Assemblée de chefs de tribus dans le sud de l'Irak
Par Adnan Abu Zeed (revue de presse : Al-Monitor – 1/3/18)*
Si les déplacés peuvent maintenant rentrer chez eux dans les provinces de Ninive, Anbar et Salaheddin, les tribus dont les membres ont été victimes de l’Etat Islamique (EI) s’opposent, par contre, à ce qu’ils s’y installent ainsi que leurs affiliés, même si ce sont pour la plupart des femmes et des enfants.
Le 5 février, le ministre du Travail et des Affaires sociales a déclaré traiter les enfants de ces combattants comme des victimes et œuvrer à leur réintégration, dans deux camps à Ninive et Anbar, mais cela ne signifie pas que ces familles puissent retourner dans leur région d’origine car l’entourage des victimes et les tribus cherchent à se venger. 16 membres de la tribu de Abou Nimr furent abattus par l’EI, début décembre 2014 et découverts dans un puits à 10 kms, près de la ville de Hit. « Il est impossible de tolérer la présence de ceux qui ont assassiné les nôtres ». Il semble que cette attitude soit partagée par toutes les tribus d’Anbar, Mossoul et Salahedinne.
Le 13 juillet dernier, Human Right Watch a accusé les forces de sécurité d’avoir déporté 170 personnes d’obédience Etat islamique dans un camp de réhabilitation de Mossoul. Cette position soulève les questions du sort des membres d’EI, leur présence sur le sol irakien et les procédures gouvernementales applicables.
Abdoul Rahman Louizi, député de la province de Ninive, attribue l’établissement de camps isolés à « des raisons de sécurité, au danger qu’elles (les familles) posent si elles y retournent avant que les enquêtes ne soient achevées et les mesures de sécurité, prises. Entretemps, les tribus auront eu la priorité pour déterminer leur avenir ».
« Les traditions tribales disposent de lois sévères sur la peine à infliger aux coupables de meurtre. Il y en a eu beaucoup et des villages entiers ont entretenu des liens avec l’Etat islamique jusqu’à combattre à ses côtés, comme le village de Shoura dans la province de Ninive, dont les habitants ont atterri dans des camps lors de la fuite de l’EI. »
Selon Louizi, la raison principale de cet état d’esprit est que « nombre de proches de l’EI se sont enfuis en Turquie et en Syrie et ils peuvent toujours contacter leurs familles, ce qui engendre une menace pour la sécurité et la stabilité ».
Cependant, certaines personnes sont encore plus dures : « si on permet à ces familles de coexister avec les tribus, ce serait trahir ceux qui ont sacrifié leurs vies. Ces familles sont une menace car elles seront un terrain propice pour le terrorisme dans le futur ».
En avril dernier, le conseil de la province de Salaheddin décidait « l’expulsion immédiate » de proches des membres de l’EI pendant 10 ans, hors de leur lieu de résidence, afin de prévenir tout acte de vengeance.
Iskander Watut, membre du comité parlementaire sur la sécurité et la défense, évaluait à 4000 les membres de l’EI détenus au Kurdistan avec leurs familles. « Selon la loi, et après investigation, le judiciaire doit statuer sur leur sort. On doit leur permettre de retourner chez eux, seulement, dès qu’ils ont achevé une réhabilitation psychologique et intellectuelle pour réintégrer la société. »
Le porte-parole pour la Haute Commission pour les droits de l’homme à Bagdad, Ali al-Bayati, déclare que « l’Irak a besoin de centres de réhabilitation psychologique, culturelle et sociale afin de traiter chaque individu, indépendamment des victimes affectées par le terrorisme, et les familles dont les enfants ont eu le cerveau lessivé par l’EI »
Disons pour finir, que les tribus auront le dernier mot, au-delà du droit et des procédures de réhabilitation, puisque les régions libérées sont de nature tribale, gouvernées par un ensemble de lois strictes plus efficaces que la loi étatique.
*Source : Al-Monitor
Titre original : Tribal laws determine fate of IS families in Iraq
Traduction et Synthèse : Xavière Jardez