La ville de Homs en mai 2014 (Reuters/Ghassan Najjar)
Par N. Kerraz (revue de presse : El Moudjahid – 5/8/18)*
Même si la résolution politique du conflit syrien ne semble pas imminente, le président Bachar al-Assad se projette déjà dans l’après-guerre. Conforté sans nul doute pas ses victoires militaires sur le terrain, ce qui lui a permis de reprendre de nombreuses régions du territoire aux mains des groupes rebelles, il a indiqué faire de la reconstruction du pays sa «première priorité».
Dans le sillage de cette déclaration, la télévision d’Etat a annoncé vendredi dernier que les entreprises publiques cherchaient à embaucher plus de 850 nouveaux employés. Un début.
Car il faudra beaucoup d’efforts et de fonds pour parvenir à effacer toutes les stigmates d’une guerre qui dure encore sept ans après son déclenchement. Combien coûtera la reconstruction de la Syrie ? La question a été posée à différentes reprises. Les participants aux deux conférences internationales sur l’avenir de ce pays dont la deuxième s’est tenue au mois d’avril dernier à Bruxelles ne parviennent pas estimer de manière exacte les fonds nécessaires à la réalisation de ce vaste chantier.
«La plupart des estimations vont de 100 à 350 milliards de dollars, certaines allant jusqu’à 1.000 milliards de dollars», indique-t-on. La Banque mondiale et l’ONU estiment qu’il faudra «100 milliards de dollars pour réparer ce qui a été détruit, et qu’il en faudra plus encore pour remettre la Syrie sur les rails.» Mais au regard de l’ampleur des destructions causées, certains analystes pensent que ce montant est de loin inférieur aux besoins. Et pour cause, alors que la guerre n’était qu’à ses débuts, l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) estimait qu’il faudrait «30 ans à l’économie syrienne pour retrouver son niveau d’avant 2011».
Ce délai a maintenant été allongé. La destruction et les dégâts occasionnés aux infrastructures de base sont énormes. La Syrie est un pays à reconstruire totalement, affirme-t-on. La Banque mondiale a estimé le coût des pertes dues à la guerre à 226 milliards de dollars. Il est dès lors aisé d’imaginer combien le chantier de la reconstruction du pays sera difficile et long. En effet, si le conflit qui continue à ravager la Syrie a fait plus de 350.000 morts et poussé des millions de Syriens à se déplacer ou à s’exiler, il a aussi détruit les écoles, les hôpitaux, les infrastructures routières, le parc immobilier et a paralysé la production d’électricité et de pétrole.
D’où le fait que les premières offres des entreprises publiques syriennes concernent les secteurs du gaz, de l’électricité et des infrastructures techniques. Mais la question qui se pose est celle de savoir où l’argent nécessaire à la reconstruction de la Syrie sera trouvé. Les traditionnels pays donateurs sont peu enclins à mettre la main à la poche. Ils conditionnent leur aide au départ du président Bachar al-Assad.
Cela a conduit Moscou à accuser Bruxelles de «politiser l’aide». De leur côté les organisations humanitaires occidentales, qui se sont réunies à Bruxelles en avril 2017, ont aligné leur position sur celle des politiques en déclarant que «Le soutien international devrait être subordonné à la conclusion d’une solution politique, au respect des droits de l’homme et à la protection d’une société civile indépendante. En l’absence de ces conditions, toute initiative d’aide à la reconstruction risque de faire plus de mal que de bien.» Une position qui a poussé le président syrien à affirmer que «l’UE n’avait aucun rôle à jouer dans la reconstruction de la Syrie».
C’est dire donc que la Syrie devra compter sur d’autres ressources ou d’autres stratégies pour assurer le financement de sa reconstruction. Selon un économiste cité par Middleeasteye.net «Pour réussir, la Syrie devra plutôt compter sur des investissements à petite échelle et des projets de développement des infrastructures. La reconstruction ne sera qu’un projet à long terme». Et de poursuivre en affirmant : «Ce seront de petits investissements et une régénération progressive des entreprises (qui permettront) à l’économie locale de se maintenir à flot».
Source : El Moudjahid