Par Nuevo Curso (revue de presse commentée par Les 7 du Québev – 21/11/18)*
L’offensive franco-allemande sur le théâtre européen
«Tout semblait avoir été réglé en mars dernier pour une grande offensive franco-allemande sur le front européen. Mais la révolte multiforme de la petite bourgeoisie allemande et de la rébellion budgétaire italienne – en plus de la guerre commerciale avec les États-Unis ont sérieusement mis en doute la capacité de l’Allemagne à diriger un clan capitaliste européen «indépendant». On peut constater que l’impérialisme allemand est en détresse depuis mars dernier: révolte de la petite bourgeoisie interne, indiscipline de l’Italie, de l’Autriche et de Visegrad contre l’UE et guerre commerciale avec les États-Unis.» Comment comprendre cette rixe entre seigneur et censitaires? NDLR.
L’horreur d’aujourd’hui commémore l’horreur d’il y a un siècle
«Le « Forum de la paix » (sic) du weekend 11 novembre 2018, qui appelle à la fin du « multilatéralisme« , semblait présager un effondrement politique de l’axe franco-allemand et de celui de l’UE frappée à trois reprises par les États-Unis. Comme nous l’expliquions récemment les États-Unis ex-hégémoniques préparent leur repli ordonné vers leur chasse gardée américaine – où ils procèdent à de grands remaniements – fouettant leurs vassaux comme le Brésil, la Colombie, le Canada et le Mexique et agressant les récalcitrants comme le Venezuela, Cuba, Nicaragua, Bolivie, Argentine. NDLR (1)
Est pris qui croyait prendre
Nuevo Curso constate que : «Les tarifs américains ont paradoxalement augmenté, les ventes chinoises aux États-Unis.» Aucun paradoxe en cela, les banquiers avaient anticipé cette réaction mécanique. Quand l’État augmente les taxes douanières sur un produit qu’il ne produit pas, le fournisseur étranger en est quitte pour vendre à prix haussier – les consommateurs locaux paieront davantage pour cette marchandise ou s’en passeront ce qui est souvent impossible (exemples de l’acier et de l’aluminium). L’État taxeur encaisse les bénéfices des tarifs douaniers haussiers qu’il verse aux grandes corporations, négligeant les PME et le petit peuple, ce qui explique la grogne petite-bourgeoise qui s’installe dans les États protectionnistes. La bourgeoisie moyenne américaine est étouffée par les manufacturiers de la côte Est et Ouest; et elle est asphyxiée par les pétroliers, les «chimicals» et les agroalimentaires du «Middle West». Donald Trump n’a pas inventé cette loi de l’économie politique capitaliste, il ne fait que l’appliquer, ce qu’Obama n’a pas eu le courage de faire craignant la grogne populaire. NDLR. (2)
Made in China-USA
«Les Américains achètent les produits chinois dont ils dépendent le plus (composants électroniques, intelligence artificielle…). Non seulement les entreprises chinoises dégagent des liquidités supplémentaires pour financer l’assaut vers de nouveaux marchés, ils vendent même à prix ‘casser’, tandis que le gouvernement chinois aide à dévaluer le Rimimbi, déclenchant ainsi une véritable guerre monétaire. Mais qui encaisse le coup fourré? C’est l’Europe, qui voit son marché « inondé » de produits chinois à prix réduit. Chaque attaque tarifaire américaine contre la Chine entraine l’assaut du marché européen, de produits de plus en plus compétitifs grâce à la guerre des devises. »
Ce qui démontre bien que contrairement aux fadaises des experts ce n’est pas l’Amérique qui est en mode offensif, mais l’Empire du Milieu qui est contrainte de contrattaquer offensivement à chaque coup réactionnaire porté par l’Empire en déclin. L’Europe est l’enjeu au beau milieu du jeu. L’Europe ripostera ou elle sera absorbée par le nouveau dragon venu de l’Est via «Les nouvelles routes de la soie». C’est la riposte européenne que le tandem Merkel-Macron tente de structurer au nom de leur classe sociale à la fois contre l’axe Moscou-Pékin venant de l’Est, et contre l’axe Washington-OTAN venant de l’Ouest. Il semble bien qu’avec la victoire européenne sur le Royaume du Brexit un coup sévère ait été porté aux ambitions américaines en Europe. NDLR.
«Quand les États-Unis disent qu’ils vont abandonner le traité avec la Russie qui visaient à éliminer les missiles nucléaires à moyenne portée, la cible visée c’est l’Europe… parce que les représailles promises par la Russie forceraient l’Union à défrayer une nouvelle course américaine à la bombe létale, ou être menacée par la Russie sans possibilité de défense … ou encore, développer le militarisme paneuropéen à une nouvelle échelle» Notons ici que Nuevo Curso se laisse berner par la propagande du Pentagone. La Russie ne menace pas l’Europe. La Russie riposte aux agressions de l’OTAN via les pays baltes – l’Ukraine – en Biélorussie – en Géorgie et dans le Caucase – en Serbie et dans les Balkans – en Syrie et au Moyen-Orient – au Yémen – au Soudan – en Iran et partout où la nouvelle alliance Pékin-Moscou s’empare des marchés; agressions dans lesquelles l’Union européenne est entrainée par les USA qui sont seuls à en tirer profit. La création d’une armée européenne – ou le «militarisme paneuropéen à une nouvelle échelle» vise à libérer l’Europe de la suzeraineté américaine et non pas à la protéger de la petite économie Russe chétive et de ses sources d’énergie à bas prix que convoitent les Yankees, l’Allemagne et la Chine. NDLR «Lorsque les États-Unis se plaignent des « maigres » dépenses militaires de l’Europe et les poussent à accroitre leurs contributions à l’OTAN, ils savent que c’est ce qui enchainera leurs alliés encore davantage. L’Europe n’a pas la capacité de développer à la fois sa propre armée et d’augmenter sa contribution à l’OTAN en même temps. Ainsi, Macron a immédiatement contrattaqué en prenant l’offensive et en refusant de « payer sa part de l’OTAN ».
C’est au centre de cet imbroglio que Merkel s’est déclarée au Parlement européen «Hier était une date très symbolique pour la comparution de Merkel devant le Parlement européen. Entre autres choses, le délai imparti à la Commission pour modifier ses budgets par l’Italie était sur le point de se terminer et un projet « technique » avait finalement été convenu avec les Britanniques pour le Brexit, comprenant une date de retrait déjà annoncée, Merkel est moins contestée que jamais. Non seulement elle a donné de la stabilité à la grande coalition, mais, à un moment donné, elle s’est même affranchie de son propre parti, plongé dans la bataille pour sa succession. Le programme présenté en un peu plus de vingt minutes nous ramène au point de départ en mars dernier, mais cette fois-ci, avec une décision apparente. « Nous devrions travailler à créer une véritable armée européenne. » L’utilisation du conditionnel et le manque de définition du temps sont significatifs dans la mesure où ils révèlent les difficultés d’un retournement radical de la politique allemande … et la volonté de ne pas accepter la subordination à l’OTAN au point de s’en débarrasser « un jour ».» «La question est de savoir comment on taxe numériquement». C’est-à-dire que l’Allemagne soutiendra l’offensive française contre Google, Amazon et les géants américano-européens de l’Internet en tant que première victime des menaces américaines dans la guerre commerciale. Merkel a donné corps à la perspective d’une armée européenne, c’est-à-dire à la construction d’une indépendance stratégique vis-à-vis des États-Unis, et à l’offensive européenne contre les géants numériques américains.» Cet engagement allemand ne doit pas être pris à la légère car il indique que les préparatifs de guerre sont en cours sur trois fronts parallèles : A) sur le front financier – boursier et monétaire. B) Sur le front commercial qui repose sur le front précédent. C) Enfin, sur le front diplomatique et militaire, 3e front qui repose sur les deux précédents. Notez que le front politique n’est pas un front décisif dans la mesure où il reflète tous ces fronts comme la chancelière l’a déclamé dans son discours sur «l’état de l’Union…européenne». NDLR Opérette à l’italienne : Di Maio-Salvini présente la «Redito de Citadinanza »
Angela entonna : «Tous les problèmes en Europe ne sont pas un problème pour l’Europe bien que « notre monnaie commune ne puisse fonctionner que si chaque membre assume ses responsabilités avec des finances viables chez lui« . Tout le monde sait que l’agonie du Brexit – a plus blessé la Grande-Bretagne que l’UE. (3) Les capitales nationales qui tentent de faire chanter l’euro – à l’instar de l’Italie – n’ont aucune option même pas celle de sortir de la prison monétaire commune. Ils pourront se rebeller et jouer avec les dixièmes, mais s’ils en venaient à remettre en question les piliers de l’architecture allemande du système, ils se suicideraient ce que le Royaume-Uni, qui votera un simulacre de Brexit comme nous l’avions prédit, a fini par comprendre, ne lui reste à décider de quelle façon les Britanniques rentreront dans le rang… allemand. NDLR.
Le marché européen et l’euro, bases de la puissance allemande et des mécanismes automatiques et extractifs du système, ont déjà fusionné les intérêts de toutes les bourgeoisies nationales européennes dans le fondamental: il n’y a pas d’issue possible, ni l’UE ni l’euro ne sont remis en cause dans cette victoire allemande. (4)
Angela était en verve ce jour-là. Sur le continent de l’intolérance et de la guerre perpétuelle, Merkel a déclaré : « La tolérance est l’âme de l’Europe et, par conséquent, une valeur fondamentale indispensable de l’UE. » En d’autres termes, la Pologne et la Hongrie ne sortiront pas indemnes de leurs réformes constitutionnelles simplement parce que la procédure européenne s’est révélée impuissante. L’Allemagne fera sa part pour discipliner Visegrad. C’est une menace sérieuse. Comme nous l’avons vu en Slovaquie, l’Allemagne sait également utiliser et promouvoir les dissensions internes parmi ses rivaux. « L’âme de l’Europe était tendue » et « l’Allemagne ne s’est pas toujours comportée de manière irréprochable ». Mea culpa pour l’unilatéralisme – en particulier dans l’accueil des réfugiés – qui compense par une référence explicite à l’ennemi commun: les États-Unis. Les États-Unis apparaissent de plus en plus comme l’ennemi commun. Pour la Pologne et la Hongrie, la discipline est réservée, pour l‘Italie «la responsabilité» … et la «solidarité» Merkel et Macron ont annoncé le 2 mars qu’elles retarderaient la présentation de leur plan de réforme de l’euro … pour revenir au calendrier initial quelques jours plus tard et enfin le parquer.» «La solidarité fait partie de l’ADN européen». Mais Merkel semble avoir découvert que la « solution grecque » n’est pas contreproductive si elle constitue la seule alternative pour les bourgeoisies nationalistes les plus faibles. Cependant, le grand capital allemand ne peut fonder toute sa stratégie sur ses capacités autoritaires, mais développer des mécanismes de redistribution entre les États, du thème des réfugiés aux politiques sociales.
Mais les recettes de l’État providence pour les riches ont donné ce qu’elles pouvaient livrer. Le temps n’est plus à la charité pour les travailleurs pauvres, même plus pour les lumpens. Le temps est à faire payer les prolétarisés – précarisés – paupérisés. Les soulèvements spontanés comme celui du 17 novembre en France en font foi. NDLR. (5)
«D’ici décembre, nous apporterons des résultats visibles». L’Allemagne semble vouloir faire de son alliance avec la France et de son hégémonie européenne la base d’un bloc antiaméricain. Et cela signifie dans l’Europe « fédératrice » interne: créer un budget – des dépenses publiques – pour les pays de la zone euro ayant un volume suffisant pour compenser une partie des inégalités régionales; une union bancaire permettant d’atténuer l’effondrement financier prédit déjà par la BCE et une assurance-dépôts commune. C’est le programme Macron. L’Allemagne semble vouloir faire de son alliance avec la France et de son hégémonie européenne la base d’un bloc antiaméricain. Et cela signifie dans l’Europe «confédérale» en cours de «fédéralisation» ;
«Angela Merkel a remis le prix Charlemagne à Emmanuel Macron, entouré de la symbolique impériale « européaniste » il est encore trop tôt pour savoir si l’Allemagne a la capacité de réorganiser politiquement l’UE et de la transformer, d’ici la fin du mandat de Merkel, sur la base d’un bloc antiaméricain. Ce qui a été démontré le 14 novembre 2018 marque néanmoins une volonté qui, jusqu’à présent, n’avait jamais été exprimée avec autant de force: affirmer un impérialisme « européen » fondé sur les intérêts communs franco-allemands. La capitale allemande a accepté, après les élections américaines, que Trump soit la « nouvelle norme » des États-Unis et que la perspective mondiale, comme l’avait déjà prévenu Merkel, était la création des conditions d’une généralisation de la guerre. La tentative d’affirmer un impérialisme « européen » fondé sur les intérêts communs franco-allemands est indissociable de la perspective d’un développement généralisé de la guerre. »
Traduit et commenté par Robert Bibeau pour le webmagazine Les 7 du Québec.
*Source : Les 7 du Québec