Revue de presse (Assawra – 16/3/13)*
Le lieutenant Timothy McLaughlin, célèbre depuis la prise de Bagdad pour avoir couvert la tête d’une statue de Saddam Hussein du drapeau étasunien, raconte « sa guerre » d’Irak dans un style télégraphique.
Certains jouaient aux cartes pour tuer le temps, lui préférait écrire pour raconter son quotidien : dix ans après le début du conflit irakien, un ancien Marine a décidé de partager avec le grand public son journal de guerre, pour que cette expérience ne soit pas oubliée.
"70 personnes tuées"…
Dans un petit carnet marqué au sceau des Marines, le lieutenant Timothy McLaughlin a
consigné pendant des mois, de façon lapidaire, ce qui faisait son quotidien. Des listes, des consignes, son emploi du temps, le détail d’une bataille, une chanson, le décompte de "70 personne tuées", ses réflexions sur les Irakiens... En ajoutant ici et là des croquis maladroits.
Ce journal au style télégraphique, brutal dans son absence d’émotion, est désormais au coeur d’une exposition saisissante -
"Invasion : Diaries and Memories of War in Iraq" (Invasion : Journal et Mémoires de la Guerre en Irak) – présentée au Bronx Documentary Center à New York, jusqu’au 19 avril.
Trente-six pages en ont été agrandies, sous forme de grands panneaux au mur, pour en faciliter la lecture, présentées avec des photos et des textes sur le conflit.
les lignes griffonnées racontent ainsi l’arrivée de son bataillon sur le Square Firdos, à Bagdad, en avril 2003 : "noyé par la masse des journalistes- ne pouvais pas bouger/pacifistes +combien d’enfants avez-vous tué aujourd’hui+". Il évoque son drapeau devenu célèbre pour avoir été placé sur la statue géante de Saddam Hussein.
Même style télégraphique pour rapporter un combat : "j’ai une bonne position pour empêcher fuite par l’arrière. Tué dans bosquet (3-7 ?) puis 1 traversant canal à la nage, 2 entrant dans canal".
Deux lignes racontent ailleurs son tank qui tire sur une voiture engagée sur une route contestée. "La voiture ralentit, sort de la route, heurte un arbre. Civil atteint de cinq balles, dos et jambes. Continuons vers Afaq".
Mieux qu’un long discours, ses notes racontent la brutalité du quotidien, le traumatisme aussi d’un militaire de 25 ans, qui s’était engagé pour "servir", sans se poser de questions.
"La plupart des gens dans l’armée sont détachés des décisions politiques. Mon pays disait
d’y aller, mon travail c’était d’y aller", explique-t-il à l’AFP, refusant encore d’évoquer le bilan de cette guerre.
Stress post-traumatique
Mais dix ans après, McLaughlin, qui a quitté l’armée, n’est plus le même.
Il continue à faire des cauchemars, reste hanté par certaines de ses erreurs qui, dit-il, ont coûté la vie à des civils irakiens ou à un autre Marine.
Officiellement, il souffre de stress post-traumatique.
Mais "ce n’est pas une maladie", insiste-t-il. "C’est une réaction naturelle à une expérience de combat. Si vous n’étiez pas affecté, alors là, oui vous seriez malade".
"La guerre c’est tuer des gens, c’est brutal, ce n’est pas romantique, ce n’est pas un film. Cela a de vraies conséquences pour les gens qui la font et ceux qui la subissent".
Et même s’il n’aime pas tout ce que livre de lui son carnet de guerre, il voulait partager ce récit "non édulcoré de ce qu’est vraiment le combat, sans les filtres habituels des politiques ou de la presse".
Pour essayer, souligne-t-il, "de faire en sorte qu’on réfléchisse peut-être plus avant de partir en guerre".
C’est le journaliste américain Peter Maass qui a eu l’idée l’an dernier de cette exposition, après que McLaughlin lui eut montré son carnet défraîchi, oublié dans une vieille malle, des grains de sable encore glissés entre les pages.
Maass, qui travaillait pour le New York Times Magazine, avait croisé McLaughlin en Irak, et avait suivi son bataillon de Marines jusqu’à son entrée dans Bagdad.
L’exposition présente aussi des photos du Britannique Gary Knight, troisième homme impliqué dans le montage de cette
exposition.
* Irak : un carnet de guerre lève le voile sur le quotidien du conflit
http://www.assawra.info/spip.php?article2800
Lire aussi, avec photos de l’exposition :