Entretien n°18
Baghdad Operation Center
28 mars 2004
Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI
Traduction en français : Xavière Jardez
Titres, sous-titres et notes : Gilles Munier
Des documents du parti Baas
passés au crible
Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a été interviewé le 28 mars 2004 dans un bâtiment de détention militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB), Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes :
Hussein a été averti, dès le début de l’entretien, que celui-ci serait la continuation des rencontres précédentes sur les soulèvements chiites dans le sud de l’Irak en 1991.
Hussein a dit qu’il était normal que le dirigeant d’un parti politique, comme le Baas, connaisse le plus de membres possible du Parti. Cependant, il lui était difficile de faire la connaissance de membres du Baas, en dehors de ceux qui en étaient à la tête. Néanmoins, il avait essayé d’en connaître autant que faire se peut, comme il avait tenté d’aller à la rencontre du plus grand nombre de simples citoyens irakiens.
Saddam ne pouvait pas être au courant
de tout ce qui se passe
L’interviewer a posé une question sur le système de communication entre les divers échelons du Parti, de la base au niveau national, et sur le volume d’informations mis à la portée des dirigeants haut placés. Hussein a répondu que ces derniers recevaient des informations de la même manière que les Démocrates et les Républicains aux Etats-Unis. Quand une directive était émise par la direction, des instructions étaient adressées à tous les membres du Parti. Si un membre envisageait une certaine action, sa requête était transmise à la direction irakienne par les canaux appropriés. On a demandé à Hussein quels étaient ses sentiments sur la nécessité d’être tenu au courant de la situation locale. Il a déclaré : « Il y a une différence entre le désir et la réalité ».
L’interviewer a déclaré que des documents, décrivant les soulèvements de 1991 et les activités du Parti Baas au cours de cette période, ont été découverts après l’invasion des forces de la coalition en 2003 (1). Le traducteur a lu à Hussein de larges extraits de copies de deux documents rédigés en arabe. Le premier, daté du 11 avril 1991, sous le numéro 7/1/383, signé par Hussein Hamza Abbas, secrétaire général de la Section du Commandement Saddam avait été adressé au secrétaire général de la Section du Commandement de Wasit. Dans ce document, Abbas expliquait et clarifiait sa conduite au cours des « troubles de mars 1991 ». Le second, daté d’avril 1991, sans numéro, était signé par Anwar Saeed Omar, secrétaire général de la Section du Commandement de Wasit. Il était adressé à un membre, vraisemblablement plus élevé du commandement, mais non désigné. Ce document explique que certaines actions entreprises au cours de « ces troubles » dans les villes de Bassora et Wasit, en mars 1991, incluaient l’arrestation d’environ 700 militaires et civils, à Bassora. Dans la lettre, Omar déclare que des comités d’interrogatoire ont été formés et qu’il avait été responsable du Second Corps de Comités. Omar écrit qu’il a, personnellement, exécuté deux individus le jour même où il a commencé les interrogatoires. Il ajouté, de plus, que quarante-deux personnes furent exécutées après quatre jours d’interrogatoire.
A la question portant sur la contradiction apparente entre les actions décrites dans ces documents et le système judiciaire irakien, Hussein a répondu : « Où est la contradiction ? ». Il a ajouté, les comités furent formés, les interrogatoires eurent lieu et le jugement fut rendu. Hussein a demandé : « Quelle était l’alternative ? ».
Saddam conteste le droit de l’interviewer
de poser des questions
sur les évènement internes de 1991
L’interviewer a observé que ces documents semblent décrire une situation selon laquelle l’enquête sur ces individus n’avait pas été le fait d’un organisme neutre. L’exigence d’une enquête neutre avait, auparavant, été débattue par Hussein eu égard à la situation au Koweït et les crimes apparemment commis par les forces militaires irakiennes au cours de l’occupation en 1991. L’interviewer a, de plus, noté que les individus ne semblaient pas avoir eu la possibilité de se défendre, ce que Hussein avait précédemment considéré comme primordial. Hussein a dit : « Je n’ai rien dit à propos des Koweitiens », précisant que « le Koweït et cette question sont deux choses différentes ». Ces documents parlent d’actes de « trahison et de sabotage ». Hussein a affirmé que les deux individus avaient pu se défendre. L’interviewer a noté qu’il apparaît que non et qu’ils avaient été exécutés sur le champ. Hussein a répondu : « Peut-être. Peut-être pas », et ajouté que ce rapport peut ne pas fournir tous les détails. Hussein a précisé que l’auteur s’était peut-être vanté pour manifester sa loyauté et son aptitude à accomplir la tâche demandée. Il a mis en doute la validité du rapport. Si tout cela est vrai, a-t-il déclaré, le jour où les Américains décideront de poursuivre les individus qu’ils ont capturés pour ces crimes, et où les Irakiens reprendront la direction de leur pays, ces derniers enquêteront sur cette affaire.
Hussein a contesté le droit de l’interviewer de poser des questions sur les événements internes à l’Irak de 1991. Il a demandé : « Est-ce que c’est parce que vous êtes un employé du gouvernement américain ? ». L’interviewer a observé qu’il essayait de démêler les faits de la fiction et de consigner l’histoire comme elle s’était passée.
Hussein a déclaré qu’il lui était difficile de commenter lesdits documents sans en avoir tous les détails. Il a mis en doute l’allégation de l’interviewer selon laquelle les deux individus n’avaient pas eu l’occasion de se défendre et le fait même qu’ils aient été exécutés.
Note :
(1) Les Américains - aidés notamment par la milice d’Ahmed Chalabi - et les Iraniens s’étaient organisés dans la perspective de l’invasion pour mettre la main sur les documents officiels du parti Baas, des ministères et des services secrets. La traduction d’un certain nombre de ces derniers, déclassifiés, a été publiée aux Etats-Unis.
© X.Jardez et G. Munier – Traduction en français et notes
Traduction des entretiens précédents
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