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France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l'Atlantique. Traduction d'articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.


La stratégie française d’évacuation de Gaza, cheval de Troie du nettoyage ethnique israélien?

Publié par Gilles Munier sur 6 Mai 2025, 06:39am

Catégories : #Gaza, #Génocide, #Macron

Crédit photo © The Cradle

Par le correspondant de The Cradle en Palestine (5 mai 2025)*

Le ministre des Finances extrémiste de l'État d'occupation, Bezalel Smotrich, qui occupe également un poste au ministère de la Défense, a dévoilé les ambitions coloniales maximalistes de Tel-Aviv lorsqu'il a déclaré le 29 avril dans la colonie israélienne illégale d'Eli, en Cisjordanie occupée :

“Nous mettrons fin à cette campagne lorsque la Syrie sera démantelée, le Hezbollah sévèrement battu, l'Iran dépouillé de son arme nucléaire, Gaza nettoyée du Hamas et que des centaines de milliers de Gazaouis auront quitté la bande de Gaza pour d'autres pays, que nos otages auront été rendus, certains à leurs foyers et d'autres aux tombes d'Israël”.

Le ministre des Finances a fait cette déclaration après plusieurs semaines de rapports faisant état d'un exode silencieux de Gaza vers l'Europe, certains via l'aéroport Ramon dans le sud de la Palestine occupée, d'autres via l'aéroport Ben Gourion à Tel Aviv. Le dernier incident, documenté dans une vidéo diffusée, indique que leur destination est la France.

Il faut souligner l'ambiguïté flagrante qui entoure ces évacuations et le silence assourdissant des gouvernements occidentaux et des institutions internationales. Ce silence semble délibéré, permettant à Israël d'exploiter le récit tout en épargnant aux responsables le désagrément de contester les fantasmes obsessionnels mais persistants du président américain Donald Trump en matière d'expulsion.

La déclaration de Smotrich – et les opérations secrètes actuelles – interviennent près de 19 mois après le début de l’agression d'Israël contre Gaza. Elles font suite aux menaces répétées d'Israël de déplacer de force la population. Pourtant, si cette agression prouve bien quelque chose, c'est l'objectif prioritaire de l'État d'occupation, à savoir massacrer et affamer les Palestiniens – afin de briser leur résistance et semer la terreur dans la région – bien avant toute tentative organisée de transfert.

La France affirme que les évacuations sont “antérieures” à la “guerre”

Dans le cas des départs les plus récents vers la France, The Cradle s'est entretenu avec des sources diplomatiques françaises bien informées et proches de l'opération. Elles confirment que des dizaines de Palestiniens se sont rendus à Paris, mais affirment qu'il s'agit d'un programme plus ancien lancé au début de la guerre pour les détenteurs d'un passeport français ou leurs proches vivant à Gaza.

Toutefois, ces sources reconnaissent que le programme a été élargi pour inclure “des professionnels francophones et des personnes rattachées à l'Institut culturel français de Gaza”. Elles expliquent que cette extension résulte d'“ajustements logistiques” plutôt que d'un agenda politique.

Elles rejettent catégoriquement les affirmations des organisations de défense des droits humains, telles que Euro-Med Human Rights Monitor, selon lesquelles la France faciliterait une évacuation à plus grande échelle. Les sources ajoutent qu'elles ont personnellement supervisé le départ des ressortissants français et de leurs proches, déclarant à The Cradle que le programme a été suspendu après la prise de contrôle de Rafah par Israël.

“Mais compte tenu de l'opposition de l'Europe à l'expulsion des Palestiniens, Israël a vu une occasion de relancer cet ancien programme afin de l'étendre à de nouveaux groupes”, affirment les sources.

Ce qui change cette fois-ci, c'est la coordination via Ramallah, avec la participation de l'ambassade de France et de l'Autorité palestinienne (AP). Cependant, le nombre de personnes évacuées reste très limité et n'inclut pas les parents au deuxième degré, même si certains universitaires et artistes “ayant des liens culturels avec la France” font partie des personnes qui ont quitté le territoire.

Les États membres de l'UE trient sur le volet quelques privilégiés tout en expulsant les autres

Selon les mêmes sources, c'est en fait le contraire qui se produit : on peut constater une résistance à toute loi ou législation visant à accueillir ceux qui fuient la guerre.

Plus révélateur encore, Haaretz rapporte le 15 avril que la France et “d'autres acteurs internationaux” sont en pourparlers avec l'Égypte pour accueillir temporairement les personnes déplacées pendant la phase de reconstruction. En échange, Le Caire bénéficierait d'un allègement partiel de sa dette et d'un rôle plus important dans la reconstruction, monétisant ainsi le déplacement temporaire.

La présence croissante de la France dans le dossier palestinien a atteint de nouveaux sommets, le président français Emmanuel Macron menant les efforts pour “renouveler l'autorité” à Ramallah. Paris poursuit cet objectif sur deux fronts : le parrainage conjoint avec l'Arabie saoudite d'une “conférence de paix” en juin 2025 pour soutenir le plan de reconstruction de Gaza du Caire, et la pression directe sur le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour qu'il nomme un adjoint – une mesure déjà engagée. En contrepartie, l'UE s'est engagée à verser 1 milliard d'euros (environ 1,07 milliard de dollars) d'aide à l'Autorité palestinienne sur deux ans.

Israël, quant à lui, cherche à inclure des garanties pour tout accord futur. Comme l'ont rapporté les médias israéliens, Paris propose un mécanisme de surveillance qui permettrait à Israël de mener des opérations militaires “indispensables” à Gaza après le retrait, sur le modèle franco-américain dans le Liban d'après-guerre.

Toutefois, selon des sources diplomatiques égyptiennes haut placées, Le Caire a rejeté l'évacuation des personnes ayant la double nationalité par les checkpoints israéliens. Bien que ces transferts soient limités, l'Égypte craint qu'ils ne créent un précédent.

La source officielle ajoute que l'Égypte a obtenu de ses homologues européens l'assurance de s'opposer à toute migration volontaire ou forcée, ainsi qu'à toute évacuation à grande échelle de Gaza.

Une reddition forcée assimilée à une évacuation

De multiples sources palestiniennes proches des capitales européennes, ainsi que des responsables du Hamas qui suivent de près la question, ont fait part à The Cradle d'un nouveau phénomène inquiétant : de jeunes Palestiniens de Gaza, sans affiliation à la résistance, se rendent aux forces d'occupation. Ils espèrent que leur arrestation leur permettra d'obtenir temporairement de la nourriture et un abri, voire d'être expulsés.

Mais l'armée israélienne détrompe souvent ces espoirs. S'ils ne sont pas abattus sur place, ces jeunes Palestiniens sont interrogés puis renvoyés à Gaza, parfois avec la proposition de devenir informateurs. Il n'existe aucun protocole officiel de déportation, ni aucun mécanisme opérationnel connu lié à ce qu'Israël a récemment annoncé comme une unité d’évacuation volontaire”. Si un tel dispositif existait, ces jeunes désespérés seraient les premiers à en faire l'expérience.

Selon un haut responsable palestinien, seuls environ 150 individus ont été évacués vers la France depuis le début de la dernière vague de déplacements. Tous sont sortis par le checkpoint de Kerem Shalom, après coordination préalable avec les gouvernements européens.

Il s'agissait de personnes bénéficiant de bourses universitaires ou culturelles, de parents au premier degré résidant dans l'UE ou d'évacués dont les demandes ont été bloquées par l'incursion à Rafah, révèle la source.

L'Allemagne, quant à elle, a procédé à l'évacuation complète du personnel de son GIZ (Agence allemande de coopération internationale) à Gaza. Berlin offre à ces personnes et à leurs familles un logement, une allocation, une scolarité et des cours intensifs d'allemand – environ 120 personnes au total.

La Belgique a mis en place une opération similaire, mais à plus petite échelle. Elle a fourni une formation en français aux employés de l'agence et a permis à un nombre limité de citoyens palestiniens de faire venir un ou deux parents au premier degré.

L'Australie, en coordination avec le ministère israélien des Affaires étrangères, a également agi au cas par cas pour des cas impliquant des liens familiaux. Canberra serait en train d'étudier la possibilité de prolonger le séjour des Palestiniens dont le visa de visiteur arrive à expiration, mais n'a pas précisé si elle allait leur offrir un statut de réfugié ou une protection permanente.

Fait important, aucune de ces évacuations n'a concerné des ressortissants égyptiens ou des résidents des pays du golfe Persique. La coordination est strictement limitée aux États membres de l'UE et à quelques partenaires occidentaux sélectionnés.

Les exceptions régionales traduisent les frontières politiques

La sélectivité géographique de ces opérations révèle les limites de leur prétendue nature humanitaire. Même lorsque le checkpoint de Rafah était opérationnel, les ressortissants libanais, les résidents syriens et les réfugiés palestiniens de Syrie se sont vu refuser le passage, malgré les pressions exercées par Beyrouth et Damas. Le Caire a invoqué l'opposition d'Israël pour justifier son refus.

Cette politique sélective équivaut à une punition collective, qui vise non seulement les Palestiniens, mais aussi toutes les nationalités jugées politiquement indésirables aux yeux de Tel-Aviv.

La question demeure : s'agit-il d'un test en vue d'une expulsion massive ?

Les dirigeants des factions palestiniennes à Gaza et à Beyrouth ont confié à The Cradle leurs craintes persistantes concernant les déplacements internes et la réinstallation à l'étranger. Mais ils détectent également un net désengagement de Washington, dont l'influence se fait déjà sentir sur le positionnement d'Israël.

Ils soulignent plusieurs facteurs : la résistance inébranlable des Palestiniens, l'intransigeance égyptienne et, bien que de manière incohérente, les tergiversations jordaniennes. Ces facteurs ont collectivement contrecarré le projet de déportation. La réalité démographique actuelle ne permet pas une réédition du scénario de 1948.

Même si les Palestiniens devaient être déplacés vers des pays arabes voisins, cela ne résoudrait rien. La proximité de la Palestine serait source d'une nouvelle résistance. Si un projet de déplacement devait être mis en œuvre, il faudrait envoyer les Palestiniens loin de la région, et non vers des pays européens qui pourraient finir par leur accorder la citoyenneté, leur permettant ainsi de revenir légalement en Israël.

La résistance collective, la plus grande crainte d'Israël

L'histoire récente offre un exemple éloquent. Malgré des opérations militaires intensives, Israël n'a pas osé expulser les habitants des camps de réfugiés de Jénine, Tulkarme ou Nour Shams au-delà des villages voisins. Il ne les a pas poussés vers la vallée du Jourdain ni même vers les villes du centre de la Cisjordanie.

Tel Aviv qualifie plutôt ces déplacements de “temporaires” jusqu'à ce que les camps soient “purgés” – tout en les démolissant purement et simplement.

Et ce n'est pas dû à une incapacité militaire ou par crainte de la Jordanie. Israël sait que les conditions pour un déplacement forcé de masse ne sont pas encore réunies.

Malgré une puissance de feu écrasante, les Palestiniens n'ont pas capitulé. Au contraire, leur refus de se rendre, malgré leur infériorité numérique, est manifeste. Toute mise en œuvre effective de déplacements forcés à Gaza ou en Cisjordanie pourrait déclencher ce qu'Israël redoute le plus : un soulèvement populaire généralisé.

L'atout de l'Égypte : le sort incertain de la population de Gaza

Enfin, dernier détail crucial : près de 100 000 Palestiniens ont fui vers l'Égypte depuis le début de l'agression génocidaire israélienne. La vague la plus récente a eu lieu après l'occupation de Rafah par Israël en mai 2024. Ces populations vivent désormais en Égypte depuis un an et demi. Pourtant, Le Caire ne leur a pas accordé le droit de résidence, ni facilité leur départ vers un pays tiers en leur permettant de demander un visa auprès des ambassades voisines.

Ils sont pris dans les limbes bureaucratiques et existentielles, attendant la reconstruction et la réouverture de Rafah, survivant avec le strict minimum.

Pourquoi Le Caire ne les a-t-il ni intégrés ni expulsés ?

Une source haut placée des services de sécurité égyptiens a déclaré à The Cradle que Le Caire joue délibérément la “carte Gaza” . Contrairement à l'absorption plus discrète des flux de réfugiés en provenance du Soudan, de Syrie et de Libye – qui resteront pour la plupart sans statut légal ni aide publique –, l'Égypte maintient délibérément les Palestiniens de Gaza dans un vide bureaucratique.

L'Égypte préfère plutôt se servir d'eux comme moyen de pression pour inciter l'Occident à ouvrir Rafah et faire perdurer une crise humanitaire qu'elle peut instrumentaliser.

Cette politique, bien que tactiquement judicieuse pour Le Caire, est dévastatrice pour les populations déplacées. Elle porte atteinte à leur dignité et les prive, ainsi que leurs enfants, de toute perspective d'avenir.

*Source : The Cradle

Traduit par Spirit of Free Speech

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