Mohamed Boudiaf, président du HCE (Haut Comité d'Etat)
Par Nacer Boudiaf (revue de presse : TSA – 23/6/19)*
Ce dimanche 23 juin 2019, les Algériennes et les Algériens, qui sont fiers de leur algérianité, vont célébrer le centenaire de Mohamed Boudiaf, celui qui a été assassiné pour avoir dit : l’ennemi d’hier est l’ennemi d’aujourd’hui.
En cette symbolique occasion, j’invite la jeunesse, toute la jeunesse algérienne à imaginer avec moi ce qu’il nous aurait dit.
- Protéger les hirak en restant unis
Restons unis, nous aurait-il dit, pour mieux reprendre nos droits spoliés depuis l’indépendance confisquée en 1962. Le glorieux hirak, entamé le 22 février dernier, n’est autre que la continuité de la Révolution du 1er Novembre 1954, dont Boudiaf était l’un des principaux architectes.
Ainsi, visionnaire qu’’il était, il avait prédit le hirak, en écrivant, dans son livre Où va l’Algérie: «Le bouillonnement qui agite les masses algériennes prendra forme, acquerra un sens politique et donnera naissance à un mouvement puissant que n’arrêteront ni les menaces ni la répression..»… car « d’un côté il y a le système et tous les profiteurs, de l’autre les masses trompées dont la patience est à bout. Cette coupure irrémédiable ne permet plus la moindre hésitation devant le choix du parti à prendre…. J’émets le vœu que cette compréhension commune nous amènera à un travail révolutionnaire commun : à savoir que la seule possibilité de changements est liée à une action des masses à partir de la base, s’opposant à l’Etat et imposant une nouvelle forme d’Etat… » Restons unis et construisons ensemble l’Etat dont nous rêvons pour nos enfants et nos petits-enfants.
- Réfléchissez à une sortie de crise
Installation d’une Assemblée constituante. Les avocats et les enseignants universitaires de chaque wilaya devraient se réunir officiellement auprès d’un magistrat, d’un notaire ou alors auprès d’un avocat de leur choix, afin d’organiser une élection par laquelle l’élu sera le représentant de la wilaya l’Assemblée constituante. Une fois que toutes les wilayas aient élu leurs représentants à l’Assemblée constituante, celle-ci est installée de juré à la place du Parlement, conformément à l’article 7 de la Constitution, à savoir que : « Le peuple est la source de tout pouvoir ». Elle proposera au peuple un projet d’une nouvelle Constitution, annonçant la deuxième République.
- Une loi sur les partis
Les responsables actuels du FLN restitueront ce sigle glorieux au peuple. S’ils sont soutenus par le peuple, ils n’auront aucun problème à revenir sur la scène politique sous les sigles de leurs propres partis. Ainsi, le peuple devrait soutenir le Secrétaire général par intérim de l’Organisation nationale des moudjahidin, qui vient d’appeler à la restitution du FLN au peuple. Une commission composée de juristes et d’universitaires sera chargée de proposer un projet d’une nouvelle loi sur les partis qui sera examinée par l’Assemblée constituante.
- Ne pas se tromper de cible
La présentation d’anciens Premiers ministres, de ministres et d’hommes d’affaires notoirement véreux à la justice, ne doit pas faire oublier au peuple que la cible réelle est le système qui a installé ces personnes au sommet du pouvoir. La démarche de les présenter à la justice est fort louable mais pas suffisante. Aller à l’origine du mal hérité de l’indépendance confisquée est la réelle solution du présent et du futur.
Faut-il faire appel à ce passage de son livre Où va l’Algérie, pour bien fixer les esprits. En effet, Boudiaf écrivait : « La vérité est ailleurs : il s’agit d’’une basse vengeance personnelle, inspirée par leur panique devant la montée du mécontentement populaire. Le pouvoir, pour tenter de se tirer de cette situation malaisée, n’a pas trouvé mieux que de se recourir aux procédés éculés…
A la différence que pour cette fois-ci, en 2019, les inculpés ont commis des méfaits notoires contre le peuple et pour lesquels, ils doivent répondre devant la justice.
- Ne pas commettre les mêmes erreurs que le passé
Toujours dans son livre Où va l’Algérie, il a écrit : «…Car en recouvrant son indépendance, elle (l’Algérie) n’avait à son service ni équipe révolutionnaire résolue, ni programme défini, ni voie d’édification claire. Les véritables Révolutions sont un phénomène de dépassement continuel soumis à une accélération dans le sens du progrès, de la justice, de la rigueur idéologique et la formations des cadres. Est-ce le cas dans notre pays ? Il faut le dire bien net : il n’y a plus de révolution en Algérie. Depuis la crise de juillet et août 1962, tout a été perverti au point que nous nous trouvons, depuis quelques temps, devant ce spectacle effarant d’un faux Parti, d’une fausse armée, d’un gouvernement hétéroclite soumis à l’influence d’un homme, de faux syndicats, de l’éparpillement des forces saines… ».
Ainsi, s’il était encore parmi nous, Boudiaf nous aurait certainement recommandé de ne pas commettre les mêmes erreurs de l’été 1962, dont les séquelles sont ressenties notamment après les vingt ans au pouvoir de Bouteflika. Du hirak doit émerger un programme, des femmes et des hommes dont l’objectif sera de barrer la route à ceux qui veulent garder le peuple sous tutelle.
- Trier le bon grain de l’ivraie
Toujours dans son livre testament Où va l’Algérie, l’homme de Novembre, relevait : « S’il fallait à chaque fois faire un recul dans le temps pour parler de beaucoup de gens actuellement haut placés, combien de choses intéressantes ne découvrirait-on pas dans leur passé. A quelques mois seulement du déclenchement du 1er Novembre, nombre de ces gens étaient loin de concevoir, encore moins d’admettre l’éventualité d’une action directe contre le colonialisme. Aujourd’hui, ce sont ces mêmes gens qui d’une façon hautaine, décident, et régentent la révolution, en changeant de cap et d’équipage au gré moelleux des vents de la facilité et de l’insouciance. »
En effet, il y a à peine quelques semaines, beaucoup de gens au centre de décision du sommet de l’Etat, étaient loin de concevoir voire d’admettre que la moitié de la population algérienne descendrait dans la rue sans casser un simple verre, pour chasser un président collé à son fauteuil durant vingt ans, un Premier ministre, plusieurs fois appelé à ce poste comme s’il n’y avait que lui en Algérie, et présenter devant la justice certains de ceux qui se considéraient intouchables par la volonté de Dieu et la volonté des hommes. Cependant, il ne faut pas oublier que pour ne pas commettre les mêmes erreurs du passé, il faudra barrer la route à ceux qui veulent créer une ambiance d’amnésie.
- L’Universalité du hirak
Pour Boudiaf, répondant à Harbi, dans Où va l’Algérie, il lui rappelait que « les Révolutions sont des phénomènes universels, qui dans leur essence excluent le sectarisme, le chauvinisme et la xénophobie… N’aurait-il pas été plus juste, plus vrai de dire, si nous étions de véritables révolutionnaires, que tous les hommes, quelle que soit leur origine ou la couleur de leur peau, pourvu qu’ils soient honnêtes et sincères, ont leur place parmi nous en Algérie, ou ailleurs, là où une révolution est à faire. Et chez nous, elle est à faire. »
Effectivement, le hirak est une révolution universelle. Elle commence à inspirer et va inspirer beaucoup de peuples exactement comme l’a fait la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954. De ce fait, il n’y a pas de place pour le chauvinisme, l’exclusion ou la xénophobie. Tous unis contre ceux qui ont empêché l’Algérie de se placer sur le podium des premières nations du monde.
Dieu m’en est témoin.
Gloire à nos Martyres.
Nacer Boudiaf est le fils du président Mohamed Boudiaf assassiné à Annaba le 29 juin 1992.
*Source : TSA (Tout sur l’Algérie)
Censure : Le site d’information indépendant TSA (Tout sur l'Algérie) est inaccessible sur le territoire algérien.
Nota : Nacer Boudiaf est le fils du président Mohamed Boudiaf, assassiné à Annaba le 29 juin 1992.
Pour lui et pour son frère, le meurtre a été commandité par le général Toufik, l’ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar et le général Smaïn Lamari, ancien chef du contre-espionnage.
Nacer Boudiaf a demandé à Gaïd Salah, chef d'Etat-major, de rouvrir une enquête sur l'assassinat de son père.