-Hudaidah, situé sur les rivages de la mer Rouge (ouest).
Pour sa part, l’Arabie Saoudite rejette de pareilles conditions parce qu’elles ouvriraient, selon elle, la porte à l’Iran pour soutenir les Houthis et causer davantage d’attaques contre des aéroports et des sources d’énergie ainsi que des stations de dessalement d’eau et d’autres objectifs névralgiques et sensibles dans la profondeur saoudienne.
Après l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, au début de l’année, les Etats-Unis ont suspendu, sin die, la vente d’armes et des munitions à haute précision à l’Arabie Saoudite mais ont approuvé, le 4 novembre courant, l’acquisition par Riyad d’armes d’une valeur de 650 millions de dollars.
Cet assouplissement et cette approbation sont intervenus après l’intensification des attaques contre le territoire saoudien, d’autant plus que cette vente est adaptée à l’engagement pris l’Administration de Biden d’œuvrer diplomatiquement à mettre un terme à la guerre, tout en garantissant l’approvisionnement de l’Arabie Saoudite en équipements nécessaires pour se défendre, selon des déclarations du Secrétaire d’Etat américain.
La province de Ma’rib (centre) est le dernier bastion du gouvernement dans le nord du pays et le centre de la richesse pétrolière d’un pays, en proie à un conflit fratricide depuis que les Houthis s’étaient emparés, en septembre 2014, de la capitale San’aa, ainsi que d’autres villes et provinces du nord et du sud, avant l’intervention de la Coalition arabe en mars 2015. Depuis cette intervention militaire, les Houthis se sont retirés de plusieurs zones contrôlées auparavant.
Depuis près d’une année et demi, le groupe houthi a engagé une offensive militaire en direction de la ville de Ma’rib, chef-lieu de la province éponyme, pour assiéger la ville après avoir pris le contrôle de la majorité des districts relevant de la province.
Les Houthis ont lancé des centaines de raids et d’attaques sur plusieurs axes contre la ville de Ma’rib, mais qui ont tout échoué à cause de la résistance des unités gouvernementales et des combattants des rebelles qui ont renforcé leurs fortifications autour de la ville pour en empêcher la chute.
Les Nations Unies s’emploient à rattraper les retombés de l’escalade à Ma’rib, en dépêchant leur actuel émissaire spécial pour le Yémen à Téhéran. En effet, Hans Grundberg s’est rendu dans la capitale iranienne, où il s’est entretenu avec les hauts responsables de ce pays dans une tentative de mettre fin au conflit au Yémen.
Il s’agit, selon le porte-parole du gouvernement yéménite, d’une mission dont les chances de succès sont entamées et font toujours l’objet de doutes.
Citant des sources autorisées, des médias iraniens ont rapporté que Hans Grundberg a échoué à convaincre les responsables iraniens à exercer des pressions sur les Houthis pour stopper leur progression en direction de Ma’rib. Les Iraniens ont rétorqué au médiateur onusien que les Houthis sont maîtres de leur décision et que la route de la paix passe inéluctablement par la levée du blocus imposé au Yémen (par la Coalition arabe).
Le front hostile aux Houthis est toujours scindé et divisé à cause d’une concurrence sur l’influence dans les zones, et pour n’être pas parvenu à une vision unifiée quant à l’avenir du Yémen, parallèlement à la multiplicité des loyautés.
Cette situation affaiblit forcément la capacité des forces qui défendent Ma’rib à résister pour une plus longue période, bien que le groupe houthi progresse lentement sur le terrain. En revanche, il convient de relever qu’il est vraiment rare de voir les Houthis perdre des zones déjà contrôlées tout en parvenant à les récupérer à nouveau.
L’Arabie Saoudite craint que la chute de M’arib ne génère un accroissement de l’appui iranien aux Houthis après des informations sur l’arrêt des négociations ente Riyad et Téhéran concomitamment avec l’avancée des Houthis et l’improbabilité que ces derniers n’acceptent la médiation onusienne pour mettre fin à la guerre.
Selon plusieurs médias, le groupe houthi a refusé de stopper sa progression en direction de Ma’rib, une requête formulée dans le cadre d’une médiation du ministre des Affaires étrangères du Sultanat d’Oman, Badr Albusaidi en septembre dernier. Il convient de noter que le chef de la diplomatie omanaise s’est, tout en démentant ces informations, dit convaincu quant à la possibilité de stopper la guerre et d’impulser le processus politique, en coordination avec les émissaires américain et onusien.
A l’opposé, le groupe houthi a multiplié ses attaques en recourant aux missiles et aux drones piégés qui ont ciblé des villes yéménites et saoudiennes, parallèlement à la poursuite de leurs opérations militaires à Ma’rib.
Cela confirme à la Communauté internationale, selon un communiqué posté, le 4 novembre courant, par l’ambassadeur saoudien au Yémen, Mohamed al-Jaber, sur Twitter que « les Houthis sont les seuls qui s’opposent aux efforts de la paix et de stopper l’effusion de sang, Ils assassinent les civils délibérément en les ciblant par les missiles et les drones de fabrication iranienne, dans leurs maisons et mosquées, voire leurs camps auxquels ils se sont réfugiés pour fuir le despotisme et l’injustice des milices houthies ».
Les Houthis s’emploient à exploiter les failles et les faiblesses du rendement des forces gouvernementales pour progresser militairement sur le terrain, avant d’accepter d’adhérer à des négociations souhaitées par Riyad, que ce soit par le truchement du médiateur onusien ou américain ou via des rounds de négociations accueillis par l’Irak avec des responsables iraniens au cours des mois écoulés.
La prise de contrôle par les Houthis de la ville de Ma’rib, un des principaux centres pétrolier et gazier au Yémen, constituera le début d’un changement majeur dans le conflit. En effet, la chute du dernier bastion des forces légales dans le nord rendra « quasiment impossible » la défaite des Houthis et la reprise de San’aa, un objectif de la Coalition arabe, parallèlement aux éventuelles expansions houthies en direction du sud et de l’est.
Il est attendu que si le siège imposé par les Houthis de la ville de Ma’rib se poursuivrait encore de longues semaines durant, cela aboutirait à la chute de la ville, et partant à l’effondrement du gouvernement légal, internationalement reconnu, et à la soumission de l’Arabie Saoudite et de la Communauté internationale au diktat et aux conditions du groupe houthi avant de s’engager dans d’éventuelles pourparlers de paix entre les protagonistes du conflit.
*Source : Agence Anadolu