Par Iqbal Jassat (revue de presse : The Star, Afrique du sud - 1/11/16)*
La guerre de terreur qu’exerce Israël sur la Palestine est, depuis plus de 70 ans, une agression perpétuelle, et cette brutalité, de plus en plus visible, éclabousse les médias dans le monde. On s’étonne alors qu’une telle impunité, que diverses raisons tentent d’expliquer, puisse persister.
Certains parlent du pouvoir et de l’influence du lobby israélien sur les capitales occidentales, notamment sur Washington et des études conduites et publiées par des analystes reconnus par la communauté académique éclairent ce point de vue.
La meilleure de ces études, Israël Lobby and US Foreign Policy (Le lobby israélien et la politique étrangère des Etats-Unis) a pour auteurs John Mearsheimer, professeur de science politique à l’université de Chicago et Stephen Walt, professeur de relations internationales à la Kennedy School of Governement à l’Université de Havard et fut un best-seller fin août 2007 lors de sa publication dans le New York Times.
Elle décrit le lobby « comme une coalition lâche d’individus et d’organisations qui s’efforcent activement d’orienter la politique étrangère US dans une direction pro-israélienne ». Elle « souligne particulièrement l’influence du lobby sur la politique étrangère américaine et son impact négatif sur les intérêts américains ». La composition du lobby, selon les auteurs de l’étude, « comprend majoritairement des Américains juifs », mais beaucoup ne le sont pas alors que des chrétiens sionistes se mêlent à des néo-conservateurs et des groupes de droite.
Si une telle influence peut exister aux Etats-Unis et en Occident, qu’en est-il ailleurs, en Afrique et particulièrement en Afrique du sud ?
Juste après la saga du Bateau des Femmes pour Gaza, Johannesburg a été le théâtre du ballet pro-israélien de l’ambassadeur sud-africain en Israël, réactivant le débat sur la « capture » de notre ambassadeur, Sisa Ngombane, par Israël. L’ironie du mot « capture » est flagrante si on considère l’arraisonnement illégal du Zeitouna et la capture de l’équipage féminin par les forces navales israéliennes dans les eaux internationales de Gaza.
Si, comme le concluent Mearsheimer et Walt, la politique US est largement influencée par le lobby, nous pouvons, à la lumière des débats en Afrique du sud sur « la capture de l’Etat**» arriver à la conclusion que Washington est une victime du même contexte.
A la suite du tollé général, la commission des affaires étrangères a demandé une enquête sur la position de Ngombane et, de plus, le vice-ministre des relations internationales, Luwellyn Landers, a requis son rappel. Plus étonnant, cependant, est que Landers, tout en argumentant à juste titre que l’ambassadeur dénature la politique sud-africaine sur la Palestine, ait assisté aux funérailles de Shimon Perés, illustrant ainsi le conflit qui agite l’administration Zuma sur la question.
S’il est vrai que Ngombane est victime de la « capture de l’Etat » par Israël, n’est-il pas alors nécessaire de dévoiler l’étendue de la pourriture et au-delà, d’enquêter sur le dommage que les relations diplomatiques avec Israël ont causé, minant le soutien déclaré de l’Afrique du sud pour les droits de Palestiniens.
La prise de bec entre Saeb Erekat, de l’Autorité Palestinienne et le dirigeant du African Christian Democratic Party (Parti Démocratique Chrétien Africain), le révérend Kenneth Meshoe, à propos de la visite de ce dernier en Israël, souligne le dommage évoqué ci-dessus.
La position de son parti sur Israël, et donc, sa visite, n’est en rien différente de celle des sionistes d’extrême droite et l’argument qu’il avance pour contrer Erekat est de suggérer que les liens diplomatiques entre Tel Aviv et Pretoria permettent de telles rencontres. En d’autres termes, le message de Meshoe aux Palestiniens est que cette visite est l’expression de la liberté d’association et de mouvement protégée par la constitution et étayer par la charte des droits. Donc, aussi longtemps que le gouvernement de l’ANC jouit de ces liens, les amis d’Israël n’auront aucune difficulté à se rendre dans ce pays.
Aussi, que vous soyez un cadre de l’ANC déployé en Israël ou un dirigeant de l’opposition s’y rendant, attendez-vous à ce que les agents de Hasbara fassent le travail : « capturer » l’Etat.
La responsabilité en incombe tout bonnement à Mahmoud Abbas qui, à la tête de l’Autorité Palestinienne, est lui-même une victime de la capture de l’Etat. Satisfait d’être dans le rôle d’un chef de Bantoustan, il a failli dans sa mission d’appeler à un boycott total et permis à des pays comme l’Afrique du sud de prétendre que les relations diplomatiques avec Israël sont une forme de solidarité avec la Palestine.
*Iqbal Jassat, membre exécutif de Media Review Network
Traduction et Synthèse: Xavière Jardez
** ”la capture de l’Etat” est l’objet d’un rapport établi par le Protecteur Public (the Public Protector), Thuli Madonsela, rendu public par décision de la Cour, sur le contrôle exercé par une famille d’hommes d’affaires indienne, les Gupta, sur le gouvernement Zuma, soit par le biais de nominations à des postes ministériels, soit par l’attribution préférentielle de marchés publics, entre autres. L’opposition demande la démission de Zuma pour non-respect de la constitution.