Interview de Harith al-Dari, secrétaire général de l’Association des Oulémas musulmans irakiens (AMSI)
Propos recueillis par Abdulilah Alrawi
A Amman, Abdulilah Alrawi journaliste et opposant irakien, a rencontré le cheikh Harith al-Dari, secrétaire général de l’Association des oulémas musulmans irakiens (AMSI), connu pour sa résistance à l’occupation américaine de l’Irak. Il a fait avec lui le point sur la situation dans son pays : attentats sauvages, manifestations anti-gouvernementales, ainsi que sur la position de l’AMSI sur la guerre civile en Syrie. Questions-réponses :
Q : Après dix ans d’occupation, quelle analyse faites-vous du système politique imposé à l’Irak ?
R : Le régime est devenu dictatorial. Il ne se préoccupe ni des difficultés rencontrées par le peuple, ni des intérêts du pays. Tout va de pire en pire... Le régime ne s’intéresse qu’à sa survie. Il concentre ses activités sur les dossiers touchant aux questions de sécurité, tente d’imposer son autorité partout où il le peut, de façon arbitraire et brutale. Pour museler l’opposition, on arrête de façon arbitraire, on exécute sommairement. Et le régime ose dire que l’Irak est le pays le plus stable et le plus sécurisé de la région… C’est risible.
Q : Selon vous, qui est derrière les vagues des attentats qui ensanglantent journellement l’Irak ?
R : J’affirme solennellement que ce sont les services secrets iraniens et gouvernementaux qui sont à l’origine de 90% des attentats commis en Irak. Dans quels buts ? Cela permet d’abord à l’Iran de s’immiscer toujours un peu plus dans les affaires du pays, d’offrir ses services au régime pour assurer sa sécurité.
Derrière ces attentats, il y a la volonté de Téhéran de modifier la répartition des différentes communautés sur l’ensemble du pays, le morceler selon des clivages sectaires. C’est la politique de la fitna, et de la guerre confessionnelle. On veut que les Irakiens aient peur les uns des autres.
Les 10% d’attentats restants ont pour origine des organisations prônant la violence, au service d’intérêts qui leur sont propres, et à la solde d’alliés intérieurs et extérieurs.
Q : Que pensez-vous de manifestations anti-gouvernementales qui visent tout particulièrement Al-Maliki ?
R : Nous soutenons ces manifestations car elles sont légales et pacifiques. Que réclament les Irakiens : la fin des injustices, recouvrer leurs droits usurpés, la fin de l’oppression dont le peuple dans son ensemble est victime, et tout particulièrement la communauté sunnite.
Le régime n’a pas seulement écarté les sunnites de la vie politique du pays, il les assassine, les arrête par milliers, les oblige à quitter leur domicile. Il y a en Irak, concernant les sunnites, une véritable politique de nettoyage confessionnel et ethnique. L’article 4 de la Constitution permet d’accuser sans preuve un citoyen de « terrorisme », et de l’exécuter après un procès inique. Les protestataires sunnites sont systématiquement visés.
Q : Quels relations entretenez-vous avec le Parti islamique et Tareq al-Hashemi ?
R : Nous n’en avons aucune depuis l’occupation du pays, que ce soit au niveau politique, partisan ou organisationnel. Je n’ai aucune relation personnelle avec M. Tareq al-Hashemi, du fait de divergences de point de vue sur le déroulement des évènements qui se sont produits sur la scène politique irakienne.
Q : Le bruit court que vous êtes l’auteur d’une fatwa interdisant aux Irakiens d’appartenir aux forces militaires et policières…
R : Nous avons dit à plusieurs reprises qu’il s’agit d’un mensonge et nous savons qui en est à l’origine. Si cela avait été le cas, la fatwa aurait été diffusée sous forme de tracts et de déclarations par les membres de notre association.
Tout ce que je peux dire, c’est que la propagation de cette rumeur sert les intérêts du système imposé à l’Irak.
Q : Comment l’Association des Oulémas se situe-t-elle vis-à-vis de la situation en Syrie ?
R : Notre position est claire et nette. Dès le premier jour de la révolte du peuple syrien, nous avons dit que nous étions contre l’injustice et la tyrannie. Or, c’est ce qui caractérise le régime syrien. Les crimes qu’il a commi dépassent ceux des régimes tyranniques et dictatoriaux qui l’ont précédé.
Notre position est une position de principe, car c’est dans ce but qu’a été créée l’Association des Oulémas : défendre le peuple contre l’injustice, l’occupation et les dirigeants criminels. Nous ne dévoilons aucun secret en vous disant que nous sommes en relation avec plusieurs responsables de la révolution syrienne. L’opinion de ceux qui doutent de cette prise de position ne nous importe pas.
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