Le 10 mars, juste après la décision de Nicolas Sarkozy de reconnaître officiellement le Conseil National de Transition libyen (CNT), l’agence de presse libyenne Jana a annoncé qu'un « grave secret » allait entraîner la « chute » du Président français, «voire son jugement en lien avec le financement de sa campagne électorale ». Il s’agissait de la présidentielle de 2007. Information ou intox ?
Le 15 mars, interrogé par une chaîne de télévision allemande, Kadhafi a raconté avoir reçu, Sarkozy - alors ministre de l’Intérieur - qui lui avait demandé de financer sa campagne. Ce qu’il a fait, dit-il.
Rendez-nous notre argent !
La menace brandie par Jana et la déclaration de Kadhafi n’ayant pas l’air d’impressionner le Président français qui réclamait le vote de la résolution autorisant une intervention en Libye, Saïf-al-islam – fils cadet du Guide libyen - est revenu à la charge, le 16 mars, en précisant sur la chaîne Euronews : « Tout d’abord, il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C’est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu’il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus. Rendez-nous notre argent. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement ».
Claude Guéant, nouveau ministre de l’Intérieur, négociateur de la libération des infirmières bulgares, a répondu en sommant les Kadhafi de dire ce qu’ils avaient à dire, ajoutant que les comptes étaient vérifiés par le Conseil constitutionnel et la commission des comptes de campagne. « La seule chose qui puisse être faite au profit d'une campagne » dit-il, « c'est un chèque qui est au maximum de 4 600 euros ». A voir…
Tempête dans un verre d’eau ?
Saïf-al-islam, qui a fait ses études supérieures en Grande-Bretagne, ne sait peut-être pas qu’en France les accusations de financement d’hommes politiques par des pays étrangers sont moins dévastatrices que dans les pays anglo-saxons. Là bas, il y a longtemps que les personnalités incriminées auraient démissionné. Il fut un temps où l’argent des contrats signés en Irak alimentait les caisses des bureaux d’étude du RPR et du PS. Des documents prouvent que la CIA finançait des syndicats et des dirigeants politiques français au nom de la lutte contre le communisme. Moscou faisait de même avec ses alliés en Occident. En France, ce genre d’accusation grave ne provoque généralement qu’une tempête dans un verre d’eau. Les diamants « offerts» au Président Giscard d’Estaing par Jean-Bedel Bokassa qui s’était autoproclamé empereur de Centrafricaine, ont fait la Une des médias, mais il n’a pas démissionné. Des parlementaires, jugés et condamnés pour escroquerie, ont été réélus après avoir purgé leur peine ! Actuellement, une enquête traîne en lenteur sur le financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995. L’ancien Premier ministre est accusé d'avoir profité de rétro-commissions liées à la vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan pour financer sa campagne. Son porte-parole n’était autre que… Nicolas Sarkozy. Concours de circonstances ? Ziad Takieddine, présenté comme un intermédiaire dans le contrat de vente de ces sous-marins a été arrêté, le 7 mars, à son retour… de Libye. Dans sa valise : 1,5 million d’euros en espèces destiné, selon son avocat, à une société située au Liban. Il a été remis en liberté le lendemain.
On attend la suite du « kadhafigate »… s’il y a une.
Interview de Saïf-al-islam (Euronews – 16/3/11)) :
http://fr.euronews.net/2011/03/16/exclusif-saif-al-islam-kadhafi-reclame-a-sarkozy-de-rembourser/
En vidéo (11’12):http://www.youtube.com/watch?v=1P2Ba4ShK3Y&feature=related