Par Gilles Munier (Afrique Asie – mars 2015)*
Les milices des minorités ethniques et religieuses expulsées de la plaine de Ninive par les djihadistes de l’EI sont sur le pied de guerre. Elles pourraient être le fer de lance de l’offensive lancée pour « libérer » Mossoul, annoncée pour le printemps par les Américains et Massoud Barzani. Dans les camps de réfugiés du Kurdistan, le recrutement de miliciens va bon train. Aidés par les peshmergas et les bombardements de la coalition américaine, les Yézidis ont donné l’exemple en brisant l’encerclement du djebel Sinjar et reconquis dans la foulée des quartiers de la ville du même nom avec les combattants kurdes du PKK turc et du PYD syrien, se vengeant malheureusement sur les paysans arabes soupçonnés d’avoir aidé l’EI à s’emparer de leurs terres.
Côté chrétiens d’Orient, une brigade appelée Dwekh Nawsha (Futur martyr) en araméen – la langue du Christ - rêve d’en découdre avec les djihadistes. Les Unités de protection de la plaine de Ninive (NPU), dont elle fait partie, compteraient 3 000 membres, 500 autres seraient en formation. Les NPU sont soutenues par le Zowaa - Mouvement démocratique assyrien (pro-américain) – qui milite pour la création d’une région autonome chrétienne -, et par l’American Mesopotamian Organisation connue pour avoir demandé, en août 2013, à Massoud Barzani de présenter ses excuses aux chrétiens de la région «pour les atrocités commises dans le passé par les tribus et chefs de guerre kurdes » !
Les Shabaks, minorité adepte d’un syncrétisme chiito-yézidi – 60 000 âmes réparties dans une trentaine de villages de la région de Hamdaniya, au nord-est de Mossoul – ont prêté allégeance au Grand ayatollah Ali Sistani. Leur principal parti, l’Assemblée démocratique des Shabaks (DAS), a annoncé en novembre dernier la naissance de Quwat Sahl Ninawa (QSN), une force armée entrainée par des milices chiites.
Restent les Turkmènes sunnites, assis entre deux chaises. Par son nombre – 3 millions – cette minorité fait peur au régime de Bagdad et à Massoud Barzani. La Turquie s’était engagée à les soutenir, mais la promesse n’a guère dépassée le stade de l’aide humanitaire. Une petite milice turkmène a tout de même été créée par le Front turkmène, avec les moyens du bord. Pas de quoi inquiéter les djihadistes, pour l’instant.
Les minorités de la plaine de Ninive ont l’EI pour ennemi commun, mais se méfient des arrière-pensées de « l’ami kurde ». Elles réclament toutes un territoire sous protection internationale. La décision irresponsable d’un certain Lukman Ibrahim, commandant d’une importante milice yézidie du Sinjar, de demander à Israël des armes et de l’assistance, ajoutée à l’entrée, probable, en lice du maronite Samir Geagea, chef des Forces libanaises (FL) - une des milices de la guerre civile libanaise soutenue par Israël – prêt à soutenir les nationalistes assyriens, ne vont pas clarifier la situation au nord de l’Irak, loin de là.
Photo: Un milicien de Dwekh Nawsha, milice chrétienne pro-américaine