Par la rédaction de Telquel (revue de presse - éditorial - 4/6/21)*
Lire Abdallah Laroui et se remémorer. En 1975, l’intellectuel marocain publiait une série d’articles regroupés dans une œuvre intitulée L’Algérie et le Sahara marocain, publiée par son éditeur attitré. Une simple lecture des textes de Laroui permet de constater que la situation n’a que très peu changé lorsqu’il s’agit d’évoquer certains acteurs clés du conflit du Sahara. L’historien affirmait que le but de l’Espagne, avec le soutien de l’Algérie, était de promouvoir un groupe de militants capables de promouvoir les intérêts des deux voisins du Maroc au Sahara.
En 2021, la situation est légèrement différente. Pour l’Espagne, le Maroc n’est plus l’“adversaire principal” qui a longtemps menacé ses intérêts de l’autre côté de la Méditerranée. Mais la connivence avec Alger est toujours là. En témoigne le séjour dans des conditions “occultes” de Brahim Ghali sur le territoire espagnol. Touché par le Covid-19, le leader du mouvement séparatiste financé et propulsé par Alger a pu bénéficier d’une “aide humanitaire” accordée par le gouvernement de Pedro Sanchez.
Une déclinaison du tourisme médical à laquelle le Maroc n’a que très peu goûté. Sans doute parce que pour le royaume, cette entente entre Alger et Madrid rappelle une période difficile pour notre pays. Une période durant laquelle le Maroc, miné par l’adversité et le jeu des puissances, a pu difficilement achever sa construction nationale post-indépendance
En 1975, Laroui décrivait également une Algérie soucieuse de maintenir le statu quo au Sahara, tout en essayant d’obtenir l’accès à une façade atlantique dont le voisin de l’est est privé. En 2021, la situation est toujours la même. L’inertie reste de mise au Sahara et le dossier est discuté chaque année dans les couloirs des Nations Unies ainsi que de nombreuses organisations internationales. La guerre entre le Maroc et le Polisario n’a rien changé, tout comme le cessez-le-feu placé sous les auspices onusiens. Alors qu’auparavant Alger feignait d’ignorer la problématique du Sahara, il en est devenu l’un des principaux acteurs à la faveur d’une inversion de rôle avec l’Espagne.
Craignant que l’axe Madrid-Alger ne se forme à nouveau, le Maroc se sait à la croisée des chemins. Pas moins qu’en 1975, le royaume cherche à faire valoir la défense de l’alpha et l’oméga de sa diplomatie: la souveraineté marocaine sur son Sahara. Officiellement, le pays n’a pas renoncé à ses anciens combats pour la récupération de ses territoires d’antan, Sebta et Melilia.
Malgré des acquis dans le dossier du Sahara, le Maroc n’a toujours pas su se débarrasser du traumatisme d’une relation Madrid-Alger qui a mis à mal sa construction nationale. Peut-être que le nouvel épisode de crise que le royaume vit avec l’Espagne pourrait être le déclencheur d’une inversion, en faveur du Maroc, du rapport de force régional qui prévalait au lendemain de l’indépendance du pays.
*Source : Telquel (Maroc)