Par Patrick Cockburn (revue de presse : The Independent - extrait traduit par Médiarama – 30/12/13)*
La propagande anti-chiite haineuse, propagée par des personnalités religieuses sunnites parrainés ou basées en Arabie saoudite et les monarchies du Golfe, crée les ingrédients d'une guerre civile sectaire qui engloutira tout le monde musulman. L'Irak et la Syrie ont connu le plus de violence et la majorité des 766 victimes civiles tombées en Irak, ce mois-ci, était des pèlerins chiites tués par des kamikazes du groupe d'Al-Qaïda, l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). L'hostilité à l'égard des chiites de cette organisation, maintenant opérationnelle de Bagdad à Beyrouth, est si extrême, que le mois dernier, elle a dû s'excuser pour avoir décapité l'un de ses combattants blessés à Alep - parce qu'ils ont cru, à tort, qu'il avait murmuré le nom de saints chiites alors qu'il était sur une civière.
L'utilisation habile d'Internet et l'accès aux télévisions satellitaires financées ou basées dans les Etats sunnites a été au centre de la résurgence d'Al-Qaïda à travers le Moyen-Orient. Cette année, l'EIIL est devenue la force rebelle militaire la plus puissante en Irak et en Syrie, en partie à cause de sa capacité à recruter des kamikazes et des combattants fanatiques à travers les médias sociaux.
La télévision par satellite, Internet, YouTube et Twitter, souvent financés par les Etats pétroliers de la péninsule arabique, sont au centre d'une campagne pour propager la haine sectaire dans tous les coins du monde musulman, y compris les endroits où les chiites sont une minorité vulnérable, comme la Libye, la Tunisie, l'Egypte et la Malaisie. En effet, à Benghazi, la capitale de l'est de la Libye, un groupe jihadiste a mis en ligne une vidéo de l'exécution d'un professeur irakien, qui a admis être chiite, affirmant qu'ils l'avaient tué pour se venger de l'exécution de militants sunnites par le gouvernement irakien.
La propagande haineuse est souvent sanglante et appelle ouvertement à la guerre religieuse. Une station de télévision par satellite anti-chiite montre un rassemblement de chefs religieux chiites, principalement originaires d'Iran, d'Irak et du Liban, désignés comme "les suppôts de Satan". Une autre demande: « Oh musulmans sunnites, combien de temps allez-vous attendre lorsque vos fils seront pendus en Irak? N'est-ce pas le moment de briser les chaînes? » L’image d'une femme en noir entre, ce qui semble être deux miliciens, est intitulé: «Des hommes chiites en Syrie violent des sœurs sunnites », et une autre montre l'arrière d'un pick-up rempli de cadavres en uniforme, intitulée: « Le sort réservé à l'armée des soldats chiites syriens ». Un des exemples des scènes enflammées postées sur YouTube est un sermon de Nabil al-Awadi, un religieux du Koweït, qui compte 3,4 millions d'adeptes sur Twitter. Son discours est consacré au "plus grand complot contre le monde musulman", qui s'avère être un complot « ourdi à Qom » [la ville chiite sainte en Iran] pour se débarrasser de la nation islamique, pour profaner la Kaaba brique par brique".
Le prestige et la popularité croissante du Hezbollah, après son succès contre l'agression israélienne, en 2006, peut expliquer pourquoi les gouvernements sunnites ont toléré l'intensification des attaques sectaires contre les chiites. Celles-ci prennent souvent la forme d'accusations selon lesquelles l'Iran cherche à prendre le contrôle de la région.
Les médias sociaux, la télévision par satellite, Facebook et YouTube, se sont transformés en canaux pour répandre la haine et la peur. Les combattants en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen et d'autres pays en proie à la violence tirent souvent leur connaissance du monde à partir d'un nombre limité de prédicateurs et de commentateurs fanatiques sur Internet, appelant à la guerre sainte des sunnites contre les chiites. Souvent, ces personnes jouent un rôle crucial dans l'envoi de jeunes volontaires pour combattre et mourir en Syrie et en Irak. Une étude récente des combattants rebelles morts en Syrie, élaborée par Aaron Zelin du Centre international pour l'étude de la radicalisation, montre que 267 venaient d'Arabie saoudite, 201 de Libye, 182 de Tunisie et 95 de Jordanie. L'écrasante majorité avait rejoint l'EIIL et le Front al-Nosra, deux organisations sectaires. Les combattants étrangers, qui s'inspirent des films des atrocités, peuvent s'inscrire pour aller en Syrie, mais finissent souvent comme kamikazes en Irak, où la violence a augmenté de façon spectaculaire au cours des 12 derniers mois.
Les Saoudiens et les monarchies du Golfe ont créé un monstre Frankenstein sectaire, composés de fanatiques religieux hors contrôle.
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Titre original:
Sunni monarchs back YouTube hate preachers: Anti-Shia propaganda threatens a sectarian civil war which will engulf the entire Muslim world