Par Gilles Munier/
Les Iraniens savent recevoir leurs invités, y compris ceux qui ne le sont pas tout à fait. Ils n’ont pas grand-chose à reprocher aux entreprises françaises, mais aux gouvernements qui se sont succédé depuis l’élection de François Mitterrand en 1981, et notamment au dernier qui a fait de la surenchère anti-iranienne lors des négociations de Vienne sur le nucléaire. Ces neuf dernières années, le montant des exportations françaises vers l’Iran sont passées de 4 milliards d’euros… à 500 millions !
La délégation du Medef (patronat français) qui rendue à Téhéran et Mashhad a donc été bien reçue. Heureusement que Laurent Fabius, qui s’était invité en Iran en juillet dernier, avait été remplacé par Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement et ministre de l’Agriculture... Fabius n’était pas vraiment persona grata.
Les quelques 150 entreprises sont revenues satisfaite de Téhéran, mais avant de crier victoire, il serait bon qu’elles prennent connaissance de l’article qui suit*, publié alors qu’elles étaient à Mashhad. L’ambassade de France à Téhéran a peut-être omis de leur en communiquer la traduction ! Son auteur n’est autre que Vahid Jalili, un des adjoints au maire de la ville sainte…
Le passé sanglant des relations franco-iraniennes depuis la Révolution islamique sera difficile à effacer, si tant est que François Hollande - ou son successeur en 2017 – en ait la volonté... et surtout que les Etats-Unis et Israël le veuillent bien.
*Mashhad et l'Iran authentique se rappellent
au bon souvenir de la Délégation Française
Par Vahid Jalili, journaliste iranien et adjoint aux Affaires culturelles de la municipalité de Mashhad (article paru dans le quotidien Chahrara, publié à Mashhad)
En France il y a un arbre que les Iraniens connaissent bien mieux que les Français. Au-dessous de cet arbre, certaines lois furent jadis annoncées au monde qui - comme les Lois de la gravitation universelle de Newton - ont divisé le monde en deux. La gravitation a bien sûr un lien avec le pommier cher à Newton. Au cours de notre époque contemporaine, le plus grand philosophe Français Michel Foucault s’est demandé: dans les rues de Téhéran « quel rêve les Iraniens pouvaient-ils bien avoir en tête ? » Quand le plus grand philosophe contemporain iranien s’asseyait lui aussi au-dessous de ce pommier à Neauphle-le-Château - tout en se détendant, il répondait à la question qui a tant troublé le cœur de Michel Foucault.
L’an 1979 a pris son fin alors que les Français ont gardé comme souvenir les efforts de Michel Foucault dans le Téhéran post-moderne. Grâce au calme et à la sérénité de l’Imam Khomeiny à Paris, les Iraniens ont gardé de la révolution islamique le souvenir d'une immense réussite. Maintenant, 36 années se sont écoulées. Une délégation française aujourd'hui entre à Mashhad. Les Iraniens voudraient bien conserver un beau souvenir de la France dans leur mémoire au-delà de l'épisode de Neauphle-le-Château. Dans plusieurs villes de l’Iran - d'ailleurs, on a baptisé une rue ou une place du nom de ce village de la banlieue parisienne. A Mashhad également tout à côté de la place « République de la République Islamique » il y a une cité que les Mashhadi ont surnommé "Neauphle-le-Château". Certaines rues de cette cité ont été nommées d'après le nom des martyres qui ont été fauchés par les missiles Exocet français durant la guerre Iran/Irak. 27 ans après la fin de cette guerre, dans cette même cité, on entend encore la toux de jeunes Iraniens due aux bombes chimiques lancées par les Mirage F1 et les Super-Étendard français de chez Dassault.
Durant tout ce temps les Giscard d'Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande ont préféré se faire photographier avec Saddam Hussein et Radjavi. Aujourd’hui quand l’avion de la délégation d’une soixantaine de français atterrit à l’aéroport du martyr Hasheminejad à Mashhad, peut-être n’y a -t-il personne qui leur explique que ce prédicateur et écrivain populaire Mashhadi a été assassiné par ceux qui sont invités au parlement français pour bafouiller sur la lutte contre le terrorisme. Les membres de la délégation française probablement se promèneront dans les mêmes rues que les femmes, les étudiants, les députés et les marchands Mashhadi qui ont été massacrés par les terroristes dont Paris assure encore la protection. Mais les Mashhadi n’ont surnommé aucunes de leurs rues du nom d'Exocet, Dassault Super-Étendard, bombes chimiques, Droits de l'homme à la française ou bien encore terrorisme parisien. Les membres de cette délégation française tout en se promenant dans la ville peuvent clairement constater que malgré les 30 ans d’incroyables efforts de l’Occident (Royaume-Uni, France, Allemagne et Grand Satan lui-même) pour insécuriser et détruire l’Iran par le massacre, la terreur, la guerre, les bombes chimiques, les sanctions, les chantages etc., malgré tout cela, la cité de Neauphle-le-Château à Masshad est toujours en sécurité et en progrès tout en s'abritant sous les drapeaux de la fierté de la place de la République Islamique.
Si cette délégation n’a vu l’Iran que dans les festivals politiques de Cannes, ils vont probablement être stupéfaits de voir le vrai Iran. L’arc-en-ciel des pèlerins du sanctuaire de l'Imam Rezâ, composé de toutes les origines ethniques et des climats que peut compter l’Iran est une vitrine adaptée pour que les prêtres de la tour Eiffel puissent comparer les illusions qu’ils ont propagées sur la République Islamique avec la vérité de la vie iranienne. Un peu à l'écart de la cité Neauphle-le-Château, ces jours-ci à Kouhsangi, Mashhad raconte «l’histoire de la Résistance». Si la délégation française est composée de Thénardier, Mitterrand, Javert, Chirac, Don Juan, Sarkozy etc. on n'a rien à dire. Mais si ce sont des Frantz Fanon, Jean Valjean, Kamal Courcelle qui sont venus à Mashhad, ils sont très bienvenus et on les invite à voir le théâtre des "Nageurs de combat martyrs".
Photo : Le Maire de Mashhad recevant la délégation du Medef