Par Ramzy Baroud (revue de presse : Chronique de Palestine -11/1/19)*
Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, a réagi en qualifiant les appels en faveur d’élections anticipées en novembre « d’erreur historique ». Quelques semaines plus tard, il a annoncé avec une confiance théâtrale la certitude « unanime » de sa coalition d’extrême-droite que des élections anticipées devaient avoir lieu en avril prochain.
Alors pourquoi un tel engouement ?
Netanyahu n’a certainement rien d’un dirigeant exceptionnel, mais ce qui est sûr, c’est qu’il est un politicien rusé. Le fait qu’il se prépare pour un cinquième mandat à la tête de la scène politique israélienne en lambeaux en dit long sur sa capacité à survivre malgré de nombreux obstacles.
Mais tout ne tient pas à Netanyahu et à son esprit retors. La politique israélienne est vraiment morne. La « gauche », si elle a jamais mérité une telle appellation, est marginale, voire totalement hors de propos. Le « centre » n’a ni identité politique réelle ni discours un minimum cohérent concernant, par exemple, la politiqdu minuscule territoireue étrangère ou une véritable vision de la paix et de la coexistence. La droite, qui caractérise désormais la société israélienne dans son ensemble, s’est encore déplacée vers l’aile la plus extrême et est saturée de zèle religieux, d’ultra-nationalisme, tandis que certaines de ses composantes flirtent ouvertement avec le fascisme.
Aussi étrange que cela puisse paraître – avec le ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, du ministre de la Justice, Ayelet Shaked, et du ministre de la Défense récemment démissionnaire, Avigdor Lieberman – Netanyahu n’est pas le plus fascisant.
En effet, selon la politique orwellienne d’Israël, rien n’est ce qu’il semble être.
Netanyahu paie maintenant le prix de son excès de confiance. Le monstre d’extrême-droite qu’il a créé avec tant de diligence pour anéantir ses ennemis est devenue si puissant et si erratique que le Premier ministre lui-même ne peut plus contrôler ses effets politiques.
Le dirigeant israélien, jadis incontesté, s’est trop accoutumé au pouvoir. Sa famille aussi est devenue trop habituée à la belle vie. Son épouse est actuellement en procès pour corruption et utilisation abusive de fonds publics.
Début décembre, la police a recommandé – pour la troisième fois – que Netanyahu soit inculpé de fraude, d’acceptation de pots-de-vin et d’abus de confiance. Entre son implication directe dans la débauche de corruption que son bureau a endossé et les relations nauséabondes de son propre cercle de condu minuscule territoireseillers et de profiteurs, le dirigeant israélien n’est plus intouchable.
Le sentiment de sécurité de Netanyahu a toujours été renforcé par sa bonne place dans les sondages d’opinion.
Même maintenant, son score est encore relativement élevé. Son parti, le Likoud, arriverait tout de même en tête dans une élection – 30 sièges sur les 120 de la Knesset – si le vote devait avoir lieu aujourd’hui.
En fait, c’est précisément pour cette raison que Netanyahu a fait ce virage à angle droit et a cédé à la pression croissante de Bennett, parmi d’autres dirigeants mécontents.
Ses mains sont liées en Syrie, en raison du puissant rejet par la Russie du bombardement incessant d’Israël sur ce pays déchiré par la guerre. Ses initiatives agressives sur Gaza sont à présent limitées en raison de l’attaque ratée du 11 novembre contre la bande de Gaza assiégée.
Gaza était un lieu où les politiciens israéliens pouvaient librement « rouler des mécaniques », punir la population du minuscule territoire sous blocus, soit par une guerre répétée, soit par un bombardemdu minuscule territoireent de routine.
Mais Netanyahu a également échoué sur ce front de Gaza, où la résistance a récemment repoussé une attaque de commando israélien et contraint le gouvernement israélien à une trêve parrainée par l’Égypte.
Quarante-huit heures plus tard à peine, Lieberman a démissionné en signe de protestation, contribuant encore davantage à la stigmatisation croissante des responsables israéliens de tous les partis, selon laquelle leur chef est « faible » et a été « vaincu » par le Hamas.
Pourtant, sa coalition a survécu, mais pas pour longtemps. Une très faible majorité tenant à un seul membre de la Knesset a maintenu au pouvoir la coalition autrefois plus forte. Bennett et d’autres ont soudainement eu la clé de la survie de la coalition dirigée par le Likoud et du destin politique de Netanyahu.
Aussi, Netanyahu a opté pour des élections anticipées, dans l’espoir d’une victoire facile et d’une nouvelle coalition de droite où il disposerait d’une plus grande latitude et d’un respect accru.
Comme les partis du centre et de la dite gauche ont déjà fait leurs preuves, Netanyahu compte maintenant sur leur incapacité largement établie à mobiliser la société israélienne.
Les élections auront lieu le 9 avril, comme annoncé le 24 décembre par le président de la Knesset, Yuli-Yoel Edelstein, soit près de huit mois avant la date prévue.
Compte tenu des soucis croissants de Netanyahou, huit mois seraient trop longs pour garantir son éligibilité. En fait, la plupart des Israéliens le considèrent déjà comme un dirigeant corrompu.
Selon les mêmes calculs, des élections anticipées en avril ne représentent pas un délai suffisamment long pour permettre à un candidat fort, officiellement issu ni de droite ni de l’épave politique du centre et de la gauche, de finalement détrôner le roi d’Israël.
Cependant, cela aussi pourrait être un vœu pieux.
Quelques jours après l’annonce d’Edelstein, Bennett et Shaked ont annoncé la formation de leur nouveau parti. Les dirigeants du Foyer juif (ultra-droite sioniste) sont désormais les dirigeants de la « nouvelle droite ». Bien que cela soit considéré comme un défi majeur pour Netanyahu à l’intérieur de son camp politique, il constitue également un signe avant-coureur de la fragmentation de la droite elle-même.
Mais ce n’est pas tout. Un autre Benjamin – Benjamin « Benny » Gantz – espère changer complètement le paradigme politique israélien.
L’ex-général a participé à plusieurs guerres contre Gaza, sur le front israélo-syrien et était le 20e chef d’état-major du pays.
Dans un environnement politique aussi flou, donc non verrouillé, et avec un bilan aussi sanglant à son actif, il sera difficile pour Netanyahu de contrebalancer la réputation de Gantz parmi les Israéliens. En Israël, « tuer les Arabes » est toujours attractif dans les urnes.
Bien que le militaire devenu homme politique soit perçu comme un centre-gauche, il veut clairement faire table rase de ce qui a précédé. Le 27 décembre, Gantz a lancé son propre parti politique : Hosen Yisrael [la résilience d’Israël].
Avec peu, voire aucune campagne politique, le nouveau parti gagnerait 15 sièges à la Knesset si des élections avaient lieu aujourd’hui.
Cela en dit long sur le manque de confiance des Israéliens dans les dirigeants actuels du centre-gauche, mais aussi sur le sérieux défi auquel la droite dans tous ses aspects, devrait s’attendre si la roue continue de tourner.
Pour le moment, la stratégie de Netanyahu est susceptible de viser à obtenir le plus de capital politique possible tout en prenant le moins de risques possible.
Mais alors que ses ennemis gagnent du terrain, que les enquêtes de police en arrivent aux conclusions, que la droite est fractionnée et que l’élection d’un « centriste » devient possible, le survivant Netanyahu pourrait devenir un handicap pour son propre parti, ce qui pourrait enfin provoquer la fin de son mandat et de sa carrière politique.
Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
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Version originale : Politics fot the People
*Source et Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah