Feuilleton post-électoral
à Bagdad
La Haute commission électorale indépendante (HCEI) a transmis à la Cour suprême, pour validation, les résultats des élections législatives du 7 mars, après avoir rejeté les recours déposés par les candidats et les partis floués.
Après confirmation, la Cour suprême annoncera officiellement les résultats du scrutin et demandera au Président de la République – le chef kurde Jalal Talabani - de réunir le Parlement, qui aura 15 jours pour élire son nouveau Président et 30 jours pour choisir le nouveau Président de la République. Après quoi, ce dernier aura 15 jours pour demander au groupe parlementaire majoritaire au Parlement de désigner un Premier ministre chargé de former un gouvernement.
Toutes ces étapes sous-entendent des négociations entre blocs électoraux et entre les partis qui les composent. Elles sont assorties de marchandages, de chantages, de menaces de mort et d’assassinats, le dernier en date (24 mai) étant celui Bachar Hamid al-Agaydi, député de Mossoul élu sur la liste Iraqiya de Iyad Allaoui.
Talabani et Maliki
s’accrochent au pouvoir
Jalal Talabani, malade et âgé de 77 ans, fait tout son possible pour demeurer en place. Oublié le temps où il déclarait à un ami qu’il avait « décidé de rester actif dans la vie politique jusqu'à 65 ans. Après, même si la nation me supplie, je me retirerai" (1). Non seulement personne ne le supplie, mais son pouvoir est contesté jusque dans son propre parti. Pour empêcher sa réélection, le Gorran (Changement), scission de l’UPK (Union patriotique du Kurdistan), ne serait pas hostile à ce qu’un Arabe soit Président d’Irak, pourvu qu’un Kurde prenne la tête du Parlement, fonction autrement plus influente que la Présidence de la République.
Nouri al-Maliki veut, lui aussi, se maintenir au pouvoir, envers et contre tous à commencer par ceux qui, dans le camp chiite pro-iranien, lui demandent de laisser la place à un candidat plus consensuel. La formation – à la demande de l’Iran - d’un groupe parlementaire comprenant les deux blocs chiites (Etat de droit – Sol- et Alliance nationale Irakienne -INA), ne signifie pas qu’il est leur candidat naturel. Moqtada al-Sadr (majoritaire au sein de l’INA) a fait aussitôt savoir que Maliki ne représente que son propre parti Al-Dawa et que la commission chargée de désigner un Premier ministre n’est pas encore formée, les organisations politiques concernées ne s’entendant pas sur sa composition.
Dernières manoeuvres d’Al-Maliki
Après avoir échoué à modifier les résultats de Bagdad en faisant recompter les bulletins de vote et invalider des candidats, Nouri al-Maliki aurait manigancé l’attentat qui a coûté la vie au député de Mossoul, afin de rogner l’avance de d’Iyad Allaoui (deux députés de plus). Enfin, et bien que la HCEI ait transmis le résultat définitif des élections à la Cour suprême, le Premier ministre - en sursis - réclame maintenant l’invalidation d’un député de Bassora - Furat Muhsin Saeed – élu sur la liste de son allié l’INA, sous prétexte qu’étant policier il n’avait pas le droit de se présenter aux élections (2). L’intéressé a rétorqué qu’il avait préalablement démissionné. Mais, si la plainte est retenue, le député invalidé fera appel, et l’annonce officielle des résultats des législatives sera encore reportée. Ceux de la province seront recalculés en faveur d’Al-Maliki et au détriment de Moqtada al-Sadr, avec à la clé d’une nouvelle crise grave.
Kurdes et sadristes en position de force
Ahmed Chalabi, à l’origine de l’invalidation de plus de 500 candidats et partis accusés de liens avec le parti Baas clandestin, se place dans la perspective d’un effacement de Nouri al-Maliki. Il s'imagine en candidat du camp pro-iranien - par défaut - s'il parvient à marginaliser le joker de ce dernier - Jaafar al-Sadr, fils de l’ayatollah Muhammad Baqir al-Sadr, qui manque d'expérience - et l'ancien Premier ministre Ibrahim al-Jaafari.
Iyad Allaoui, chef de la coalition Al-Iraqiya arrivée en tête du scrutin, joue la légalité électorale. Il réclame la stricte application de la constitution, c'est-à-dire l’obligation faite au futur Président de la République de le désigner pour former le nouveau gouvernement. Si c’est le cas, il s’estime en mesure de diriger le pays avec le soutien du bloc kurde (Barzani+Talabani), des députés indépendants du Gorran, voire même avec des membres du courant sadriste. Ayant l’embarras du choix, entre Nouri al-Maliki, un candidat pro-iranien plus consensuel et le pro-américain Iyad Allaoui, les partis d’appoint s’entendront avec le plus offrant. Du moins pour un temps, car les promesses électorales sont rarement tenues dans leur totalité.
(1) Lettre de Haval Kwestani à Mam Jajal (Oncle Jalal, surnom de Talabani) - (KurdishMedia.com – 20/3/09) http ://www.kurdmedia.com/article.aspx?id=15556
(2) Iraq vote results face another possible delay, par Muhanad Mohammed et Waleed Ibrahim (Reuters)