Par Peter Korzum (revue de presse : Mondialisation.ca – 15/9/18)*
Cet article a pour but de ramener sur le devant de la scène la recherche sur la guerre biologique des États-Unis. Le 11 septembre, des médias russes ont rapporté que le laboratoire du Centre Richard Lugar de recherche en santé publique, une installation de recherche à haut niveau sur le danger des agents biologiques située en Géorgie, près de Tbilissi, avait effectué des expériences biologiques sur des êtres humains.
Présentant ces faits lors d’une conférence de presse à Moscou, l’ancien ministre de la Sécurité d’État géorgien, Igor Giorgadze, a exhorté le président Donald Trump d’ouvrir une enquête. Le ministre a une liste de Géorgiens décédés d’hépatite après avoir suivi un traitement dans l’établissement en 2015 et 2016. Beaucoup sont décédés le même jour. Les documents levés du seau du secret ne contiennent ni la cause des décès ni les vrais noms des victimes. Selon le ministre, ce laboratoire secret dirigé par l’armée étasunienne, a été créé sous le mandat de l’ancien président géorgien Mikheil Saakashvili. Selon Igor Giorgadze, les virus pourraient se propager dans les pays voisins, en particulier en Russie.
Le travail du laboratoire est top secret. Seul le personnel étasunien disposant d’une habilitation de sécurité y a accès. Ces gens ont reçu l’immunité diplomatique en vertu de l’Accord de coopération de 2002 entre la Géorgie et les États-Unis.
Eurasia Review a signalé qu’en 2014, le Centre Lugar avait reçu des plantes spéciales pour l’élevage d’insectes afin de permettre le lancement du projet Sand Fly [mouche de sable] en Géorgie et dans le Caucase. En 2014-2015, la piqûre des phlébotomes occasionnaient de la fièvre. Selon l’informateur, « le Pentagone accorde aujourd’hui beaucoup d’intérêt à l’étude de la tularémie, aussi connue sous le nom de fièvre du lapin, qui permet aussi de mettre sur pied des armes biologiques. Les vecteurs de ce genre de maladies peuvent être des acariens et des rongeurs. »
Cela rappelle la déclaration faite en 2015 par Nikolai Patrushev, chef du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. Il avait mis en garde contre la menace que représentent les laboratoires d’armes biologiques opérant sur les territoires de la Communauté des États indépendants. Il avait précisément mentionné le Centre Richard G. Lugar en Géorgie.
Les États-Unis ont des laboratoires biologiques dans 25 pays à travers le monde, y compris dans l’espace post-soviétique. Ces laboratoires sont financés par la Defence Threat Reduction Agency (DTRA). Les inspecteurs étrangers ne peuvent y accéder. Il faut noter que des enquêtes de journalistes indépendants rendues publiques, ont confirmé que l’armée étasunienne fait des recherches secrètes présentant une menace pour l’environnement et la population. Jeffrey Silverman, journaliste étasunien vivant en Géorgie depuis de nombreuses années, est certain que le Centre Richard Lugar et d’autres laboratoires sont impliqués dans des activités secrètes pour créer des armes biologiques. La Géorgie et l’Ukraine ont récemment été frappées par de mystérieuses épidémies, avec le bétail tué et des vies humaines mises en danger. L’armée étasunienne exploite le Laboratoire Central de Référence du Kazakhstan depuis 2016. Cette installation a suscité des protestations publiques.
En 2013, le colonel Dai Xu de l’armée de l’air chinoise, a accusé le gouvernement des États-Unis de créer une nouvelle souche de grippe aviaire qui affecte maintenant certaines parties de Chine, comme une attaque de guerre biologique. Selon le colonel, l’armée étasunienne, dans une attaque de guerre biologique, a propagé le virus de la grippe aviaire H7N9 en Chine. Il a été rapporté que le virus Ebola qui sévissait en Afrique de l’Ouest, provenait des laboratoires de guerre biologique étasuniens.
Les experts russes n’excluent pas la possibilité que l’armée étasunienne se serve de punaises comme arme biologique. Il y a quelques années, des moustiques porteurs du virus Zika ont été repérés en Russie et en Ossétie du Sud. Ils provoquent des épidémies de grippe humaine et animale.
L’activité de ces laboratoires étasuniens viole la Convention sur les armes biologiques. Ce traité, juridiquement contraignant, interdit la mise au point, la production, l’acquisition, le transfert, la conservation, le stockage et utilisation d’armes biologiques et à toxines, et constitue un élément essentiel de la lutte de la communauté internationale contre la prolifération des armes de destruction de masse. En vigueur depuis 1975, aujourd’hui 181 États adhèrent à cette convention qui réaffirme le Protocole de Genève de 1925 sur l’interdiction des armes biologiques. En 1969, le président Richard Nixon a officiellement mis fin à tous les aspects offensifs du programme de guerre biologique étasunien. En 1975, les États-Unis ont ratifié le Protocole de Genève de 1925 et la Convention sur les armes biologiques.
Entre 1995 et 2001, il y a eu des négociations sur un protocole de vérification internationalement contraignant, qui inclurait des inspections sur place par une autorité indépendante pour la Convention sur les armes biologiques. Les États-Unis n’y ont pas participé. Leur refus de devenir membres des mécanismes de vérification condamne toute tentative d’améliorer l’efficacité de la Convention. Une conférence de révision a lieu tous les cinq ans pour discuter du fonctionnement et de la mise en œuvre de la Convention. La dernière, qui s’est tenue en novembre 2016, a été frustrante avec un accord minimal sur le document final et aucun programme de travail substantiel à faire avant la prochaine conférence, en 2021. Il y a peu d’espoir que la Convention soit un jour renforcée. En l’absence de mécanisme de vérification, les laboratoires militaires de guerre biologique étasuniens seront toujours un sujet de préoccupation. Ce problème est suffisamment grave pour être intégré dans l’architecture de sécurité globale. L’Assemblée générale des Nations Unies est le bon endroit pour le soulever. Sa 73ème session s’ouvrira le 18 septembre.
*Source : Mondialisation.ca
Version originale : Strategic Culture Foundation 13 septembre 2018
Traduction : Petrus Lombard via Le Réseau International